Info ou intox - Proposition ou provocation
Des pelleteuses dans les tourbières du Plateau de Millevaches ?
Info ou intox - Proposition ou provocation
Cela fait désormais une quinzaine d’années que les agriculteurs du plateau de Millevaches bénéficient de mesures agro-environnementales sur des milieux spécifiques comme les tourbières et les landes sèches.
Des outils, tels que l’ OGAF Environnement du Plateau de Millevaches
datant de 1992, les Contrats Territoriaux d’Exploitation de 2000 ou
plus récemment les Contrats d’Agriculture Durable, eurent beaucoup de
succès. En effet, ces initiatives correspondaient à une attente des
agriculteurs, elles les ont notamment sensibilisés à l’immense
patrimoine écologique sur lequel ils exercent leurs activités. Ainsi,
toutes ces mesures furent bénéfiques: plusieurs milliers d’hectares
abandonnés furent réintégrés au sein exploitations agricoles de ce
territoire.
De telle sorte que ces bonnes pratiques agricoles furent valorisées et
reconnues par le réseau européen Natura 2000, ce qui prouve bien que
l’on peut allier production et environnement.
Pour exemple, le site Natura 2000 de la Vallée de la Gioune avec ses
972 hectares dont 80 % font partie de la surface agricole. A noter au
passage, une première en France, que les Jeunes Agriculteurs de Creuse
ont été nommés après avoir réalisé le document d’objectifs, comme
structure animatrice pour ce site.
Il convient de souligner qu’un nombre important des agriculteurs du
site avaient souscrit à ces démarches agro-environnementales.
Le résultat est pertinent: le site Natura 2000 est l’un des plus riches
du Limousin avec la présence de 15 habitats d’intérêt communautaire, on
y trouve également une eau de très bonne qualité (les notes IBGN sur 20
oscillent entre 17 et 19). La population de truites fario de souches
sauvages en fait également l’un des ruisseaux référence en Limousin.
Dans ce sens, il est indéniable de constater que l’agriculture peut
aussi être créatrice et conservatrice de biodiversité !
Il faut, dans le même sens, noter que d’autres avantages découlent de
la remise en pâture des tourbières : c’est en pâturant ces milieux que
les vaches et les brebis limousines ont redonné vie aux tourbières. En
effet, ces dernières sont redevenues ces formidables éponges naturelles
qui stocke, filtre et relarguent d’énormes quantités d’eau. Celles-ci
accueillent également bon nombre d’espèces rares ou d’intérêt
communautaire (la drosera : plante carnivore, …).
Sous l’impulsion des Jeunes Agriculteurs de Creuse, des extensions de
périmètre ont été demandées et obtenues. Cela montre la réelle attente
des agriculteurs, notamment vis-à-vis de la mise en place des nouvelles
mesures agro-environnementales territorialisées.
Malheureusement, au jour d’aujourd’hui la seule proposition faite
correspond à un retour de quinze années en arrière !
En effet, le budget ridicule prévu pour ces nouvelles mesures signifie
une baisse des aides financières et techniques pour gérer ces milieux
difficiles et fragiles. En ajoutant une notion de surfaces peu
productives pour les prairies naturelles, les tourbières et les landes
sèches, on obtient une diminution importante des surfaces engagés par
les agriculteurs au niveau des MAE territorialisées en site Natura
2000. De ce fait, l’Etat français pourrait se retrouver en porte à faux
vis-à-vis de l’Union Européenne pour non respect de la directive
habitats (non maintien de la biodiversité) entraînant de lourdes
sanctions financières.La zone d’élevage du Massif Central joue un rôle primordial contre le
réchauffement climatique : elle stocke une grande partie du carbone
français dans ses sols riches en matière organique. Il est bon de
souligner que les tourbières, qui représentent 0,8 % de la surface de
la terre, stockent entre 30 et 50 % du carbone mondial.
Ainsi, les tourbières, les zones humides et les prairies naturelles
représentent une capacité de stockage de plusieurs centaines de
milliers d’hectares pour le carbone dans le Massif Central (cf. rapport
Greengrass). Les agriculteurs doivent donc se trouver au centre d’un
projet de société alliant production et environnement car les deux vont
de paire : nous devons mettre en place le fameux concept «
Gagnant-Gagnant » à l’échelle de notre territoire.
En effet, la société est gagnante car l’agriculteur, tout en produisant
une viande et des produits de qualité sur ces terroirs, garantit une
eau de qualité, une biodiversité remarquable, un stockage de carbone
accru. L’agriculteur est lui aussi gagnant car la société rémunère son
travail à sa juste valeur.
Les agriculteurs de nos territoires ont ici et maintenant une chance
unique de se retrouver en phase avec les attentes de la société. Pour
cela il est primordial de poursuivre cette démarche
agro-environnementale. Ils ne doivent pas être les laissés pour compte
d’une agriculture qui se veut être durable mais au contraire être aidés
au même titre que les agriculteurs qui produisent les matières
premières pour les biocarburants.
Il serait dangereux de laisser mourir les éleveurs du Massif Central
car c’est l’équilibre écologique qui en subirait les premiers impacts
néfastes.
Pour que le Massif Central ne meure pas, il y a deux solutions
s’offrent à nous : obtenir une reconnaissance, qu’elle soit financière
mais aussi morale, du travail fourni par les agriculteurs ; ou bien
solution plus radicale, sortir les pelleteuses et les sacs d’azote afin
d’intensifier la production pour pallier à ce manque d’aides !
Maintenant, si l’Etat Français, les régions, les parcs naturels
régionaux et les agences de l’eau concernées (solidarité aval-amont
notamment en matière de ressources en eau) ne sont pas capables de
mettre en place une politique valorisante de l’herbe, les éleveurs
n’auront en dernier recours que la possibilité de se retourner vers les
grandes multinationales qui investissent des millions notamment en
matière de stockage du carbone (crédits carbone)afin de trouver une
caution pour continuer leurs activités.
Les agriculteurs ont eux aussi le droit à une rémunération équitable
lorsqu’ils stockent du carbone, lorsqu’ils maintiennent de la
biodiversité, lorsqu’ils transmettent une bonne qualité d’eau et
lorsqu’ils fournissent des produits de qualité.
Alors réfléchissons ensemble davantage : pelleteuse et azote dans les
tourbières ou rémunération équitable?