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Eleveurs : et si vous récupériez l'eau de pluie ?

Comme quatre autres exploitations du bassin de l’Alagnon, Vincent Mallet récupère désormais l’eau de toiture de son poulailler pour l’abreuvement de ses vaches laitières.

Vincent Mallet et David Olagnol devant la cuve souple récupérant les eaux de toiture du poulailler. Une cuve isolée de la parcelle par un double grillage pour en éviter l’accès aux vaches.
© Patricia Olivieri

Au pont de Lery, sur l’exploitation de Vincent Mallet, l’eau ne coule pas de source mais des 900 m2 de la toiture du poulailler qui abrite 6 000 poules pondeuses, une production en plein air et label rouge lancée à l’installation du jeune agriculteur il y a trois ans. De l’eau qui, jusqu’à peu, ruisselait des chenaux imposées par le cahier des charges du signe de qualité, pour se perdre ensuite sur les parcelles entourant le bâtiment, au grand dam de l’éleveur. “Quand je voyais toute cette eau qui se perdait...”, relate Vincent. Depuis quelques semaines, ce n’est plus le cas : grâce à des équipements installés à l’automne, cette eau est désormais collectée et acheminée par des tuyaux enterrés jusqu’à une citerne souple en polyéthylène de 90 m3, implantée sur une plate-forme de 120 m2 aménagée sur une parcelle en contrebas du poulailler. 
En ce printemps pluvieux, il n’a pas fallu plus de 45 jours pour que cette réserve se remplisse, permettant à Vincent Mallet non pas d’abreuver ses pondeuses mais les 35 laitières et 25 génisses de son second atelier, bovin, repris en début d’année après le départ en retraite de son père. L’agriculteur remplit désormais sa tonne à eau par gravité, tous les deux jours environ, en moins d’un quart d’heure, alors qu’il lui fallait jusqu’alors près d’une matinée, en recourant au système D : un tuyau d’arrosage raccordé au réseau d’eau potable de la commune.  

Autonomie, économie et gain de temps

Pour le producteur de Vieillespesse, l’intérêt est triple : une économie substantielle sur sa facture d’eau (avec un mètre cube facturé autour de 1,10-1,20 €), un gain de temps et de confort tout sauf négligeable et, surtout, une sécurité et autonomie accrues en eau à l’heure de la multiplication des épisodes de sécheresse dans un secteur régulièrement sujet, ces dernières années, à de fortes tensions sur le réseau AEP (alimentation en eau potable). Sans compter un geste éco-citoyen en allégeant le réseau public.
Mais Vincent Mallet en convient, sans les aides de la Région Auvergne-Rhône-Alpes issues d’un appel à manifestation d’intérêt “Stratégies d’adaptation et résilience des territoires”, auquel le Sigal, Syndicat interdépartemental de gestion de l’Alagnon et de ses affluents, a répondu, il n’aurait pu financer les 19 000 € d’investissements(1) nécessaires à cette récupération et ce stockage d’eau de toiture, le temps de retour sur investissement étant trop conséquent. Un soutien financier tout sauf négligeable puisque la Région prend en charge 80 % de l’investissement et de l’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage, assurée par le Sigal.

Soulager le réseau AEP

C’est en effet au syndicat que l’on doit l’initiative de ce projet auquel six exploitations du bassin de l’Alagnon ont initialement adhéré. Objectif du Sigal, des collectivités gestionnaires des réseaux AEP et de la Chambre d’agriculture réunis autour de la table : “Soulager les réseaux AEP en tension sur des périodes d’étiages prononcés en substituant les prélèvements sur ces réseaux par des eaux non valorisées auparavant, sans créer de nouveaux prélèvements sur les milieux, qui pourraient impacter significativement la ressource globale en eau”, explique David Olagnol, son directeur. 
Trois communes se sont portées volontaires, Vieillespesse, Rezentières et Allanche (notamment concernée par des tensions à l’automne lors de la rentrée des troupeaux en bâtiments), sur lesquelles la Chambre d’agriculture a identifié les élevages fort consommateurs d’eau sur le réseau. Six ont accepté d’intégrer la démarche (cinq jusqu’aux travaux), auprès desquels la Chambre a réalisé un diagnostic visant à estimer les besoins en eau de l’exploitation, les différentes pistes pour les couvrir avant d’étudier plus précisément le potentiel de récupération des eaux de toiture et leur utilisation possible pour de l’abreuvement, le nettoyage de salles de traite... explique Laurent Bouscarat, conseiller spécialisé Eau à la Chambre d’agriculture. Cette dernière a également procédé au dimensionnement des équipements et travaux et au suivi de leur réalisation. Le Sigal se chargeant de son côté de la consultation des entreprises dans le cadre d’un marché public, de la gestion budgétaire et comptable des travaux et de la demande d’aide auprès de la Région Aura.

 Suivi qualitatif et quantitatif

Sur les cinq exploitations, trois se sont dotées de cuves enterrées de récupération des eaux de toitures (30, 50 et 60 m3), une (Vincent Mallet) d’une citerne souple, une autre d’un stockage d’eaux de rinçage du circuit de traite. Avec des usages pour de l’abreuvement d’animaux, le lavage de quais et aires d’attente de salles de traite ou de matériel non sensible. Ces équipements ont été dimensionnés pour assurer une autonomie d’un mois environ sans pluie - un strict minimum au vu des perspectives climatiques - et limiter ainsi les prélèvements sur le réseau, sachant, précise David Olagnol, que la réduction quotidienne attendue sur les prélèvements en eau potable est d’environ 5 m3. 
La première année de mise en route de ces installations (et les suivantes) devrait permettre de répondre à un certain nombre de questions encore en suspens, notamment sur les volumes et la qualité de l’eau récoltée : les capacités de stockage s’avèreront-elles suffisantes ? Des analyses bactériologiques sont aussi programmées par la Chambre d’agriculture, notamment en période estivale, pour suivre la qualité de l’eau stockée en cuve et voir si elle nécessite un traitement avant d’être proposée aux bovins. Autres 
interrogations à lever : l’entretien de ces équipements sur le moyen/long terme, de même que la gestion de l’alternance périodes sèches/périodes pluvieuses avec potentiellement l’évacuation des premières eaux après de longues périodes sèches pour ne pas encrasser la cuve. 
Mais pour l’heure, le projet aux allures expérimentales fait l’unanimité. “On espère qu’il y aura d’autres programmes comme celui-là car l’enseignement que l’on tire c’est qu’il faut des capacités de stockage importantes pour être autonome, donc des investissements lourds qui ne sont rentables qu’avec des aides financières substantielles”, expose Laurent Bouscarat. Des soutiens qui aujourd’hui, via le seul Feader, ne dépassent pas les 35 %. “Il faudrait intégrer cet aspect de récupération des eaux de toiture dans tous les nouveaux projets bâtiment”, estime pour sa part David Olagnol, bien conscient que leur concrétisation dépendra de l’ouverture de dispositifs d’accompagnement financier attractifs.

(1) Et assistance à maîtrise d’ouvrage.

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