ENSILAGE
Herbe : récolte chaotique et piètre qualité des fourrages
Traces dans les champs, météo capricieuse, fuites de jus... Chaotique, la campagne de fauche précoce du Puy-de-Dôme donne peu d'espoir quant à la qualité de l'herbe récoltée, comme le confirment les premières analyses de l'EDE.
Traces dans les champs, météo capricieuse, fuites de jus... Chaotique, la campagne de fauche précoce du Puy-de-Dôme donne peu d'espoir quant à la qualité de l'herbe récoltée, comme le confirment les premières analyses de l'EDE.
Depuis début mai, la météo pluvieuse rend les conditions des chantiers de récolte de l'herbe très difficiles. En témoignent les nombreuses traces laissées par le passage des machines dans les champs. En cause : le sol détrempé et le poids de l'herbe humide qui contraignent les agriculteurs à « moins charger leurs remorques, et donc à multiplier les passages, qui plus est avec du matériel de grandes dimensions car initialement prévus pour abattre des chantiers rapidement », détaille Pascale Faure, conseillère fourrage à la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme.
Des dégâts qui ne viennent pas seuls, puisque toute la chaîne de gestion des chantiers, du pâturage et de l'ensilage, est impactée par ce contexte métérologique insolite.
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Chantiers décalés
La météo n'ayant offert que de très courtes fenêtres de répit, les récoltes ont pris un retard considérable, notamment dans les Combrailles où les machines ronronnaient encore il y a quelques jours.
« Des fauches précoces sont encore en cours, alors que nous devrions être en train de terminer la fauche des foins dans certains secteurs ».
C'est le cas notamment des zones montagneuses de l'AOP Saint-Nectaire, où les chantiers ont démarré seulement la semaine dernière. « Les éleveurs ont souhaité respecter le cahier des charges de l'appellation en évitant de récolter l'herbe humide. Or, celle-ci commençant à atteindre son stade d'épiaison, ils ont finalement débuté la fauche » explique Géraldine Dupic de l'équipe fourrage. « Le séchage de l'herbe, pour ceux qui le pratiquent, s'annonce complexe cette année ».
Enfin, si les parcelles fauchées début mai pourraient bientôt entamer leur deuxième coupe (environ 45 jours sont nécessaires entre deux récoltes), les CUMAs et EDT ne pourront pas attaquer la nouvelle vague de chantiers avant d'avoir terminé la première.
Pâturage limité
À cette période de l'année, « les surfaces pâturées sont normalement agrandies aux parcelles fauchées ». Or, beaucoup ne le sont pas encore. De ce fait, les éleveurs s'adaptent pour économiser l'herbe disponible, assurer le confort des bêtes et éviter le piétinement des surfaces les plus fragilisées. « Certains ont fait le choix de faire pâturer leurs bêtes uniquement le jour et de les rentrer la nuit. D'autres ont dû arrêter le pâturage sur leurs parcelles les moins portantes ».
Qualité moindre de l'herbe ensilée
Au moment de la récolte, « l'herbe atteignait à peine 13% de matière sèche (MS). Avec un taux de MS situé entre 23 et 25% dans les silos, la conservation de l'ensilage est compromise. Nous constatons notamment des fuites d'effluents liquides, riches en composés organiques et minéraux intéressants pour l'alimentation des animaux » souligne Pascale Faure.
« La qualité des stocks sera très impactée cette année. »
Bien que peu nombreuses, les premières données récoltées par l'EDE et Agrolab confirment cette hypothèse. « Pour le moment, nous n'avons analysé qu'une dizaine d'échantillons de fourrage, car les récoltes ont pris trop de retard », rapporte Jean Zapata, conseiller fourrage à l'EDE du Puy-de-Dôme. « Nos analyses prennent compte du taux de matière azotée totale (MAT) de l'herbe, qui joue dans sa digestibilité et sa valeur énergétique. » Cette teneur est très liée aux repères de somme de température, qui diffèrent selon l'altitude.
À titre indicatif, quelques analyses de fourrage pour foin ont déterminé les rapports suivants : en dessous de 600 degrés de somme de température, la MAT est équivalente à 15% ; à 750 degrés, entre 13 et 14% ; à 900 degrés, 12% ; au-delà de 1000 degrés, 9,4%.
Ainsi, certains fourrages récoltés autour du 15 avril, entre 550 et 600 °C, à moins de 700 mètres, affichaient une très bonne teneur en MAT (16%, soit +3 points par rapport à 2023), tandis que d'autres, récoltés début mai entre 700 et 850 degrés, voyaient ce taux tomber à 10%. « Nous nous attendons à ce que les fourrages récoltés trop tardivement affichent des teneurs azotées totales faibles, situées entre 10 et 12%. D'où la nécessité de complémenter les silos avec des conservateurs, pour limiter la perte de valeur alimentaire ».
Concernant les ensilages très tardifs, réalisés à partir d'herbe récoltée à un stade avancé, « ce sont davantage le tassement et la finesse du hachage qu'il faudra surveiller pour éviter la reprise des fermentations en été. »
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