Cafés, hôtels, restaurants : ne pas être simple spectateurs de la crise
Henri Cruzel, restaurateur et président des Logis de France du Cantal, invite sa profession à faire preuve d'imagination et d'adaptation pour garder des trésoreries à flot.
Coup de massue le 14 mars dernier. La veille des élections municipales, les cafés, restaurants, hôtels et autres discothèques apprenaient de la bouche du Premier ministre que, le soir-même à minuit, ils avaient obligation de fermer. "Sur le moment, on en souriait. Mais le lendemain, c'était un peu la gueule de bois", se souvient Henri Cruzel, restaurateur à Saint-Étienne-de-Maurs, dans le Sud-Cantal. Mais très vite, celui qui est à la tête du réseau des Logis de France du département depuis 2015, réagit. "Le Président de la République a dit à plusieurs reprises que nous étions en guerre. Alors, avec mon épouse Hélène, nous avons tenu un conseil de guerre."
"Conseil de guerre"
Certes, chez eux, la plupart des traites liées aux investissements sont arrivées à échéance ; mais ici comme ailleurs, il va tout de même falloir équilibrer la trésorerie. Alors, le personnel (un commis, une serveuse, une femme de chambre, une apprentie...) est mis au chômage partiel. La décision est rapidement prise de proposer des plats à emporter chaque midi. "Mais aussi de le faire savoir", précise d'emblée Henri Cruzel, en se souvenant avoir vite actionné le principe du e-mailing, issu du fichier clientèle de proximité. "C'est un trésor qui ne demande qu'à être exploité : courriels, SMS... Trop souvent, en termes de communication, on est davantage à l'âge de pierre qu'à l'ère numérique. Pourtant la clientèle est là, tout autour de nous. Et dans nos territoires, les gens jouent bien le jeu de la solidarité locale."
Puis s'ajoute à la prospection ce qu'il appelle une "clientèle de cibles". Ainsi, depuis que du lest a été donné pour la réouverture des entreprises et la reprise des chantiers, ce sont entre 30 et 40 plateaux qui sont confectionnés tous les jours. On est évidement loin d'un rythme d'activité normal... Mais avec des charges en moins - notamment celles de personnel - le restaurateur a trouvé "de quoi maintenir la trésorerie à flot".
Le patron est un battant. "La pratique du judo m'a appris que, quelle que soit la situation, une piste est toujours à explorer." Fort de son expérience, lorsqu'il arbore sa casquette de président du label Logis, Henri Cruzel livre un message sous forme de conseil à ses adhérents : "Surtout ne pas rester inactifs, ne pas subir comme une fatalité, être autre chose que simple spectateurs de la crise. C'est le meilleur moyen de la surmonter." Outre le volet économique, le chef y voit un volet social pour garder le lien avec le local. Toutefois, il se demande bien à quoi ressemblera la saison estivale ? Alors, une nouvelle fois, il se projette.
Moitié moins
Battant, mais réaliste : sa salle de restaurant n'est pas facilement aménageable pour assurer un sens de circulation, sans que l'on s'y croise. "Sans compter que, à raison de 4 m2 par personne, on risque de ne pas rentrer grand monde." En revanche, une cuisine d'été avec des fenêtres coulissantes pourraient favoriser le principe du drive, couplé à une consommation sur place sur la grande terrasse. Une idée, parmi d'autres. "De toute façon, nous n'avons pas la volonté de faire ici un cadre cinq étoiles ; ce qui prime, c'est la convivialité autour d'un produit de terroir." Une image en accord avec ce que le touriste viendra certainement chercher dans le Cantal, avec toujours en mémoire les deux mois de confinement qui l'en ont privé.
Quand il est question de savoir si la profession se refera la cerise grâce à des "gros mois d'été" ? Henri Cruzel est sceptique. "Si, en raison des distanciations sociales imposées, les restaurants ne peuvent accueillir que 50 % de la clientèle habituelle, les recettes aussi ne seront qu'à 50 % et forcément le personnel également divisé par deux." Le reste ne lui semble pas insurmontable : solution hydroalcoolique à disposition de la clientèle, lingettes désinfectantes dans les toilettes, produits agréés en cuisine... En un mot : Henri Cruzel est prêt.
Maison Cruzel
Henri Cruzel s'apprêtait à fêter les 30 ans de l'établissement. L'affaire est née en 1990 sur le bord de la RN 122, à l'entrée nord de Maurs. Parti d'un petit bar casse-croûte, il fallait "s'inventer". Issu du milieu de la pâtisserie, le patron commence à diversifier son activité en traiteur. Il livre notamment les menus du bateau-restaurant qui navigue sur la partie aveyronnaise de la rivière Lot. En 1997, il ouvre une "vraie" salle de restaurant avec une véranda. Après une gérance d'hôtel quelques années, il a l'idée de créer des chambres type motel, pour les professionnels (VRP, etc). Pour une clientèle plus familiale, il ouvre une piscine, un sauna... Pour elle, il vient d'acquérir une maison mitoyenne qui sera transformée en gîte de groupes.