Bien-être animal : créer des bâtiments adaptés à leur perception
Le bien-être animal est de plus en plus pris en compte dans la conception et la rénovation des bâtiments d'élevage. Pauline Garcia, éthologue, nous explique les différences de perception entre les animaux et les humains.
Le bien-être animal est de plus en plus pris en compte dans la conception et la rénovation des bâtiments d'élevage. Pauline Garcia, éthologue, nous explique les différences de perception entre les animaux et les humains.
Pouvez-vous présenter votre activité professionnelle ?
Pauline Garcia : Je suis d'abord comportementaliste animalière. Après une formation diplômante, j'ai commencé à travailler avec les animaux d'élevage et je me suis rendu compte que je n'avais pas assez d'expérience de terrain. Je suis donc devenue agricultrice et je me suis installée en 2015 en vaches allaitantes. Aussi, je suis formatrice en bien-être animal, avec les équins, bovins et caprins.
Qu'est-ce que l'éthologie ?
P. G. : C'est une discipline scientifique qui consiste à étudier le comportement des animaux. Une fois qu'on le connaît, on peut adapter nos pratiques dans les relations homme-animal, ou bien adapter l'environnement. Par exemple, quand on sait que les animaux sont mal à l'aise sur des sols glissants, il faut absolument travailler l'adhérence des sols dans les bâtiments pour éviter des glissades et du stress.
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Quelles sont les différences de perception entre les bovins et les humains ?
P. G. : Au niveau de la vision, les deux sont à l'opposé. Le bovin a une vision très contrastée du monde qui l'entoure. Tous les reflets et tous les matériaux qui les favorisent auront tendance à ressortir beaucoup plus dans son environnement et donc à l'éblouir. Les systèmes tubulaires existant dans les bâtiments sont souvent bien trop clairs. Mettre un animal dans un environnement nouveau avec ces paramètres, c'est l'exposer à beaucoup de stress. Il risque d'associer son nouvel environnement à quelque chose de stressant. Son adaptation à la nouveauté est lente, il a besoin de temps, mais l'humain, lui, n'a pas forcément ce temps-là. Donc, pour gagner en production et en temps, il faut adapter l'environnement à l'animal.
C'est donc à l'humain de s'adapter ?
P. G. : L'humain va travailler tous les jours dans un environnement qui a été fait pour lui. Il va donc exister de grosses tensions entre les deux espèces. Il faut partir des besoins et des perceptions de l'animal. L'animal ne peut pas se projeter dans les perceptions humaines. C'est bien l'Homme qui doit s'adapter, car c'est bien plus facile à faire pour nous que pour lui.
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Quel type de choses peut-on mettre en place dans un bâtiment pour améliorer le bien-être animal ?
P. G. : Il faut penser à l'enrichissement. Cela peut être tactile, comme des brosses. Pour moi, ce type d'équipements est non négociable. Le bovin a un important besoin de grattage car cela lui apporte de l'apaisement, du défoulement, de la décontraction. Cela peut aussi aider à harmoniser les relations sociales entre les animaux dans le bâtiment. Il y a également un coté hygiénique. Le grattage dépoussière les animaux. C'est un accessoire qui, trop souvent, arrive tard dans la conception des bâtiments qui n'ont pas été conçus pour accueillir des supports de grattage. L'éleveur essaie de l'installer a posteriori, où il peut, entraînant parfois un manque de fluidité dans les déplacements. Par exemple, en ajoutant une brosse au milieu d'un couloir, les animaux devront contourner l'animal qui est en train de se gratter. Il faut donc penser à cela dès la conception pour ne pas créer de zone de bouchon. Aussi, s'il n'y a pas assez de brosses, on va assister à une augmentation des conflits autour de cette ressource entre les vaches dominantes, les meneuses et les soumises. C'est censé améliorer le bien-être animal, mais ça ne doit pas dégrader tout ce qu'il y a autour : la circulation, les relations entre les animaux...
Comment s'organiser pour repenser la conception de son bâtiment en prenant en compte les besoins des animaux ?
P. G. : Il faut penser à situer ce que j'appelle les "espaces de bien-être", mais aussi se demander comment ne pas perturber la vie sociale des bovins, notamment les déplacements, la fluidité, la circulation...
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Quels sont les avantages pour un éleveur de prendre en compte l'éthologie ?
P. G. : Un environnement enrichi en brosses va être un accélérateur relationnel entre l'éleveur et ses animaux. Lorsqu'une vache prend l'habitude de se gratter sur une brosse, si elle voit l'éleveur avec une brosse plus petite à la main, elle fait vite le rapprochement entre la sensation de grattage et l'objet. Cela va favoriser la docilité des animaux, un meilleur repos et donc un bovin qui va mieux valoriser les rations. Les performances zootechniques sont augmentées lorsque les animaux sont détendus. Enfin, il faut se souvenir que l'animal a de la mémoire sur du long-terme. Si on fait du soin sans action positive derrière, l'animal va s'en souvenir en négatif.