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Gare à l’échauffement du foin

L’année 2024 est délicate sur une partie de la France pour faire du foin en bonnes conditions. Sur les premiers cycles encore non récoltés, le risque d’échauffement est légèrement amoindri du fait de la maturité avancée des plantes : leur teneur en matières organiques solubles est moindre pour alimenter les échauffements. Les risques restent élevés pour les regains (deuxième voire troisième cycle) dans la mesure où les conditions seraient peu propices au séchage (sol humide, faible déficit de saturation, température basse, averses).

Quel est le risque d’échauffement en cas de récolte de foin humide ?


L’échauffement du foin jusqu’à une température de 40 ou 45 °C est normal. Dans ce cas, au bout d’une semaine, la température redevient proche de la température ambiante. Il n’y a aucun risque à stocker les balles. Quand le risque d’échauffement est important (teneurs en matière sèche inférieures à 80 % et densités des balles élevées), il faut absolument contrôler la température, notamment à l’aide d’une sonde thermométrique. Si la température dépasse 60 °C, il faut aérer le tas soit à partir du sommet ou en le déplaçant, soit prévoir un extincteur à proximité, et sortir les balles si celles-ci sont stockées dans un bâtiment. Au-delà de 80 °C, le danger devient imminent. Il faut alors avertir les pompiers, sortir le matériel, et fermer les portes et ouvertures.


Au moins 84 % de matière sèche au pressage


La conservation des balles rondes et rectangulaires de foin sans risque d’échauffement implique un pressage du fourrage dès lors que sa teneur en MS est supérieure à 84 %. Au champ, l’appréciation visuelle et le toucher du fourrage permettent d’estimer de manière plus ou moins précise sa teneur en MS mais requiert de l’expérience. Un fourrage prairial à 82-84 % de MS se caractérise en premier lieu par des feuilles cassantes et des tiges sèches. Au toucher, aucune sensation d’humidité ne doit être ressentie, sur le dessus, à l’intérieur et au-dessous de l’andain en contact avec le sol. Sur les tiges, les nœuds ne doivent plus comporter de zones de couleur « vert chlorophylle », signe de la présence résiduelle d’eau. À ces endroits, les composés solubles (sucres notamment) s’y concentrent et retiennent l’eau par des forces hygroscopiques. Outre cette estimation sensorielle, des sondes permettent de mesurer l’humidité des fourrages. Mais elles s’utilisent sur un fourrage compacté et impliquent qu’il soit déjà pressé pour disposer de l’information. Enfin, l’hétérogénéité du séchage dans la parcelle, en lien avec le type de sol et les zones de bordures ombragées, complexifie l’appréciation de la teneur en MS du fourrage en tout point de la parcelle. Et bien évidemment, les conditions météorologiques réelles ne sont pas toujours celles prévues lors de la fauche. L’ensemble de ces éléments peut alors conduire à réaliser le pressage d’un foin insuffisamment sec. Les cellules de la plante qui ne sont alors pas complètement déshydratées ont un métabolisme ralenti mais toujours actif. Par ailleurs, l’eau résiduelle favorise également l’activité métabolique des levures et des moisissures naturellement présentes sur le fourrage.


Phénomènes aggravants


Lorsque le foin est trop humide, une densité élevée de fourrage dans la balle est un facteur aggravant les risques d’échauffement. Cette densité ne permet pas une circulation d’air dans la balle suffisante pour évacuer rapidement l’eau résiduelle. La chaleur produite par l’activité des cellules de la plante et des micro-organismes ne peut pas se dissiper et la température interne de la balle grimpe. Selon les mêmes principes, des balles de grande dimension ou empilées les unes sur les autres sont également des facteurs de risque supplémentaires. En résumé, plus un fourrage est humide et fortement comprimé au sein d’une balle de grande dimension, et plus le risque d’échauffement est élevé. En cas de suspicion d’une teneur en MS insuffisante, il sera préférable de réaliser des balles de petite dimension et de desserrer au maximum la pression exercée sur le fourrage (cas des presses à chambre variable). Ce levier n’est que partiel mais il diminue le risque d’échauffement. Après pressage, la température des balles sera suivie durant plusieurs semaines. Si le fourrage paraît trop humide, il sera préférable de recourir à l’enrubannage. À teneur en MS et densité de balle identiques, un fourrage jeune et riche est plus sensible à l’échauffement qu’un fourrage fauché tardivement (stade floraison ou plus tard). Un fourrage jeune se caractérise par une forte teneur en matière organique soluble (sucres, protéines). Or, cette matière organique soluble est le carburant des réactions métaboliques à l’origine de l’échauffement. Bien évidemment, pour que les phénomènes de respiration à l’origine de l’échauffement puissent avoir lieu, l’oxygène doit être présent. Or, l’élément n’est jamais limitant au sein de la balle ou dans un tas de balles empilées.


Combien de temps après le pressage apparaît l’échauffement ?


L’échauffement peut apparaître très rapidement après le pressage, en quelques heures. Dans cette situation, le phénomène est dû à l’activité des cellules de la plante encore vivantes. Après quelques jours (3 à 10 jours), les cellules de la plante ne sont plus actives. Mais les micro-organismes (levures et moisissures) ont pu se développer et se multiplier : leur activité métabolique intense peut être à l’origine d’échauffement, qui peut durer de quelques jours à quelques dizaines de jours. Il est important de noter que l’échauffement rapide dû à l’activité des cellules de la plante n’est pas toujours constaté, même en situation trop humide au moment du pressage. Parfois, seule l’activité des levures et moisissures est responsable. Dans d’autres situations, les deux pics de montée en température sont proches de sorte qu’ils peuvent être confondus. Ceci invite donc à la prudence quant à la qualification de l’échauffement. Le suivi de la température des balles à risque devra donc se faire sur plusieurs jours avec vigilance.


Des conséquences sur la valeur alimentaire du foin


Un échauffement traduit une perte d’énergie sous forme de chaleur, c’est-à-dire que le fourrage perd de sa valeur énergétique. D’un autre côté, l’élévation de température au-delà de 40 °C provoque la réaction de Maillard : les protéines se lient aux fibres et deviennent de moins en moins digestibles. Le préjudice sur les valeurs énergétique et protéique du foin dépend de la température maximale atteinte et, dans une moindre mesure, de la durée de l’échauffement. Après échauffement, les résultats d’analyse de fourrage s’interprètent avec précaution. La baisse de digestibilité des protéines ne sera pas perçue par les analyses classiques. La protéine est bien présente dans le fourrage mais sa digestibilité est inférieure à celle indiquée sur le bulletin. Malgré une excellente appétence lorsque ces foins sont exempts de moisissures, il importe de tenir compte de la plus faible valeur énergétique et protéique des foins « caramélisés » dans le rationnement. Différents micro-organismes sécrétant des agents toxiques peuvent se développer sur des foins humides. Leurs effets sont peu connus. Les conséquences peuvent toucher la santé des animaux et des éleveurs. En cas de doute et si cela est possible, il convient de ne pas distribuer les balles aux animaux.

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