2021, un été pourri... pas pour les truites !
J-10 avant l’ouverture de la pêche à la truite qui s’annonce prometteuse au vu des bonnes conditions estivales et de reproduction en 2021, une parenthèse au milieu d’eaux plus troubles.
Des étés pourris comme celui de 2021, à la fédération de pêche du Cantal, on aimerait presque qu’ils se répètent quitte à se priver de certains touristes dans les quelque 83 animations pêche nature qui rythment désormais la saison sur l’ensemble du territoire départemental. Jamais depuis 2014 en effet, les conditions climatiques estivales n’avaient été aussi favorables pour les milieux aquatiques et les espèces piscicoles qu’ils abritent, à commencer par la truite. Plus de débit dans les cours d’eau et des températures plus fraîches ont ainsi permis un meilleur taux de survie de cette espèce bioindicatrice.
Ça chauffe dans les cours d’eau, même en altitude
Les inventaires réalisés - via des pêches électriques - en une soixantaine de points du département par l’équipe de la FDPPMA 15(1) ont ainsi montré des générations de truites de 1 et 2 ans bien représentées, augurant de bonnes prises de poissons adultes à compter du 12 mars, date officielle d’ouverture de la pêche à la truite. D’autant que les conditions climatiques et hydrologiques de fin d’automne ont aussi été propices à la reproduction tant des espèces de rivières que de lacs (ombre commun, cyprinidés...), relève Romain Max, responsable technique hydrobiologiste, qui rappelle cependant que les effets d’incidents climatiques d’une année peuvent avoir des répercussions sur les populations trois, quatre ans plus tard.
Surtout, 2021 risque bien de n’être qu’une exception dans une série durable d’étés chauds et secs, justifiant d’autant la poursuite des études engagées par la fédération pour enrichir ses connaissances sur l’impact de ces épisodes sur la truite et ses capacités ou non d’adaptation. Le suivi annuel de la thermie sur une vingtaine de stations réparties sur les cours d’eau du Cantal confirme ainsi, qu’hormis en 2021, la température de l’eau commence à être relativement élevée sur les zones aval mais aussi en tête de bassin sur des portions très exposées, sans ripisylve ni ombre donc. “Même à 1 400 m d’altitude, ce n’est plus rare d’avoir des cours d’eau à
25-26°C”, note Agnès Tronche, responsable technique, rappelant qu’au-delà de 22°C, la truite cesse toute activité ; qu’à 25°C, elle meurt. Le programme pluriannuel d’étude sur le comportement de la truite commune en période d’étiage lancé il y a deux ans révèle par ailleurs que si l’espèce continue de se déplacer même à très bas débits pour atteindre des zones de refuge thermique, cette migration forcée est maillée d’obstacles bloquants (seuils...) susceptibles d’altérer la survie des poissons. Une autre étude sera lancée cette année en lien avec le CNRS de Pau afin de comprendre la dynamique des populations des truites de la Rhue et d’identifier quels affluents de la rivière en alimentent les principales populations de truites. Pour ce faire, il sera fait appel à la géochimie des otolithes, ces pièces calcaires présentes dans l’oreille interne des poissons, véritable signature géochimique du cours d’eau dans lequel ce dernier a vécu.
Investigation scientifique à la pointe
Des truites qui seront également tracées cette fois avec des émetteurs RFID (radio identification) pour évaluer l’efficacité d’un projet de restauration de la continuité écologique sous un pont porté par le Conseil départemental.
De survie, il est aussi question mais pour une autre espèce, dont l’avenir semble bien hypothéqué à court terme dans le Cantal : l’écrevisse à pattes blanches dont la répartition sur le territoire du parc régional des Volcans d’Auvergne fait également l’objet d’une étude triennale par les FCPPMA 15 et 63 en recourant là encore à des moyens d’investigation dignes de la Police scientifique : lors de prospections nocturnes, les techniciens réalisent des prélèvements d’ADN environnemental. “On filtre l’eau pour récupérer l’ADN qu’elle peut contenir, des échantillons ensuite analysés par un laboratoire spécialisé pour détecter potentiellement le matériel génétique de cette écrevisse”, explique le responsable technique.
“L’espèce est en très forte régression du fait de la dégradation des milieux et de la colonisation par l’écrevisse de Californie (une espèce importée, ndlr), porteuse saine d’un champignon auquel l’écrevisse autochtone est très sensible, complète son collègue Jacques Chalier. Il ne reste que quatre ou cinq populations encore viables dans le Cantal.” Cette étude pourrait conduire à envisager une opération de réintroduction.
Parallèlement, la Fédération cantalienne de pêche continue d’œuvrer à la restauration de la qualité et la fonctionnalité des cours d’eau avec, par exemple, la reconnexion d’un bras secondaire de la Petite Rhue pour accroître la population naturelle de truites et chabots, ou encore des actions de mise en défens de berges... La structure apporte ses compétences, son expertise mais aussi des cofinancements aux opérations portées par les collectivités dans le cadre de la compétence Gemapi.
Une digue sur la retenue...
Elle s’est aussi fixée un objectif plus ambitieux : la création d’une digue de retenue au sein même du lac de Lastioulles (sur l’anse de la Crégut) afin de gérer les variations de niveau d’eau sur une surface de 5 ha en amont de la digue du barrage. Objectif : maximiser les surfaces de ponte et donc le potentiel de reproduction. Un programme mené en partenariat avec EDF et la com com de Sumène Artense qui devrait entrer dans sa phase opérationnelle en 2022. Sur ce même secteur de
l’Artense, la fédération travaille également avec EDF pour optimiser la gestion des débits estivaux en aval des barrages afin d’éviter des ruptures d’écoulement.
Autant de programmes de protection des milieux, de recherche et acquisition de connaissances, dont Jacques Chalier, responsable déveloeppement, souligne qu’ils n’occultent en rien la mission première de la fédération : être au service des pêcheurs. “Ça reste bien la priorité de nos actions mais ça passe par des connaissances supplémentaires, plus pointues, par des aménagements pour rétablir la continuité écologique...”
(1) Fédération départementale pour la pêche et la protection des milieux aquatiques.