Action : 26 communes altiligériennes classées en zones vulnérables, la profession attaque au tribunal administratif
À l'occasion d'une conférence de presse le 13 avril, Chambre d'Agriculture, FDSEA et JA ont annoncé leur intention d'aller en justice dénoncer le classement de 26 communes de Haute-Loire en zones vulnérables.
Ils l'avaient annoncé, ils l'ont fait. Face à la presse, ce lundi 13 avril, la Chambre d'Agriculture, la FDSEA et les JA de Haute-Loire ont officiellement annoncé qu'ils allaient devant le tribunal administratif d'Orléans pour attaquer l'arrêté «portant désignation des zones vulnérables (ZV) à la pollution par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Loire-Bretagne» ; arrêté signé le 13 mars 2015 par le Préfet de la région Centre - Val de Loire, Michel Jau coordonnateur de ce bassin.
Les professionnels sont dans cette démarche soutenus par les quatre parlementaires du département, représentés lors d'une conférence de presse le 13 avril par le député Jean-Pierre Vigier qui a largement contribué à porter ce dossier avec les agriculteurs, depuis presque un an maintenant.
Cet arrêté classe 26 communes de Haute-Loire en zone vulnérables dont 9 partiellement (voir tableau en page 5 de notre dernier numéro de La Haute-Loire Paysanne). Auparavant, 5 communes étaient déjà classées depuis 2012 : Brioude, Cohade, Vergongheon et Vezezoux en totalité et les parcelles rive gauche de l'Allier sur Lamothe. Les zones vulnérables en Haute-Loire représentent donc aujour-d'hui plus de 36 200 ha et touchent environ 670 exploitations.
Dès l'annonce de ce zonage, les responsables professionnels ont réagi notamment lors des tribunes du Congrès de la FDSEA le 1er avril et de l'assemblée générale des JA le 10 avril, mais aussi d'une façon plus démonstrative à l'occasion d'une action syndicale à Brioude le 7 avril en soirée avec déversement de fumier sur le rond-point de Lamothe et les routes adjacentes.
Mais aujourd'hui, le syndicalisme et la Chambre d'Agriculture ont choisi d'aller plus loin. L'arrêté est signé ; le périmètre est donc figé. Le seul recours, c'est l'action en justice : «Nous allons au tribunal administratif pour attaquer cet arrêté. Nous demandons d'abord la suspension de cet arrêté puis sa suppression» explique Laurent Duplomb président de la Chambre d'Agriculture. La profession sera assistée dans sa démarche par l'avocat Marcel Schott.
Des conséquences lourdes
Revenons un peu en arrière pour bien comprendre ce que la profession dénonce. Des surfaces sont classées par l'État en zone vulnérable si une analyse des nitrates dans un cours d'eau fait apparaître un dépassement du seuil toléré, et «par défaut» souligne Laurent Duplomb, «ces nitrates sont considérés comme d'origine agricole». Conséquence, la ou les commune(s) concernées sont classées ainsi que le bassin versant. L'impact pour l'agriculture est énorme. Les exploitations dans la zone sont alors soumises à une mise aux normes obligatoire notamment en terme de stockage d'effluents, mais aussi pour leur épandage. Les professionnels expliquent : «de nombreux éleveurs avaient déjà investi pour mettre leurs bâtiments aux normes de ce que l'on appelait le PMPOA (Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole) ; en zone vulnérable, les règles sont changées et durcies». Pour exemple, alors que la durée de stockage des effluents d'élevage était de 4,5 mois, voire 1,5 pour les troupeaux de moins de 49 UGB, en ZV on passe à
6 mois voire 7, d'où un coût supplémentaire estimé de 500 à 600 EUR/UGB et 1 500 à 1 700 EUR/ UGB pour les petites exploitations. Des sommes insupportables pour nombre de fermes.
Réaction et actions
Dès l'annonce de ce zonage en été 2014, la profession a alerté les pouvoirs publics et les élus. Le Conseil Général a donné un avis défavorable, le Conseil Régional aussi. Tous les élus ont mis leur véto. Le Bureau de la Chambre d'Agriculture a lancé une expertise sur les 32 communes concernées afin de donner un avis objectif qu'elle a communiqué le 3 novembre 2014 et transmis au Ministère. Appuyée par le député Jean-Pierre Vigier, la profession a rencontré le Préfet de Bassin, la Direction générale des Politiques agricoles au ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Écologie... Et la réponse qu'on leur a faite est déconcertante : «vous avez raison, mais le dossier est à Bruxelles...». Bref un message écouté mais non entendu. Et au final, l'arrêté est signé, avec 6 communes en moins et une diminution des surfaces par rapport au projet initial, mais néanmoins un zonage «aberrant».
Les responsables précisent qu'ils ne remettent pas en cause les analyses mais la procédure qui, pour Jean-Pierre Vigier est «inacceptable» voire «scandaleuse» car elle n'est pas cohérente avec le terrain. Un exemple, pour le classement de la commune de Chambezon, la référence est une analyse faite à 62 km de là en dessous de Riom avec 40 mg de nitrates par litre.
Autre exemple, sur la Fioule née près de St Jean de Nay et qui se jette à St Arcons d'Allier, des analyses réalisées notamment avant et après les station d'épuration, tendent à prouver que les nitrates ne sont pas d'origine agricole, et pourtant tout le bassin versant est classé pour une analyse au dessus de 18 mg/l, 18,4 exactement.
«On ne peut pas être les porteurs de tous les maux» s'indigne Laurent Duplomb, qui estime ce classement «dogmatique face au lobbying, au fanatisme, à l'intégrisme écologique». Et de s'interroger sur le devenir de l'élevage dans ces 31 communes classées. Anthony Fayolle se dit «très inquiet pour l'installation». Plusieurs exploitations pourraient arrêter l'élevage dans les 2 ans qui suivent... Et Jérôme Veysseyre représentant la FDSEA estime que «les critères des ZV ne sont pas compatibles avec nos zones de montagne». Pour lui, outre des frais inhérents à la mise aux normes ZV intolérables, l'organisation des élevages va être impacté : «la restriction des dates d'épandage remet en cause le travail en commun en Cuma...». Et Anthony Fayolle de rajouter que «même d'un point de vue environnemental, ces règles sont aberrantes car on est limité sur l'épandage d'effluents d'élevages mais pas sur les apports d'engrais chimiques... Où est la logique ?»
On l'a bien compris, les agriculteurs comme les élus, à l'instar de Jean-Pierre Vigier, sont «farouchement remontés». Il insiste : «à l'heure où le gouvernement parle d'aider les zones fragiles, on est aujourd'hui sur un déménagement de ces territoires... et on sanctionne sans tenir compte des réalités».
La Chambre d'Agriculture avec la FDSEA et les JA de Haute-Loire veulent frapper un grand coup. Voilà pourquoi, il s'engagent dans une procédure juridique. «Le fait d'aller en justice, ajoute le président des JA, c'est aussi symbolique pour montrer qu'on en a marre d'être accusés de tous les maux».
Suzanne Marion