Faire le choix des hommes pour continuer à produire du lait en Auvergne Rhône-Alpes
Alors que les volumes de lait produits en Auvergne Rhône-Alpes reculent, les responsables de la section régionale laitière estiment qu'il est urgent de remettre l'humain au centre des exploitations au risque de décourager les nouvelles générations.
Alors que les volumes de lait produits en Auvergne Rhône-Alpes reculent, les responsables de la section régionale laitière estiment qu'il est urgent de remettre l'humain au centre des exploitations au risque de décourager les nouvelles générations.
Les chiffres sont têtus, et en matière de production laitière, les courbes au mieux stagnent, au pire dévissent dangereusement. Ainsi, entre 2010 et 2024, le bassin laitier Alpes Massif central a perdu 5 750 exploitations laitières, soit un recul de 45 % en quatorze ans. Un phénomène qui s'est accéléré depuis deux ans, avec une perte de 4,5 % des structures laitières par an. Malgré cette restructuration des outils, la production a tenu, enfin jusqu'à un certain seuil, devenu critique, ces dernières années. Alors qu'en 2024, au global, la production française renoue avec la croissance (+1,5 % à fin septembre par rapport à 2023), en Auvergne Rhône-Alpes, elle diminue encore (-0,7 % par rapport à 2023). Certes, dans des proportions moindres qu'entre 2023 et 2022 (-2,7 %), mais " cette décroissance des volumes interpelle quand même. Elle est liée en partie aux difficultés que traverse la filière bio ", explique Stéphane Joandel, président de la section régionale laitière Auvergne Rhône-Alpes. L'appel du bio, il y a quelques années, avait en effet séduit pas mal de producteurs de la région, qui se retrouvent en difficulté dans un contexte de marché moribond.
Des prix du lait meilleurs mais…
Côté prix, la conjoncture est bien meilleure depuis fin 2022. Sur l'année 2024, le lait est payé aux environs de 500 euros les 1 000 litres aux producteurs, tandis que le niveau des charges semble amorcer une baisse significative. Cette conjonction devrait donc être de nature à redonner des perspectives aux producteurs. Mais dans les faits, ce n'est pas aussi mathématique que cela. " La construction du prix en marche en avant est un combat de tous les instants, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle, nous plaidons en faveur d'une restructuration des organisations de producteurs afin qu'elles disposent d'un vrai pouvoir face aux acheteurs. Le prix est et restera central, mais pour attirer des jeunes vers la production laitière et soulager ceux qui sont installés depuis plusieurs années déjà, il nous faut travailler sur l'emploi pour rompre l'isolement, sur l'accessibilité des fermes d'élevage en abordant le foncier et le financement. Il est temps de remettre de l'humain au cœur des exploitations en travaillant sur la question de l'astreinte ", insiste le producteur ligérien.
Écouter les producteurs de lait, proposer des solutions
Ces sujets seront au menu des prochaines Assises du lait, organisées par la Fédération nationale des producteurs de lait, en Haute-Loire, les 11 et 12 décembre. Parmi les propositions innovantes, pour aider les producteurs à sortir la tête du guidon, la mise en place d'un système incitatif de défiscalisation pour embauche de salarié.
À la FNPL, nous nous positionnons comme un syndicalisme de solutions, au plus près des préoccupations des éleveurs. Nous en avons fait la démonstration, encore aujourd'hui en accompagnant les éleveurs lâchés comme des kleenex par le groupe Lactalis. Sur ce dossier, notre objectif est d'offrir une solution à 100 % des producteurs. Mais force est de constater que sur ces sujets ô combien stratégiques, la FNPL est bien seule. Méfions-nous des syndicats comme la Coordination rurale dont les seules armes sont de taper sur d'autres agriculteurs, et qui concrètement ne proposent pas grand-chose", conclut Stéphane Joandel, cette fois-ci avec sa casquette de secrétaire général de la FNPL.
Les producteurs claquent la porte du CNIEL, l'interprofession laitière
Le collège des producteurs a suspendu, le 4 décembre, ses travaux au sein du Cniel sur fond de désaccord avec les laiteries privées sur l’actualisation de l’indicateur Ipampa. Les producteurs, les coopératives et les distributeurs appellent les industriels privés à la « responsabilité ». Les quatre collèges s’étaient pourtant mis d’accord pour faire de l’actualisation des indicateurs économiques – en premier lieu le beurre-poudre et le coût de revient – une priorité du nouveau bureau. Les discussions sur le beurre-poudre sont toujours enlisées et des blocages apparaissent maintenant sur la question des coûts de production et du prix de revient. Cet indicateur, calculé par l’Idele (institut de l’élevage), porte sur les charges des producteurs de lait. « Le bureau du Cniel s’est mis d’accord en juin pour faire évoluer cet indicateur et a passé commande auprès de l’Idele pour créer un indicateur qui prenne en compte toutes nos charges », indique Yohann Barbe. Cependant, le collège des industriels privés (Fnil) s’oppose désormais à la publication par le Cniel de l’indicateur actualisé. En effet, les laiteries privées considèrent qu’il ne s’agit pas d’un indicateur interprofessionnel et que « la prétendue validation sortie de ce bureau n’a pas de portée », explique le président-directeur général de la Fnil, François-Xavier Huard. Les laiteries demandent une « réouverture globale du sujet du prix de revient », précise t-il. En attendant, elles souhaitent que le nouvel Ipampa soit uniquement publié par l’Idele. Le président du collège producteurs Yohann Barbe estime que la position des laiteries est « impensable à l’heure des négociations commerciales ».
Appel à la « responsabilité » des laiteries
Dans un communiqué commun du 5 décembre, la FNPL, la Coopération laitière et le collège de la distribution (FCA, FCD) appellent les laiteries privées à la « responsabilité » et dénoncent des pratiques « qui compromettent gravement le bon fonctionnement de la filière en s’opposant aux intérêts collectifs ». Selon les trois collèges, les démarches de « progrès » engagées par le nouveau bureau « sont entravé [e] s par le refus des industriels privés de publier des indicateurs et indices essentiels aux négociations commerciales entre les OP, les coopératives […], les industriels et les distributeurs ». Le président du collège des coopératives, Luc Verhaeghe, appelle à l’apaisement et invite les différents collèges à revenir autour de la table pour « trouver le meilleur compromis dans l’intérêt de toute la filière ». « Nous avons pris l’engagement de trouver une solution pour apporter plus de réactivité aux coûts de production», déclare-t-il. Les coopératives espèrent une désescalade.
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