Changement climatique : Comment l'agriculture du Massif central s'y prépare ?
Des acteurs de l'ensemble du Massif central ont participé le 12 septembre dernier, à Clermont-Ferrand à la restitution des données du projet AP3C (Adaptation des pratiques culturales au changement climatique). Entre confirmation d'une trajectoire climatique inquiétante et leviers d'action pertinents, la journée a été particulièrement dense.
Des acteurs de l'ensemble du Massif central ont participé le 12 septembre dernier, à Clermont-Ferrand à la restitution des données du projet AP3C (Adaptation des pratiques culturales au changement climatique). Entre confirmation d'une trajectoire climatique inquiétante et leviers d'action pertinents, la journée a été particulièrement dense.
C'est un adage vieux comme le monde, le temps qui dure n'est pas gage d'une activité agricole sereine. Si en choisissant ce métier, les agriculteurs savent à quel point ils doivent composer avec cet impondérable qu'est la météo, il leur faut aujourd'hui encaisser des changements parfois radicaux. Prenez la saison de récolte 2023 diamétralement opposée à celle de 2024. Le changement climatique est une réalité à laquelle sont confrontés quotidiennement les artisans du vivant. Aussi vertigineux que cela puisse paraître, ce changement climatique progresse trois à quatre fois plus vite que les projections.
« Le projet AP3C s'inscrit pleinement dans l'esprit de la loi Montagne en faisant du changement climatique une réalité qu'il fallait anticiper pour éviter de se trouver dos au mur. Nous disposons désormais d'un outil pertinent dont doivent s'emparer tous les acteurs du Massif central ».Paul-Henry Dupuy, commissaire général de Massif
Alors que faire, rester immobile en attendant le cataclysme ? La profession agricole du Massif central accompagnée par le Commissariat de Massif central a depuis près de dix ans choisi une toute autre voie. En s'engageant dans le projet “Adaptation des pratiques culturales au changement climatique“ (AP3C), elle est désormais en capacité de fournir aux agriculteurs sur le terrain, des projections ultra-précises des évolutions du climat à l'horizon 2050. La semaine dernière, un colloque des acteurs agricoles et du territoire a été l'occasion de faire le point sur le projet, d'en détailler les principales avancées, et les exploitations concrètes auprès des agriculteurs.
Une analyse très fine des conséquences du changement climatique
Sur la méthode d'abord, grâce aux travaux du climatologue Vincent Caillez, les cartes de projection ont été affinées puisqu’elles s'appuient désormais sur 170 stations contre 30 initialement sur l'ensemble du territoire du Massif central. Le projet AP3C est singulier car il combine trois approches : climatique (quel climat à l’horizon 2050 ?), agronomique (quels impacts sur l’agriculture de notre territoire à l’échelle parcellaire ?), et systémique (comment s’adapter à l’échelle du système d’exploitation ?) permettant aux acteurs du Massif central de disposer de projections fines et précises des indicateurs climatiques et agro-climatiques à l’échéance 2050. « En effet, plutôt que d’utiliser les résultats de la modélisation physique globale du climat zoomés sur le territoire du Massif central, AP3C a conçu et utilisé des projections climatiques locales, de nature statistique, via un générateur stochastique de temps spécifique. L’intérêt de cette démarche est de donner aux acteurs locaux et aux agriculteurs toutes les informations nécessaires, exploitation par exploitation et sur un pas de temps resserré, pour une adaptation des pratiques culturales et des systèmes agricoles du Massif central à moyen terme », explique Laurence Romanaz, coordinatrice du projet au niveau du Sidam (service interdépartemental des Chambres d'agriculture du Massif central).
Des printemps plus secs, des hivers plus chauds
Sur le Massif central, les résultats des projections climatiques envisagent : une hausse de la température comprise entre 0,35 et 0,40°C/10 ans en moyenne annuelle, plus marquée au printemps, jusqu'à 0,55°C/10 ans ; une forte augmentation du nombre de jours assez chauds (>25°C) durant la période printemps/été avec une précocification d'un mois en 35 ans ; une augmentation de la variabilité des températures avec un maintien des risques de gels tardifs au printemps et gels précoces à l'automne ; un maintien du cumul de la pluviométrie annuelle, mais modification dans la distribution, avec cumul en baisse au printemps et en hausse à l'automne ; un cumul d'évapotranspiration annuelle en hausse principalement sur l'été et le printemps ; un bilan hydrique dégradé, de l'ordre de 100 mm/50 ans sur le nord-ouest du Massif, jusqu'à 250 mm/50 ans sur le sud du Massif notamment sur les mois de printemps et d'été ; et bien sûr une évolution à la hausse des phénomènes rares (excès d'eau, épisodes de sécheresses, épisodes caniculaires, gelées tardives…). « À partir de ces données climatiques, des diagnostics ont été élaborés apportant des informations de projections climatiques et agroclimatiques aux agriculteurs afin de les aider à déterminer la vulnérabilité de leur exploitation mais aussi d'envisager les pistes de leviers possibles », explique Frédéric Valette, éleveur en Lozère et co-élu référent du projet AP3C avec Olivier Tourand, éleveur en Creuse.
L'expérience du Gaec Delmond en Corrèze
Clémentine Lacour de l'équipe fourrages de la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme utilise régulièrement ces diagnostics pour conseiller les agriculteurs : « Beaucoup d'éléments se jouent au printemps. Entre pâturage et fauchage, l'équilibre est parfois délicat à trouver mais il est primordial. Entre 2002 et 2050, l'avancement des dates de mise à l'herbe varie de 7 à 22 jours selon les secteurs. D'une année à l'autre, la variabilité est énorme. Alors les maîtres-mots sont adaptation et information, grâce notamment à la diffusion régulière du bulletin d'Infos Prairies ». En Corrèze, Stéphane Martignac, conseiller à la Chambre d'agriculture a guidé le Gaec Delmond à Allasac dans une nouvelle stratégie pour optimiser le pâturage tout en prévenant « il n'y a pas de recette miracle mais des valeurs sûres : le pâturage tournant, les fauches précoces, les luzernes, les méteils, les semis à la volée… Le modèle mis en place n'est pas gravé dans le marbre mais force est de constater qu'il est plus résilient ». Si le climat change, il y a nécessité aussi, selon lui, de faire changer le regard des plus anciens sur les pratiques. Dans le Cantal, c'est pour résoudre une problématique récurrente d'abreuvement des animaux, que Vincent Roussel, installé avec son épouse à Pradel, a sollicité Laurent Bouscarat, conseiller à la chambre d'agriculture. « Le manque de points d’eau sur les pâtures empêchait la mise en place du pâturage tournant et nécessitait le transport de 3000 à 4000 litres d’eau par jour avec des tonnes à eau en période estivale. De plus, nous sommes situés dans une zone où les tensions sur l'eau potable sont régulières en été. Nous nous sommes donc engagés dans un projet collectif en lien avec la municipalité au sein d'un GIEE porté par le GVA de Mauriac-Pleaux-Salers afin de pouvoir notamment exploiter une source existante », explique l'éleveur. Au final, une quarantaine d'agriculteurs ont intégré le projet.
Pour aller plus loin : toutes les cartes, toutes les projections