Contrat tout “bénef” pour les éleveurs et le Carrefour Contact de Jussac
Quatre élevages des environs de Jussac (Cantal) et le supermarché Carrefour ont signé leurs deuxièmes contrats Egalim, forts des avantages économiques effectifs depuis deux ans.
Quatre élevages des environs de Jussac (Cantal) et le supermarché Carrefour ont signé leurs deuxièmes contrats Egalim, forts des avantages économiques effectifs depuis deux ans.
Les critiques n’ont pas franchement été tendres il y a deux ans quand ces quatre élevages(1), pionniers, ont apposé leur signature au bas d’un contrat scellé individuellement pour chacune avec le magasin Carrefour Contact de Jussac. “Certains rigolaient, nous disaient qu’on allait être ficelé comme en lait...”, se souviennent Pierrick Vauléon et Benoît Lafon. Une vision erronée de la contractualisation telle qu’actée par les lois Egalim, “puisque c’est nous qui proposons le contrat” avec un prix indexé à 80 % sur l’indicateur interprofessionnel de coût de production et à 20 % sur le marché sur la base des cotations nationales FranceAgriMer. À chaque actualisation des indicateurs, soit environ tous les semestres, le prix est lui aussi actualisé.
Garantie de débouché et de prix
Sans cette contractualisation gage de visibilité et valorisation financière, pas sûr que ces quatre mousquetaires aient pris le risque au printemps 2022 d’immobiliser pour trois ans des génisses salers croisées charolais sans en connaître ni le débouché ni la rémunération. “Pour nous, c’est une double garantie : celle de pouvoir écouler un certain nombre d’animaux défini et planifié à l’avance et celle d’un prix indexé sur nos coûts de production”, abonde Yoann Bitaud. Qui plus est avec une grille rémunérant les meilleures conformations, avec un gain de 15 centimes d’euros au kilo à chaque classe (prix de base établi pour du R+). “Ça nous incite forcément à faire de la qualité, ce qui n’était pas le cas avant ; finir les animaux nous coûtait plus que ça nous rapportait”, soulignent les éleveurs. La conjoncture leur a donné raison puisque ces quatre exploitations implantées dans un rayon de 15 km autour du magasin ont bénéficié non seulement de la nette hausse des cours mais aussi d’un effet tampon sur l’inflation des charges.
Derrière l’étal du rayon boucherie traditionnelle du Carrefour Contact, Steve Feuillet, directeur du magasin, se félicite lui aussi d’avoir relevé ce qui apparaissait il y a peu encore comme un pari. Lui aussi s’est heurté au scepticisme initial d’un conseiller métier du groupe de distribution. “Aujourd’hui, il me dit que j’ai eu du nez, car ça devient compliqué en termes d’approvisionnement”, relate le franchisé convaincu de longue date de la pertinence de promouvoir et rémunérer correctement des viandes locales. “J’ai toujours eu à cœur d’avoir des produits du Cantal ; avant on travaillait pas mal avec des vaches de Haute-Loire, je n’ai rien contre mais ce n’était pas satisfaisant. Ces contrats me garantissent d’avoir cette race (salers) et des animaux du coin. C’était un risque à prendre...” expose Steve Feuillet dont le rayon boucherie, réputé, ne cesse de voir, chaque mois, ses ventes progresser(2).
Un rayon plébiscité
Certes ses factures d’achat ont augmenté, mais il reconnaît avoir réussi à stabiliser ses marges sans pour autant avoir répercuté intégralement à ses clients le surcoût de ces animaux sous contrat. Comment ? Grâce au savoir-faire de son équipe de bouchers (cinq bouchers et deux apprentis) qui tire le meilleur parti des carcasses entières livrées par Covial (à raison d’une par semaine). “Les gens apprécient de savoir qu’on fait travailler des éleveurs qui sont à quelques kilomètres du magasin”, relève le patron de GMS qui joue le jeu de cette relation gagnant-gagnant mais qui s’est aussi pris au jeu d’une immersion dans cette filière : “Aujourd’hui, on se connaît avec les éleveurs, avant l’abattage, on va voir les bêtes et je suis toujours curieux de savoir quelle sera leur conformation...”, sourit le commerçant qui, avec ses fournisseurs, a témoigné de cette initiative devant les Jeunes agriculteurs de Corrèze. Initiative qui n’a cependant pas fait d’émules auprès de ses collègues locaux du groupe Carrefour.
Initialement fixé à 35 bêtes par an, l’effectif sous contrat est passé à 38 et devrait grimper à 45 pour couvrir la demande croissante. C’est ce que prévoit le nouveau contrat jeudi 28 mars entre éleveurs et distributeur afin de couvrir les velles de neuf mois aujourd’hui qui seront abattues en 2026. Même si le contrat est triennal, il convient en effet d’en resigner un tous les 18 mois pour engager une nouvelle cohorte de futures génisses. “Ça représente de 10 à 20 bêtes par élevage selon le planning défini ensemble en amont, mais si une bête programmée n’est pas prête, on s’entend entre éleveurs pour satisfaire le magasin” explique Benoît Lafon. Satisfaire le magasin et les consommateurs : ainsi pour minimiser le stress des animaux et garantir une viande tendre, ce sont les éleveurs qui les amènent eux-mêmes à l’abattoir Covial d’Aurillac. Une semaine après l’abattage, la carcasse est livrée au Carrefour Contact où sa maturation se poursuit pour atteindre
15 jours.
(1) Gaec d’Ayvals (Jussac), Gaec d’Esclauzels (Jussac), Jacques Capsenroux (Teissières-de-Cornet), Pierrick Vauléon (Besse).
(2) Alors que les rayons traditionnels sont à la peine en France.