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Interview
« Donner de la valeur aux produits au moyen de la transparence sur l'origine »

Ingénieur agricole, journaliste spécialisé dans le retail* et la consommation, Olivier Dauvers a donné une conférence le 18 mars au Puy-en-Velay à l'invitation du lycée des métiers Jean Monnet. Entretien.

 

Olivier Dauvers, journaliste spécialiste de la consommation
"On ne peut pas imposer à un consommateur d'acheter français, par contre, on lui doit la vérité ; ainsi quand dans un plat cuisiné, le poulet est polonais, je dois le savoir !" Olivier Dauvers.
© © HLP

Quelles évolutions sont à l’œuvre dans la grande distribution ?
Nous avons tendance à avoir une image caricaturale du monde du commerce incarné par de grandes entreprises... Or c’est méconnaître ce qui se passe réellement dans ce domaine car la grande distribution est fragile. Une fragilité qui s’explique à la fois par la consommation qui ne progresse plus, l’arrivée du e-commerce (nouveau canal de vente) et la création de nouvelles surfaces de vente. Les grands groupes de la distribution sont certes toujours puissants mais ils n’ont jamais été aussi fragiles !  Et à l’heure actuelle la spécialisation est à l’œuvre dans la distribution.


La vente directe a connu ses heures de gloire pendant la crise sanitaire du Covid-19. Comment évolue ce marché à présent ?
Si les circuits courts et les produits bio marchent un peu moins bien en ce moment, la tendance de ces marchés est à la hausse sur le long terme. Toutes les formes de vente spécialisées apparaissent plus légitimes aux yeux du consommateur pour vendre des produits plus valorisés (plus locaux, plus haut de gamme, plus qualitatifs). A l’inverse, les commerçants généralistes sont considérés moins légitimes aux yeux des consommateurs.

Avez-vous perçu une forme de conscience dans l’acte d’achat des consommateurs en faveur de l’agriculteur et des produits qu’il propose ?
Tout le monde a une conscience de son éco-système et de son environnement, il n’y a aucun doute là dessus. Mais la question c’est : quelle part cela représente dans la consommation ? Tous les produits ont possiblement une valeur, il faut juste que les clients le comprennent. Pour ma part, je suis administrateur de la marque du consommateur «C’est qui le patron ?!» ; or, cette démarche montre que lorsque le consommateur comprend la valeur sociale qu’il y a dans un produit, il l’achète ! Par contre, personne n’achète uniquement des produits «C’est qui le patron ?!»... Le but c’est que chacun dans ses actes d’achat, ponctuellement sur quelques articles, commence à mettre de la valeur sociale. On voit que ce schéma-là démarre mais est-ce suffisant pour compenser le «malheur» agricole ? La réponse est non mais en tout cas il est certain que le consommateur va dans la bonne direction.

Alors que préconisez-vous pour inciter le consommateur à donner davantage de valeur aux produits alimentaires ?
Tout un chacun doit essayer de donner de la valeur aux produits au moyen de la transparence sur l’origine par exemple. Il n’est pas normal que l’on puisse encore faire de la saucisse de Toulouse en France avec du porc origine UE. On doit cette transparence au consommateur pour qu’il puisse acheter en toute connaissance de cause et ainsi donner une valeur sociale à ses achats. Je me bats depuis très longtemps sur ce sujet-là avec le combat intitulé «Balance ton origine» afin de contraindre les marques et les enseignes à donner les réalités de l’origine de leurs matières premières.
On ne peut pas attendre du consommateur qu’il soit un acteur social si on ne lui fait pas comprendre la valeur sociale.

Pour transformer le consommateur en acteur social, ne faut-il pas actionner le levier communication ?
Il faut à la fois communiquer et être transparent. Sur l’origine des matières premières agricoles,
j’aimerais que le monde paysan se mobilise beaucoup plus pour faire pression sur les industriels pour qu’ils soient plus transparents sur l’origine de leurs produits et il
reviendra ensuite au consommateur de faire son arbitrage. On ne peut pas imposer à un consommateur d’acheter français, par contre, on lui doit la vérité ; ainsi quand dans un plat cuisiné, le poulet est polonais, je dois le savoir !

Mais cela avance dans le bon sens puisque, depuis le 1er mars 2022, l’affichage sur l’origine des viandes est obligatoire dans la restauration...
Oui, mais il s’agit d’une obligation d’affichage non pas d’une obligation de visibilité... Or, pour moi la transparence ce n’est pas l’affichage mais la visibilité dans un restaurant ; l’origine de la viande doit donc être écrite sur la carte et en aussi gros caractères que le prix. Les industriels doivent accepter la transparence sur l’origine de leurs produits et arrêter de se cacher derrière l’origine UE !
Le monde agricole a un problème économique (de revenu), or pour tenter de le résoudre, il faut apporter une réponse économique et non pas politique, comme c’est le cas à l’heure actuelle. Cette réponse économique, c’est la modification de la demande et de la consommation. Et comment peut-on la modifier ? Par la transparence. C’est la transparence qui va permettre au consommateur de faire son choix. Selon moi, c’est beaucoup plus porteur d’espoir pour le monde agricole car on transforme les marchés par des mécanismes économiques.

La consommation des produits bio semble s’essouffler en France. Comment analysez-vous cette évolution ?
À unité de besoin comparable, le bio coûte entre 40 et 60% plus cher pour le consommateur. Une part des consommateurs est prête à surinvestir son alimentation, sauf qu’aujourd’hui, on a atteint cette part-là. Et en parallèle, on a fait produire les agriculteurs sur la base de projections de vente qui ne sont pas au rendez-vous. Encore une fois, on a vendu du rêve aux agriculteurs ; on ne leur a pas vendu de l’économique.
Le marché du bio est certes toujours au rendez-vous mais il ne progresse plus car tous les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus cher leur alimentation.


(*) vente de produits finis directement aux consommateurs.

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