Bovins allaitants
«Des prix rémunérateurs pour vivre de notre métier d’éleveur»
Des prix de vente à la baisse, l’augmentation des charges de l’exploitation,la crise économique…, les élevages allaitants cumulent les difficultés. Témoignage d'Eric Mathieu, éleveur de vaches Aubrac à Thoras.

Eric Mathieu est installé en EARL avec sa femme conjointe collaboratrice à Reynaldes sur la commune de Thoras.
Il élève une quarantaine de vaches Aubrac, une quinzaine de génisses et vend une trentaine de broutards par an et des vaches de réforme. Spécialisé en vaches allaitantes depuis 2005, cet éleveur est aujourd’hui en proie à de nombreuses difficultés communes à l’ensemble des éleveurs allaitants du département.
Les prix de vente de ses animaux sont en baisse depuis deux ans à cause de l’épidémie de FCO. «Depuis l’apparition de la maladie, j’ai enregistré une baisse de 20% sur les prix des broutards» constate cet éleveur qui ne voit toujours pas venir d’amélioration. «En décembre 2008, lorsque j’ai vendu mes derniers animaux, la baisse des prix était encore de règle !».
Perte de -150 euros par animal liée à la FCO
A cette même période, Eric a également eu du mal à écouler ses broutards femelles en raison de l’absence de débouchés en Espagne : «J’ai donc été obligé de les engraisser plus longtemps et de les vendre à l’abattoir (à des prix inférieurs)».
Eric évalue ses pertes liées à la FCO à - 150 euros par animal à la vente, soit une perte totale (pour une quarantaine de bêtes vendues) de - 6000 euros par an et de - 12000 euros pour les deux dernières années.
La crise économique est ensuite venue aggraver la situation en induisant une baisse des prix de ses vaches de réforme ; «le consommateur s’est davantage tourné vers une viande meilleur marché de type réforme laitière» explique-t-il.
La vaccination de son cheptel contre le sérotype 1 et 8 a également occasionné des frais supplémentaires supportés par la trésorerie de l’EARL et par ailleurs nullement compensés par les aides de collectivité territoriale auxquelles Eric avait droit. En tenant compte de la prise en charge par l’Etat, la vaccination de mon cheptel m’a coûté 322 euros. Dans mon cas, l’aide du Conseil Général, qui souhaitait participer à ces frais, s’élève à 15,60 euros pour l’ensemble du cheptel ! Une bien maigre somme que cet éleveur perçoit comme une moquerie.
L’EARL subit également de plein fouet la hausse des charges depuis 2 ans. L’aliment qu’Eric achète pour complémenter la ration de ses broutards (voir encadré sur l’EARL en chiffres) est passé de 200 euros/Tonne à 240 euros/T à l’heure actuelle en passant par un pic de 280 euros/T. Le prix de l’aliment reste donc élevé.
La hausse du prix du fioul handicape également l’exploitation qui en consomme environ 4000 litres par an.
«De façon générale, le prix de toutes les matières premières (films d’enrubannage, matériels…) a augmenté. Même la cotisation MSA suit cette tendance. Finalement, rien ne baisse tandis que nos revenus, eux, n’augmentent pas ! » constate Eric Mathieu.
Trésorerie de l’EARL : marge de sécurité quasi nulle
Face à toutes ces difficultés, la trésorerie de l’EARL est au plus bas. «A présent, je suis dans l’incapacité d’investir pour développer mon exploitation. Dans ces conditions, pas question de remplacer du matériel vieillissant et si par hasard un problème quelconque survenait, je ne pourrais pas compter sur la marge de sécurité quasi nulle de ma trésorerie» souligne Eric avec inquiétude. La conjonction de tous ces problèmes conduit cet éleveur à limiter ses rémunérations qui constituent d’ailleurs la seule source de revenu de la famille (un couple et deux enfants en bas âge).
Eric Mathieu attend à présent un geste fort de la part du gouvernement. Le plan d’urgence lancé fin 2008 suite à la conférence sur la situation économique de l'agriculture, n’a pas encoré été appliqué dans sa totalité. En effet, Eric vient de bénéficier d’un prêt à taux modéré qui lui permettra de palier au manque de trésorerie mais attend toujours la seconde mesure du plan qui prévoyait la prise en charge des intérêts des prêts de l’exploitation sur une année, ce qui représente 2600 euros pour cette Earl.
«Le prêt que j’ai signé la semaine dernière, permettra de passer un cap mais il ne faut pas oublier qu’un prêt doit toujours être remboursé ! Toutefois, rappelons que notre métier c’est éleveur, ce n’est pas chasseur de primes et ce que l’on voudrait avant tout ce sont des prix rémunérateurs.» note-t-il.
Déçu par les pouvoirs publics
Cet éleveur de vaches allaitantes se dit déçu par l’attitude des pouvoirs publics qui ne soutiennent pas la production et le métier d’éleveurs en zone de montagne. «L’élevage bovin allaitant est parfois montré du doigt pour sa consommation excessive de céréales. Or, chez nous, c’est totalement faux puisque nos cheptels consomment majoritairement de l’herbe et notre activité contribue à la présevation du territoire».
Eric Mathieu se dit par ailleurs écoeuré de voir ses prix de vente baisser alors que le consommateur achète sa viande de plus en cher dans les commerces ! Pour cet éleveur qui a récemment investi dans la construction d’une stabulation neuve, la situation est difficile.
«J’ai l’impression que les pouvoirs publics ont la volonté de défendre les exploitations familiales à taille humaine mais d’un autre côté, avec la mondialisation des prix, on se dirige vers une agriculture industrielle et ce dans toutes les productions. C’est dommage, en particulier pour l’agriculture de Haute-Loire qui fait vivre le pays» conclu-t-il.
Bilan santé PAC : en demi-teinte
«Je suis un peu déçu par les décisions prises dans le cadre du bilan de santé de la PAC car ils nous donnent d’une main ce qu’ils ont repris de l’autre. En effet, dès 2010, 25% de la PMTVA seront découplés. Sur ces 25%, 50% serviront à financer la nouvelle prime à l’herbe et le reste nous ne savons pas encore où cela ira !
Quant à la revalorisation de l’ICHN, c’est une mesure qui avait été promise par le gouvernement Chirac et qui n’avait pas été concrétisée dans sa totalité» a ajouté Eric Mathieu.