Des orientations attendues d'ici le 14 juillet
Gestion des risques La consultation sur la gestion des risques lancée en juin 2019 par le ministère de l'Agriculture touche à sa fin. Le 12 juin, le groupe de travail sur l'articulation entre assurance et régime des calamités agricoles devait rendre ses observations finales, suivi du groupe arboriculture le 19 juin.
Comme attendu, les parties prenantes privilégient le développement de l'assurance pour l'indemnisation des pertes de récolte tandis que le régime des calamités agricoles n'interviendrait que pour les pertes de fonds. Avec une nuance, toutefois, en arboriculture pour laquelle le débat n'est pas tranché. Le ministre Didier Guillaume a promis des premiers arbitrages d'ici un mois.
À défaut d'une feuille de route avant l'été, la profession agricole y verra au moins un peu plus clair dans le projet de réforme de gestion des risques climatiques d'ici la mi-juillet. C'est ce qu'a promis, le 15 juin, le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume à l'antenne de radio France Bleu Drôme Ardèche. « Le Covid a empêché que nous allions plus vite », a reconnu le ministre. « Avant le 14 juillet, je réunirai l'ensemble des partenaires pour faire des propositions. »
Car les trois groupes de travail composés de représentants des syndicats, des assurances et des pouvoirs publics qui planchent depuis novembre pour faire des recommandations ont pratiquement tous rendu leur copie au ministère de l'Agriculture. Le premier groupe de travail sur la sensibilisation, la pédagogie et la prévention des risques a rendu ses conclusions il y a déjà plusieurs semaines. Le deuxième groupe sur l'articulation entre assurance multirisque climatique (MRC) et régime des calamités agricoles vient de lui emboîter le pas. Il avait jusqu'au 12 juin pour émettre ses dernières remarques sur le « projet de synthèse » préparé par la DGPE et la DG Trésor, récapitulant ses propositions
D'après ce document qu'Agra Presse s'est procuré, ce deuxième groupe de travail recommande de développer l'assurance subventionnée pour les pertes de récoltes par groupe de cultures. Et de n'avoir recours au dispositif des calamités agricoles que pour les pertes de fonds. Avec un bémol, néanmoins, pour le secteur arboricole.
Une MRC améliorée pour les pertes de récolte
Concernant les pertes de récoltes, le groupe de travail semble plutôt satisfait de l'assurance multirisque climatique (MRC) en viticulture, grandes cultures et légumes d'industrie. Il souhaite développer la MRC pour ces productions, en l'améliorant via une douzaine de mesures. Parmi celles-ci : préférer la souscription d'un contrat assurantiel par groupe de cultures tout en informant davantage sur la possibilité de s'assurer à échelle de l'exploitation ; prévoir un seul niveau de garantie subventionable au lieu de deux ; aligner le seuil de déclenchement et la franchise ; adosser le prix de l'assurance à un barème unique par culture ; ou encore allonger la durée de la moyenne olympique dans le cadre de la prochaine Pac.
Phase transitoire pour les prairies
Même chose pour les prairies où l'on se dirige vers un développement de l'assurance, même si la situation pour ce groupe de cultures est plus complexe. En effet, le groupe de travail pointe du doigt une « concurrence » entre la MRC (financée par les crédits de la Pac) et le régime des calamités agricoles (financé par le FNGRA), notamment pour les pertes de récolte situées entre 30 et 45%. C'est pourquoi il demande de « basculer à terme (...)
sur l'assurance comme unique outil subventionné de mutualisation du risque » et préconise une « phase transitoire » où coexisterait la MRC et un régime des calamités « profondément remanié». Cette phase transitoire débuterait si possible « dès la gestion des dossiers sécheresse de la campagne 2020 », précise le projet de synthèse. Le groupe de travail indique aussi que pour obtenir un régime des calamités remanié, il faut affiner le calcul des pertes de fourrage à échelle de la commune et opérer une « révision des paramètres d'indemnisation à l'échelle individuelle ».
Concernant les pertes de fonds, ces quatre groupes de cultures (viticulture, grandes cultures, légumes d'industrie et prairies) estiment que le dispositif des calamités agricoles « conserve (...) toute sa pertinence ».
