Céréaliers et éleveurs se serrent les coudes face à la sécheresse
Alors que la sécheresse sévit dans le département depuis plusieurs mois, c’est un vrai réseau d’entraide qui s’est mis en place. La Chambre d’agriculture a mis en relation céréaliers et éleveurs. La proximité des fournisseurs a permis de réduire leur facture alimentation, déjà élevée...
Pour Sébastien Ibert, maïsiculteur à La Ferté Hauterive, 2018 sera l’année « où il n’aura presque pas eu besoin de sécher son maïs. Nous avons récolté à des taux d’humidité incroyablement bas ; selon les variétés, on a atteint des pourcentages d’humidité à peine plus élevés que 17 %. C’est inédit». Inédite également est la récolte de paille de maïs. « En général, cette paille sert à structurer le sol pour la prochaine campagne et à conforter le taux de matière organique, nous ne la vendons pas », explique Julien Cusin-Masset, céréalier à Étroussat et secrétaire général de la FNSEA03. Mais face au désarroi des éleveurs, qui, même pour les plus prévoyants, ont sérieusement entamé les stocks de fourrages pour nourrir leurs bêtes depuis le début de l’été, de nombreux céréaliers ont été sollicités par les élus de la Chambre d’agriculture du département pour mettre à disposition cette paille.
Une solution plus économique grâce à la proximité et la solidarité
« C’est une bonne opportunité pour nous », témoigne un éleveur de Montmarault. Ce vendredi, il est venu andainer sur un des champs de Julien Cusin-Masset. C’est grâce à l’intermédiaire des élus et agents de la Chambre d’agriculture, en collaboration avec la FNSEA03 et les JA03, que la mise en relation a été facilitée. Les céréaliers ont été contactés pour recenser les surfaces de paille de maïs qu’ils pouvaient mettre à disposition et les éleveurs pour évaluer leurs besoins. Une mobilisation fructueuse au regard du nombre de bottes qu’on a vu défiler sur les routes. « Ça nous a permis, à minima, de réduire nos frais ». Face à l’explosion des prix de la paille et des fourrages, la paille de maïs s’est vendue beaucoup moins chère. « Nous vendons essentiellement aux éleveurs locaux et à des prix raisonnables, c’est du dépannage et de la solidarité », ajoute Julien Cusin-Masset. La proximité de la marchandise permet surtout aux éleveurs de réduire les frais de déplacements et de gasoil. La plupart se sont organisés à plusieurs pour venir récupérer les bottes directement chez leur fournisseur. Depuis trois semaines, la presse à foin de l’entreprise de travaux agricoles de Montoldre tourne à plein régime. « La machine n’a pas l’habitude de presser la paille de maïs, témoigne un jeune employé agricole. Chaque matin, on passe le matériel au peigne fin pour éviter les soucis ». Une fois en bottes, la paille de maïs part directement à Montmarault, chez l’éleveur venu ce jour-là : « Elle servira de litière et permettra ainsi d’économiser la paille de céréales pour l’alimentation des animaux». Cette entraide a été indispensable pour cet éleveur habituellement très prévoyant sur les stocks de fourrage. Mais, l’inquiétude, elle, est toujours là : la situation reste difficile à avaler.
Des dizaines de milliers d’euros en achat d’alimentation
« Pour nous, témoigne t-il, la facture sécheresse a déjà dépassé les 50 000 euros ». Son exploitation compte 300 bêtes. « Je compte une perte de 2 euros par jour et par vache (je ne parle pas des génisses,). La semaine dernière, j’ai dû aller récupérer de la matière première dans le Cher en tracteur. Entre les allers-retours aux champs pour amener de la nourriture aux bêtes, et les voyages pour chercher de la marchandise, je ne regarde même pas ma facture de gasoil… Alors oui, des solutions comme la paille de maïs, on prend ». Les éleveurs se seraient bien passés de cette nouvelle épreuve.
Maïs : de grandes disparités dans les récoltes
« La campagne 2018 a été intense et plutôt satisfaisante », lance Sébastien Ibert. Installé depuis fin 2013 à La Ferté Hauterive, il est passé en monoculture maïs depuis deux ans. «Avec la sécheresse, la clé de voûte a été l’irrigation ; il a fallu surveiller comme le lait sur le feu. On voit clairement la différence entre les zones bien irriguées et les autres… Sous pivot, aucun problème. Nos rendements sont montés à 130 quintaux par hectare. En revanche, les parties irriguées via enrouleurs, ont été plus difficiles à gérer. Avec le vent, nous avons eu des pertes notamment en bord de parcelles. Sur ces zones, les moyennes tombent à 100 quintaux par hectare». «En effet, les rendements en maïs sont extrêmement variables selon les zones», confirme Luc Fournier, technicien à la Chambre d’agriculture de l’Allier. Les restrictions d’eau ont touché quelques zones, notamment en fin de campagne. « Heureusement, les robinets n’ont pas été totalement coupés… »
Globalement, sur les petites terres, en Bocage et Sologne, non irriguées, « certains céréaliers sont tombés à des chiffres très, très bas, 20 quintaux ; 50 quintaux pour ceux qui ont eu la chance d’avoir un peu d’eau pendant la campagne ». Habituellement, en sec, on peut monter entre 60, voire même 80 quintaux pour les meilleures années… Sur la même zone Bocage 80/90 et Sologne en irriguée, « on monte à 110-120 quintaux assez facilement ». En sec, sur les grosses terres, (Forterre, Sud Limagne), la moyenne tourne à 85 quintaux, 70 en coteaux, 100/110 quintaux sur les parcelles de fonds. Le Val d’Allier enfin tire son épingle du jeu avec des moyennes de 115-125 quintaux. « On est sur une bonne année, analyse Luc Fournier, mais pas une année exceptionnelle non plus. » Des récoltes à 15% d’humidité permettront de compenser par une réduction des frais de séchage.