États généraux de l’alimentation : le risque d’une grande (dés)illusion
Comme partout en France, FDSEA et JA du Cantal ont alerté les parlementaires avant l’examen du projet de loi issu des États généraux de l’alimentation.
Les États généraux de l’alimentation vont-ils être une nouvelle victime de l’effet soufflé ? N’accoucher que d’une énorme déception au goût amer dans le monde agricole après les grands espoirs suscités par les intentions fermes affichées par le chef de l’État dans ses discours successifs et après l’état d’esprit des ateliers de l’automne qui ont abordé sans tabou les vrais sujets, économiques, ceux qui minent ces dernières décennies le revenu des producteurs ? Pas question pour la profession cantalienne - dont les représentants nationaux ont mouillé la chemise pour plaider la cause d’une inversion de la mécanique de construction des prix. Et ce afin d’instaurer un dispositif “en marche avant” sur la base des coûts de production des éleveurs. Une mécanique qui n’est plus à l’ordre du jour dans le projet de loi “pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable” tel qu’il arrive dans quelques jours (22 mai) en examen à l’Assemblée nationale. D’où cette initiative prise cette semaine par la FDSEA et les Jeunes agriculteurs(1) qui ont souhaité alerter les parlementaires cantaliens en les incitant à porter et défendre les amendements essentiels à cette (r)évolution.
Indicateurs objectifs
Après un échange avec la sénatrice Josiane Costes (Radicaux de gauche) et avant de rencontrer Jean-Yves Bony (hier) et Bernard Delcros, c’est le député LR Vincent Descœur qui était accueilli lundi dans la stabulation du Gaec de Girgols (lire encadré). Pour que ce texte ait un réel impact positif sur le revenu des éleveurs, “il faut intégrer les coûts de production dans la construction des prix sur la base d’indicateurs objectifs et indiscutables, définis par l’Observatoire des prix et des marges ou par les interprofessions”, a affiché Joël Piganiol. En fustigeant la rédaction actuelle du texte qui laisse à chaque opérateur, qu’il s’agisse d’un Carrefour ou Bigard, la possibilité de construire son propre indicateur... “C’est le sceau de l’État qu’il nous faut !”, a-t-il redit rappelant que la loi Sapin 2 avait déjà vocation à amener des éléments en ce sens pour la filière laitière mais sans que cela ait été suffisant. “Il faut mettre des cales très fortes notamment face à des groupes comme Lactalis ou Sodiaal.” L’occasion pour lui de regretter que, malgré des tendances de marché favorables, le prix du lait de 2018 ne dépasse guère celui de 2017, “alors qu’un prix de base à 340-350 €/t, c’était jouable !” Constat tout aussi sévère en viande bovine, où si les cours du maigre se tiennent, ils n’ont guère décollé depuis 30 ans... Autres revendications des syndicats : clarifier la notion d’interdiction des “prix abusivement bas” prévue dans le texte et assurer une couverture de l’encadrement des promotions sur l’ensemble des produits, y compris sous marque distributeurs.
On se trompe de débats
“Effectivement, il faut se montrer très exigeants, car à cette heure, ça risque de faire pschitt, alors que l’idée des États généraux, c’était de tout remettre à plat... sans compter que d’un autre côté, on (l’État) n’arrive pas à contrôler la concentration des acheteurs”, a relevé le député, très incesti sur ce dossier et auteur d’une cinquantaine d’amendements. D’ores et déjà, FDSEA et Jeunes agriculteurs, qui comptent sur le soutien des parlementaires, y compris sur un sursaut des députés En Marche, ont prévenu : “Si ça n’aboutit pas, on fera ressortir les troupes !” Pour sa part, Vincent Descœur s’est aussi étonné et inquiété de la part importante dans les débats en commissions donné par certains députés, notamment LREM, sur des sujets pour le moins anecdotiques mais qui témoignent à ses yeux de l’état d’esprit d’une nouvelle génération d’élus de la République sensible aux sirènes des mouvements animalistes. “On a passé des heures sur la qualité de l’alimentation, sur la taille des doggy bag, sur le bien-être animal en oubliant que la maltraitance est souvent la conséquence d’une détresse de l’éleveur... mais rien sur l’économie. C’est comme si on faisait une loi sur l’Éducation dont l’essentiel du texte porterait sur le bien-être des enfants à l’école !”, a résumé le député, en relevant le risque de se voir au final imposer de nouvelles règles sur la qualité des produits, sans aucun acquis sur les prix.
(1) Le 4 mai, les deux syndicats ont été reçus par le préfet sur ces questions, ainsi que sur la conjoncture des productions bovines (lait et viande) et le versement du solde de l’indemnisation FMSE (rats taupiers).