Un dispositif de type CAT pour l'arbo
Le troisième groupe de travail sur l'arboriculture doit, quant à lui, rendre ses conclusions finales d'ici le 19 juin. Pour la filière, l'enjeu est de taille car seulement 2,5% des surfaces arboricoles étaient assurées en 2019 (contre 31,8% en grandes cultures, 32,9% en viticulture) selon les données provisoires du ministère de l'Agriculture. Au-delà du coût très élevé de l'assurance, la profession souligne plusieurs spécificités par rapport à d'autres productions végétales : des pertes de récolte « élevées » tous les dix ans environ, des aléas climatiques dont l'impact sur verger se mesure sur plusieurs années, des capitaux à l'hectare très importants et une concentration des zones de production qui rend plus difficile la mutualisation des risques.
Ce n'est donc pas une surprise si ce groupe de travail souhaite « une véritable rupture dans le schéma des dispositifs d'indemnisation ». D'après le projet de synthèse rédigé par la FNPF (producteurs de fruits, FNSEA) et la FFA (assurances) qu'Agra Presse a pu consulter, il est favorable à la création d'un dispositif spécifique pour l'indemnisation de pertes élevées (+ de 50% de pertes). Dispositif qui s'inspirerait des contrats d'assurance de type CAT qui existent aux États-Unis où la franchise s'aligne sur le seuil de déclenchement. Les membres du groupe souhaitent « approfondir » cette « piste » avec pour objectif de trouver une solution à « très faible » coût pour que les arboriculteurs y adhèrent en masse. Deux scénarios sont envisagés : créer un outil assurantiel subventionné au-delà du seuil maximal actuel autorisé de 70%, ou s'appuyer sur un FNGRA rénové. Si cette deuxième possibilité est retenue, il faudra harmoniser les méthodes de calculs et d'expertise entre assurance et FNGRA, signale le projet de synthèse.
Soutien massif aux moyens de protection
Pour les risques climatiques provoquant 20 à 50% de pertes, il faut « un dispositif d'assurance privé, permettant le rachat de franchise, qui reste subventionné », poursuit le groupe de travail arboriculture. Lequel préconise aussi d'améliorer la MRC en allongeant la durée moyenne olympique « sur un nombre d'années pair du fait du phénomène de l'alternance des rendements », d'assouplir les conditions de périmètre obligatoire à assurer, et de tenir compte des frais non engagés (ex : frais de taille ou de récolte après destruction).
Quant aux pertes de récoltes inférieures à 20%, elles doivent être évitées grâce l'investissement renforcé et aidé dans des moyens de protection et prévention, estime le groupe de travail. Vu le « coût » des équipements et les « problèmes de trésorerie » des exploitants, il recommande d'assouplir les plafonds autorisés et de généraliser les soutiens à l'investissement « qui ne sont pas présents dans toutes les régions ». Il recommande aussi de faire certifier les moyens de protection véritablement efficaces, et d'accompagner les arboriculteurs afin qu'ils choisissent les outils les plus « pertinents ».
LM
agrapresse
Multi-risques climatique : plusieurs questions restent à régler
Plusieurs points restent à régler à l’issue de la réflexion du groupe de travail sur l’articulation entre assurance et régime des calamités. Trois questions en particulier divisent les membres du groupe.
Concernant le paiement de la prime par l’assuré, la profession agricole et le secteur de l’assurance ne sont pas d’accord. Les premiers souhaiteraient ne payer que la prime nette, c’est-à-dire le montant de la cotisation d’assurance à régler après subvention. Mais les assureurs ne veulent pas que les agriculteurs leur transfèrent leur créance « compte tenu de l’éventuel risque d’inéligibilité [à la subvention] de l’exploitant ». La seule solution envisageable, selon le groupe de travail, serait que les assureurs « qui le souhaitent » octroient « un prêt d’un montant équivalent à la subvention prévisionnelle, au bénéfice de l’assuré ».
Autre point de discorde : le conditionnement des aides à la souscription d’une assurance. Alors que les assureurs y sont « plutôt favorables », les représentants agricoles « sont opposés à toute conditionnalité négative et privilégient une approche incitative de type majoration d’aide ».
Enfin, autre point sur lequel il n’y a pas de consensus : la création d’un pool d’assurance où l’accès à la subvention serait conditionné à l’adhésion au pool. « Il a été convenu de poursuivre l’expertise de cette proposition en lien avec les services de l’Etat, en particulier de ceux compétents en droit de la concurrence », conclut le groupe de travail dans son projet de synthèse.