« En termes de gravité, on n’est pas sur un mouvement conjoncturel »
Après la mobilisation massive des éleveurs et l’annonce d’un plan de soutien à l’élevage par le gouvernement, le président de la FNSEA Xavier Beulin fait le point sur la situation et met en avant des propositions pour l’avenir de l’agriculture française.
Les manifestations de colère des agriculteurs ont eu un écho fort auprès des pouvoirs publics et des Français. Quel bilan tirez-vous de cette mobilisation ?
Vu l’ampleur de la détresse, je considère qu’il y a plutôt eu une bonne tenue des mouvements. Cette crise est à la fois liée à une situation économique de plus en plus dégradée ces derniers mois, au niveau des prix pour la viande bovine, le porc et le lait, auxquels on pourrait peut-être ajouter les fruits et légumes. Elle a été amplifiée par deux éléments : d’une part, les conditions climatiques qui tendent la situation dans une grosse cinquantaine de départements français, critique pour les cultures d’été et le bilan fourrager, et d’autre part les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu qui ont donné au mouvement une résonnance jamais vue jusqu’à maintenant. Cette crise dont les ingrédients sont plutôt conjoncturels révèle aussi une situation beaucoup plus dégradée de l’agriculture française sur le plan structurel. Techniquement, nous sommes très bons, mais le problème reste le coût du travail. On ne demande pas à baisser le Smic français, mais si on admet qu’on a un salaire plus élevé en France, on peut peut-être alors payer nos produits quelques centimes de plus. Cette année, on va finir à 21 millions de cochons produits. Si on baisse encore, à 15 millions de cochons, c’est la fin de la filière porcine en France. Il n’y aura plus assez d’abattoirs et d’outils de transformation. En viande bovine, la qualité supérieure est insuffisamment valorisée.
En quoi la valorisation de l’origine France pourra-t-elle contrebalancer ce déficit de compétitivité ?
Nos concitoyens sont prêts à soutenir les produits français, pour peu qu’on leur donne l’indication d’origine. Cette crise révèle la difficulté que l’on a pour identifier les produits proposés au consommateur. Il faut distinguer ce qui relève de l’obligation et ce qui est volontaire. Nous demandons l’apposition systématique du logo Viande de France, pour les viandes issues d’animaux nés, élevés, transformés et abattus en France. Aujourd’hui, on peut parler de salaisonnerie française alors que le lieu de naissance n’est pas connu.
Vous souhaitez également mettre l’accent sur l’approvisionnement local dans la restauration collective et l’État a annoncé des mesures en ce sens…
En restauration collective, ce n’est pas le guide du ministre qui va faire prendre de l’ampleur à l’approvisionnement local. Il y a des ajustements à faire. Si on se fait sortir en restauration collective, c’est parce qu’un industriel français a entre quinze et vingt-cinq références sur un produit. En face, un industriel allemand ou belge n’a que trois ou quatre références. Il est plus performant et donc moins cher. Une des causes de la colère des éleveurs est le non-respect des engagements de revalorisation des prix.
La suite dans le Réveil Lozère, page 3, édition du 27 août 2015.
Trois milliards d’euros pour l’agriculture
Selon le président de la FNSEA, il est nécessaire d’investir trois milliards d’euros sur trois ans pour que l’agriculture française « retrouve la compétitivité perdue ». C’est ce qu’il a expliqué à l’occasion d’un entretien avec le Journal du Dimanche. « La France doit se doter d’une vision à plus long terme de son agriculture. Il faut engager un vaste plan pour moderniser les bâtiments, automatiser les abattoirs, organiser les regroupements d’exploitations afin qu’elles soient plus productives », a-t-il ajouté, proposant également « un moratoire d’un an sur les normes environnementales et une adaptation des règles fiscales aux aléas de l’agriculture ». Par ailleurs, quelques jours avant la manifestation organisée par le Copa et la Cogeca, le 7 septembre à Bruxelles, le jour où se réunit le conseil des ministres exceptionnel de l’Agriculture, la FNSEA et les JA ont programmé un rassemblement à Paris, le 3 septembre.
Sandra Hartmann