Convention collective nationale : comment apprécier le temps de déplacement du salarié ?
En raison de l’entrée en vigueur prochaine de la convention collective nationale (CCN) pour la production agricole et les Cuma, détaillons le temps de déplacement, envisagé aux articles 8.1 et suivants de la convention collective. L’arrêté d’extension n’étant pas paru au 31 décembre, l’application de la convention collective nationale de la Production agricole et des Cuma est repoussée au 1er avril.
La convention collective nationale énonce le principe selon lequel « dans tous les cas, la part de temps de déplacement professionnel comprise dans l’horaire de travail est considérée comme du temps de travail effectif et est rémunérée comme tel ». Il est à noter que les VRP et les salariés au forfait jours ne sont pas concernés par les règles relatives au temps de déplacement. Pour ces salariés, il sera alors possible de prévoir des dispositions spécifiques par accord d’entreprise.
Les trajets du domicile au lieu de travail
L’identification du lieu habituel de travail est une notion essentielle. Le lieu habituel de travail doit s’entendre depuis le lieu d’exécution du contrat de travail, et doit être mentionné dans le contrat de travail du salarié.
Dans le cas spécifique des groupements d’employeurs, il y a de fait plusieurs lieux de travail. Ce dernier doit alors s’entendre du lieu de travail de l’adhérent chez qui le salarié est amené à se rendre. Pour rappel, la liste des adhérents et donc des différents lieux de travail du salarié doit être dressée, et figurer dans le contrat de travail du salarié du groupement d’employeurs (sauf service de remplacement).
La CCN indique que le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail n’est pas considéré comme du temps de travail effectif.
Les trajets du domicile aux lieux de travails différents
Pour les trajets du domicile au lieu de travail autres que le lieu habituel de travail, et qui viendraient augmenter ce temps de trajet habituel, dès lors qu’il est effectué en dehors de l’horaire de travail, il devra faire l’objet d’une contrepartie financière. Cette contrepartie peut être prévue par l’accord collectif local ou bien directement dans le contrat de travail. Si tel n’est pas le cas, cette contrepartie sera égale à la moitié du salaire horaire multiplié par le temps de déplacement dépassant le temps normal de trajet. Cette contrepartie peut également être prise sous forme de repos équivalent.
Voici un exemple : monsieur Toujouraleur travaille habituellement au siège de l’entreprise. Tous les matins, au départ de son domicile, il met 15 minutes pour arriver à l’entreprise à 7 h 30. Un matin, il doit se rendre sur une parcelle pour y effectuer des travaux exceptionnels, qui se trouve à 45 minutes de chez lui. Il y est attendu pour 7 h 45.
Monsieur Toujouraleur sera parti 15 minutes plus tôt de chez lui pour arriver à 7 h 45 sur la parcelle. Il va partir à 7 h, alors qu’habituellement, il part à 7 h 15. Les 15 minutes de trajet supplémentaire ne seront pas considérées comme du temps de travail effectif puisque ne coïncidant pas avec son horaire de travail. Cependant, les 15 minutes de 7 h à 7 h 15 donneront lieu à contrepartie. De 7 h 30 à 7 h 45, le temps de trajet est du travail effectif.
Monsieur Toujouraleur est rémunéré à hauteur de 10,38 € de l’heure en brut. Rien n’est prévu dans l’accord local ni dans son contrat de travail. Il sera alors fait application des dispositions de la CCN, à savoir 0,5 × 10,38 € × un quart d’heure = 1,30 €.
Il est à noter que cette contrepartie est à différencier des indemnités kilométriques éventuelles versées par ailleurs au salarié, qui viennent, quant à elles, compenser le coût des trajets lors de l’utilisation du véhicule personnel du salarié. Il est possible d’en fixer le montant par accord d’entreprise ou dans le contrat de travail. À défaut, la CCN retient que le barème fiscal s’appliquera.
Le trajet entre deux lieux de travail
S’agissant spécifiquement du temps de trajet entre deux lieux de travail, ce dernier sera considéré comme du temps de travail effectif puisqu’exercé durant l’horaire de travail en principe. Cela vise également le cas où le salarié est amené à passer sur son lieu habituel de travail avant de se rendre sur un autre lieu de travail, par exemple pour y récupérer un véhicule ou du matériel.
Un point de vigilance toutefois lorsque ce trajet s’effectue entre deux demi-journées, en particulier sur la pause méridienne, il ne constitue pas du temps de travail effectif (sauf accord plus favorable prévoyant le contraire).
Le cas particulier
du grand déplacement
Le grand déplacement envisage le cas du déplacement du salarié ne lui permettant pas de rentrer à son domicile le soir. Dans ce cas, la CCN prévoit une indemnité d’éloignement qui est versée au salarié et qui a pour objectif de venir compenser le fait, pour ce salarié, d’être éloigné de son domicile. Elle est égale à 5 fois le minimum garanti (MG) par nuit d’absence du domicile. Le MG étant égal, pour l’année 2021, à 3,65 €, cela reviendra donc à une indemnité de 5 × 3,65 = 18,25 € par nuit d’absence du domicile habituel.
Si l’accord collectif local prévoit une indemnité d’éloignement supérieure à 5 MG, par exemple 10 MG, selon le principe de faveur, ce sera cette dernière indemnité qui s’appliquera.
Dans le cas d’un grand déplacement, l’employeur doit également pourvoir à la restauration et à l’hébergement du salarié, ce qui signifie qu’il sera tenu de prendre en charge les frais de repas du salarié, ainsi que ses frais d’hébergement. Cette prise en charge est indépendante de l’indemnité d’éloignement.
Il est à noter que la CCN prévoit qu’il revient à l’employeur de déterminer le mode de déplacement et que si le salarié utilise son véhicule personnel, il bénéficiera d’indemnités kilométriques, selon les mêmes modalités que décrites ci-dessus.