Et la voûte du barrage devint céleste
La seconde commande publique d’une œuvre artistique dans le Cantal, après les claies de Pailherols, consiste en un éclairage particulier du barrage de Saint-Étienne-Cantalès : Aster est inaugurée.
R ien n’est dû au hasard. Vendredi 2 juillet 2021, soit très exactement 76 ans jour pour jour après l’inauguration du barrage de Saint-Étienne-Cantalès par le général De Gaulle et le sultan du Maroc(1), l’œuvre monumentale “Aster” sur l’édifice était à son tour inaugurée.
Pas de hasard non plus dans la conception de cette pièce qui fait référence à la période de construction - de 1939 à 1945 - par des ingénieurs, techniciens et ouvriers qui ont activement participé aux réseaux de la Résistance. “Que voyaient-ils le soir après leur journée de labeur ?”, s’est interrogée l’artiste, Delphine Gigoux-Martin. Le ciel et les constellations allaient servir de point de départ d’inspiration. La voûte céleste que ces hommes avaient au-dessus d’eux s’avère peu ou prou la même qu’aujourd’hui, alors l’artiste va plus loin et imagine l’équateur sur la crête du barrage et dessine la constellation telle qu’on la voit dans l’hémisphère sud, depuis le cap de Bonne-Espérance. Quel beau symbole que ce nom, pour évoquer une période où la guerre bat son plein. “Un jeu de miroirs, parce que l’œuvre réfléchit notre histoire”, dira Michel Teyssedou, président de la com com de Châtaigneraie, collectivité qui a initié le projet.
Un bestiaire
Pas de hasard si, comme dans la réalité, les étoiles installées sur le barrage se devinent à peine en journée et s’illuminent naturellement la nuit. Pas de hasard non plus si chaque nuit, des silhouettes d’animaux sont projetées sur la voute du barrage par deux puissants vidéo-projecteurs. Les constellations n’ont-elles pas souvent des noms d’animaux ? Le bélier, la baleine, le corbeau, le lièvre, le petit renard ou la fameuse grande ourse... Et comme dame Nature réserve des surprises aux promeneurs qui ne peuvent prévoir quels animaux ils croiseront, Delphine Gigoux-Martin a imaginé des surprises aux spectateurs : impossible de savoir à l’avance lesquels prendront vie, tel ou tel soir. Chaque nuit, les projections diffèrent de manière aléatoire. Et si on y croisera aussi des animaux marins stylisés, pas de hasard non plus, c’est pour rappeler la forme de coquillage de l’ouvrage.
Deux ans de gestation
Après deux ans de gestation, le résultat est fin prêt et l’artiste comblée : “C’est une belle satisfaction, la réalisation correspond bien à l’image mentale”, confie-t-elle à propos des trois tableaux visibles : le jour, au crépuscule et la nuit. Quelques imprévisibles et heureuses surprises améliorent encore le rendu : les éléments luminescents (un matériau unique et expérimental) au rendu encore plus vif qu’espéré et surtout des étoiles qui brillent sous le feu des faisceaux du soir et pas seulement au soleil. “Un beau cadeau que nous fait la pièce en fin de chantier”, s’émerveille Delphine Gigoux-Martin.
Celle qui a donné ce coup de projecteur céleste sur l’élément industriel qui a profondément changé le paysage cantalien depuis le milieu du XXe siècle part déjà sous d’autres cieux. L’artiste expose en Chine, en Suisse et en France... avec des œuvres sans doute plus modestes que celle du Cantal.
(1) Le 2 juillet 1945, Mohamed V du Maroc était accompagné du Prince héritier Moulay Hassan.