Cœur de Gamme : La victoire au « Carrefour » de la mobilisation
Après Lactalis sur le lait, les éleveurs ont fait plier Carrefour sur la viande. Les opérations coup de poing menées par le réseau FNSEA-JA ont permis «de ramener du prix».
Mobilisés à l’appel de la FNB, et du réseau FRSEA-JA, une délégation d’éleveurs du Massif central, venus notamment du Puy-de-Dôme, de la Haute-Loire et du Cantal ont convergé mercredi dernier, à Issoire(1). Leur cible : le magasin Carrefour, l’un des plus grands hypermarchés d’Auvergne, qui refusait jusqu’alors d’entrer dans le Cœur de Gamme. Une démarche imaginée par les éleveurs pour assurer un prix rémunérateur au producteur prenant en compte ses coûts de production. Si le réseau System U a rapidement « accroché », en signant une charte d’engagement, le 1er juin dernier, force est de constater que d’autres distributeurs comme Carrefour ont longtemps traîné des pieds.
Rallier le consommateur
«Les distributeurs n’avancent pas tous d’un pas volontaire. En refusant de s’engager pour la création du cœur de gamme, Carrefour a longtemps écarté l’idée de proposer un produit de qualité pour le consommateur à un prix rémunérateur pour le producteur », avance Jean-Paul Thénot, membre de la section bovine du Puy-de-Dôme. C’est bien ce message, qu’ont porté les agriculteurs présents à Issoire auprès des consommateurs. Ils n’ont pas eu de peine à les rallier à leur cause. « Ils ont raison de se battre. C’est indécent, tous ces groupes qui s’enrichissent sur le dos des producteurs. Enfin, il y a bien quelque chose qui ne tourne plus rond quand le prix des produits que nous achetons est de plus en plus cher et que ceux qui sont au début de la chaîne n’en finissent pas de tirer le diable par la queue », témoigne Yvette, une consommatrice. Les quelques tas de fumier éparpillés aux abords du magasin et à l’entrée ont sans aucun doute importuné davantage les responsables du magasin que les clients. Sans compter que brocarder devant l’enseigne Carrefour, des panneaux invitant les consommateurs à acheter leur viande chez System U, forcément ça n’a pas été du goût des dirigeants. La multiplication de ce type d’actions partout en France aura finalement contraint les dirigeants de la GMS à rejoindre la table des négociations.
Valoriserles races à viande
À l'issue d'une réunion de trois heures avec des représentants de Carrefour, dont le PDG Georges Plassat, la FNB a annoncé avoir conclu un accord avec le distributeur, ouvrant ainsi une «nouvelle ère» pour les éleveurs. L'enseigne s'est engagée à présenter dans les rayons de tous ses magasins au moins 50% de « cœur de gamme», autrement dit de la viande provenant de bovins spécifiquement élevés pour leur viande et pas des vaches «de réforme». Carrefour a aussi accepté de définir la rémunération des éleveurs en fonction de leurs coûts de production. Le prix de la viande sera ainsi révisé trimestriellement sur la base de ces coûts. «C’'est historique, cela ne s'était jamais fait jusqu'à ce jour avec une enseigne », a commenté le président de la FNB, Jean-Pierre Fleury, qui espère «une application dès la semaine prochaine (ndlr : cette semaine) ». Autre avancée significative, la mise en place chez Carrefour d’un processus de traçabilité inversée pour garantir que l'argent que va injecter le groupe descende bien chez le producteur. «Cela va bouleverser la relation commerciale », selon le président de la FNB. Enfin, un logo spécifique va être conçu pour mettre en avant le coeur de gamme. De son côté, Carrefour s'est dit satisfait de l'accord trouvé mercredi. Comme dirait le dicton, « il n’y a que les… qui ne changent pas d’avis ». Reste désormais à rallier les Lidl, les Leclerc, les Casino, les Auchan et autres… dans le cœur de gamme. Les éleveurs comptent bien s’y employer.
Sophie Chatenet
(1) Au même moment, des manifestations similaires se sont déroulées notamment à Quetigny en Côte d’Or et à Ecully dans le Rhône.