Bien décidés à en faire tout un foin !
Producteurs fermiers ou non, ils sont une poignée aujourd'hui dans le Cantal à vouloir mieux valoriser leur lait produit à l'herbe et au foin via la STG "lait de foin".
Bête à manger du foin : dans la campagne cantalienne, certains ont décidé de vider l'expression de sa connotation peu flatteuse. Comment ? En s'engageant dans la STG, spécialité traditionnelle garantie (signe officiel de qualité européen(1)), "lait de foin", dont le cahier des charges, aussi succinct que restrictif, tient en trois points : aucun aliment fermenté pour le troupeau, un minimum de 75 % d'herbe ou foin dans la ration, et aucun OGM dans les 25 % restants (concentré). En juin dernier, une poignée de producteurs cantaliens a ainsi décroché sa certification(2), parmi lesquels Nicolas Constant. Installé il y a seulement deux ans au Vigean (Gaec de la ferme des Marchounelles dont il était salarié), ce dernier élève avec son père 45 laitières sur 75 hectares de prairies naturelles. Le "lait de foin", c'est dans la patrie de Mozart que Nicolas a découvert ce concept lors d'un stage en 2013 : "J'ai passé un mois en Autriche dans une ferme qui avait inventé un procédé de séchage en grange avec déshumidificateur", raconte le jeune agriculteur, convaincu depuis de l'intérêt de cette technique et de cette pratique, d'autant plus pertinentes pour la Ferme des Marchounelles que le lait y a toujours été produit à l'herbe, dont une partie (20 ha) enrubannée.
Du foin séché et déshumidifié en grange Mais avant d'investir en ce sens, encore fallait-il s'assurer d'une valorisation pour ce potentiel lait de foin. "En discutant avec la fromagerie Duroux, on s'est aperçu qu'on était sur la même longueur d'onde, mais à l'époque, on était les seuls producteurs intéressés et puis le Covid est arrivé...", poursuit l'éleveur du Vigean confronté à une autre préoccupation : trouver de la plus-value permettant de rémunérer deux associés tout en limitant la charge de travail, son père ayant été victime d'un accident. Le Gaec se tourne alors vers le bio, mais Nicolas remet le lait de foin sur le tapis au sein du bureau de l'OP Duroux. "On a proposé à d'autres producteurs de se lancer, on est quatre habilités pour l'instant, un autre qui devrait nous rejoindre tout prochainement et deux jeunes qui devraient suivre au printemps prochain permettant de dépasser le million de litres de lait produit à l'herbe et au foin", précise Nicolas Constant. Ce dernier a inauguré son système de séchage en grange au printemps 2022 et le déshumidificateur associé. "Avec ce dernier, on recycle l'air qui a déjà traversé l'herbe coupée, un air chargé d'humidité. Le déshumidificateur retire cette humidité et réinjecte un air à la fois très sec et très chaud sur le foin. Certes c'est un équipement un peu plus cher à la base et en fonctionnement, mais qui permet de sécher beaucoup plus vite et qui s'est avéré très utile cette année", développe l'agriculteur qui ne voit que des avantages à cette bascule au tout foin. En termes de santé du troupeau d'abord, de qualité du lait également sans que la production en pâtisse, au contraire. "C'est aussi de la facilité de travail : l'hiver on distribue le fourrage avec la griffe, il n'y a plus de tracteur qui démarre, plus une porte qui s'ouvre", fait valoir le jeune producteur dont l'objectif est désormais de boucler l'intégralité des premières coupes fin mai pour bénéficier d'une qualité d'herbe optimale et favoriser un maximum de regain.
Revenir aux fondamentaux bovins
"Avec le séchage, on est moins limité en chantiers de récolte, on gagne en qualité du fourrage, en protéines aussi et on diminue de fait les besoins en aliments bio, particulièrement coûteux", complète-t-il. Parallèlement, l'installation de séchage a aussi permis de repenser l'aménagement du bâtiment, rendant certains postes de nouveau accessibles au père de Nicolas. Et côté rémunération ? À partir de septembre prochain, ce lait de foin fera l'objet d'une valorisation supplémentaire de 40 EUR/1 000 l de la part de la fromagerie Duroux. "De toute façon, pour moi, une vache c'est fait pour pâturer et manger du foin..." conclut Nicolas.
(1) Qui protège un savoir-faire reconnu. (2) D'autres l'avaient déjà obtenue précédemment.
Actuellement, ce sont 120 producteurs dans l'Hexagone qui sont habilités (les trois quarts en bio), dont 20 % en zone de montagne, pour un total de 27 millions de litres produits avec une plus-value qui s'étale entre + 20 et + 50 EUR/1 000 l, précise Quentin Lemonnier, animateur de l'association Lait de foin.