William Villeneuve président de Jeunes Agriculteurs
"Face aux crises, les outils de régulation sont indispensables"
Interrogé sur la crise financière, la crise économique, le bilan de santé de la Politique Agricole Commune…, le président national des Jeunes Agriculteurs, William Villeneuve, réaffirme avec force la nécessité de maintenir la préférence communautaire, des outils de régulation des marchés agricoles, et de mettre en place des filets de sécurité pour les revenus.
Êtes-vous inquiet des conséquences de la crise financière et économique sur le secteur agricole ?
Oui, parce que la crise financière ne va pas durer, mais la crise économique risque, par contre, de se poursuivre et d’avoir de graves conséquences sur la consommation. Aujourd’hui, cette crise financière devrait au moins faire prendre conscience aux Européens, à leurs gouvernements et à l’Europe toute entière que des outils de régulation sont indispensables. On ne peut pas supporter des crises qui, du jour au lendemain, désorganisent une économie, mettre à plat la consommation et l’enthousiasme des consommateurs… Si l’Europe tire comme leçon de cette crise, la nécessité absolue de mettre en œuvre des outils de régulation, ce serait au moins une bonne chose.
La journée mondiale de l’alimentation organisée par la FAO rappelle que 923 millions de personnes dans le monde sont touchées par le fléau de la faim. Comment réagissez-vous face à ce constat ?
Quand la FAO demande que des fonds non utilisés de la PAC servent à aider les pays en développement à atteindre l’auto suffisance alimentaire, ce n’est certainement pas la bonne réponse. Ne serait-il pas plus judicieux d’instaurer des barrières douanières, afin qu’ils puissent produire et à terme devenir autosuffisants sur le plan alimentaire. On a voulu en faire des pays agroexportateurs de cacao, de coton… On a simplement oublié qu’avant d’exporter des produits agricoles, il faut en produire pour se nourrir. Aujourd’hui, on constate que ce sont les politiques de la FAO et de la Banque mondiale qui ont échoué, en conduisant ces pays pauvres dans une vraie impasse.
La solution ne passe-t-elle pas aussi par la mise en place de vraie politique agricole ?
Bien entendu, c’est également mettre fin à des politiques concurrentielles comme celles développées par les Etats-Unis avec les aides alimentaires ou encore les échanges bilatéraux, comme le fait encore la France pour s’approvisionner en cacao. Ces systèmes sont pervers et plombent les économies de ces pays en développement. Il faut qu’ils produisent de l’alimentaire et, à terme, tendre à devenir autosuffisants. Une fois qu’ils mangeront, ils pourront alors faire du commerce. Alors que, depuis longtemps, on leur propose le schéma inverse. La production agricole n’a pas comme vocation première d’exporter, mais celle de nourrir les individus.
En France, le Parlement vient d’achever l’examen du projet de loi d’orientation du Grenelle de l’environnement. Qu’en attendez-vous ?
Nous défendons une agriculture durable qui respecte l’environnement. Ce qu’on oublie de trop, c’est qu’avant d’être durable, l’agriculture est avant tout économique. J’ai l’impression, qu’aujourd’hui, on est un peu bercé par l’image d’une agriculture qui entretiendrait la nature, sans prendre en compte les aspects « production ». Le Grenelle de l’environnement doit cibler une agriculture écologique et économique. Sur mon exploitation, si j’ai entrepris la mise aux normes, c’est aussi et avant tout dans une démarche économique.
L’agriculture doit affirmer l’acte économique de la production dans un cadre respectueux de l’environnement. C’est une priorité. Mais, aujourd’hui, vouloir retirer des produits phytosanitaires sans option alternative ou plan de recherche, risque d’aboutir à des impasses graves. Nous devons développer de nouveaux outils en dehors de la phytopharmacie ou du monde des OGM. On peut imaginer des techniques alternatives pour lutter contre certaines mauvaises herbes, infestations de pucerons… Mais à ce jour, il n’existe pas de plan de recherche sur ces techniques. Il est impératif aujourd’hui d’investir dans cette voie.
Dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, vous appelez à une PAC intelligente et réactive. Cela signifie quoi ?
Les discussions actuelles autour du bilan de santé ne vont pas dans la bonne direction et laissent présager la mise place d’une PAC « à la carte » au gré des États membres.
Les jeunes agriculteurs se désolidarisent de la proposition sur le rééquilibrage des aides, présentée par le ministre de l’Agriculture, car le contexte a changé… Nous ne disposons pas de la boîte à outils adaptée pour faire ce que l’on veut faire. Les marchés sont à la baisse et nous ne disposons pas d’outils de gestion pour garantir les prix. L’an dernier, ces derniers étaient rémunérateurs, ils ne le sont plus cette année.
Il est urgent de proposer une politique agricole intelligente, c’est-à-dire où la préférence communautaire, les outils de régulation des marchés agricoles et les filets de sécurité pour sécuriser le revenu des producteurs soient véritablement présents et complètement opérationnels. De ce bilan de santé, nous attendons aussi qu’il remettre l’homme au cœur des débats. Arrêtons de raisonner les aides, leur gestion ou leur redistribution uniquement à l’hectare. On est en train de mettre à mal le schéma que nos parents nous ont légué, c’est-à-dire le maintien du plus grand nombre d’agriculteurs sur tout le territoire. Nous verrons que ce sont probablement les politiques qui ont le plus gros handicap qui emploient le plus. Le rééquilibrage se ferait peut-être tout seul si on mettait les hommes au cœur du débat.
Le modèle français en matière d’installation des jeunes agriculteurs est montré en exemple au niveau européen. Que faut-il faire de plus pour installer des jeunes en France ?
C’est vrai le rapport du parlementaire européen Veraldi cite le modèle français comme exemple. Aujourd’hui, le bilan en terme d’installation est largement positif, en France : 96 % des jeunes installés, dix ans après, sont toujours agriculteurs. Mais définissons plus de perspectives en matière de marché et nous installerons encore plus de jeunes. On ne peut pas amener des jeunes, décemment, vers le métier, en leur disant : les revenus dans le secteur sont en dessous de ceux de 2006 avec des charges qui n’ont jamais été aussi importantes… La PAC doit nous aider à garantir des perspectives…
Quel regard portez-vous sur la crise du secteur laitier ?
Une fois de plus, on voit la déficience d’un marché si on lui retire les outils de régulation. Il y a une telle disparité dans les prix du lait, que vouloir abandonner les quotas, les outils de gestion et de régulation aboutit à des prix très fluctuants. En France, le rapport qualité prix et consommation suit une logique. En Angleterre, où il n’y a pas de régulation sur les volumes et sur les marchés du lait, on a le prix du litre de lait payé le moins cher au producteur et payé le plus cher par le consommateur. Comme quoi des outils de régulation sont indispensables.
Portrait
Installé depuis mai 2000 dans le village de Peyrusse-Grande dans le Gers, William Villeneuve, 33 ans, est associé en EARL sur une exploitation de 200 ha. Son exploitation est composée de productions végétales (blé, colza, maïs, soja, herbe), d’un élevage de bovins viande (blondes d’Aquitaine), de vignes pour l’activité de diversification et d’une entreprise de battage.
William Villeneuve adhère à Jeunes agriculteurs depuis 1998 où il occupe différents postes, de l’échelon cantonal à l’échelon national. En 2002, il devient administrateur national. Il est élu secrétaire général adjoint puis, en 2006, secrétaire général de Jeunes Agriculteurs. En juin dernier, William Villeneuve est devenu le 23e président de Jeunes Agriculteurs, depuis la création du syndicat fondé en 1957.