Accord Mercosur : comment la Commission européenne tente de rassurer les eurodéputés sur l’agriculture
Maros Sefcovic, commissaire européen au Commerce, a tenté de répondre le 13 février aux inquiétudes exprimées par les députés européens et notamment français face au volet agricole de l’accord UE-Mercosur.
Maros Sefcovic, commissaire européen au Commerce, a tenté de répondre le 13 février aux inquiétudes exprimées par les députés européens et notamment français face au volet agricole de l’accord UE-Mercosur.
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« Cet accord est un contresens, un archaïsme et une faute » (Jean-Paul Garraud, député groupe patriote pour l’Europe) ; « Comment osez-vous dire aux agriculteurs, qui peinent déjà à joindre les deux bouts qu’importer des centaines de milliers de tonnes supplémentaires de bœuf, de poulet ou de fromage n’aura pas d’impact sur eux ? » (Manon Aubry, députée groupe gauche) ; « Vous sacrifiez nos filières européennes, déjà en crise, pour vendre vos voitures allemandes » (Valérie Deloge, députée patriote pour l’Europe) ; « Que ferez-vous pour nos agriculteurs européens en souffrance ? Un dérisoire fonds d’indemnisation de 1 milliard d’euros pour vous acheter une bonne conscience en leur disant « mourez tranquilles, nous vous payons pour disparaître », (Céline Imart, groupe PPE). Les eurodéputés français n’ont pas mâché leurs mots le 13 février lors du débat au parlement européen sur le Mercosur face à Maros Sefcovic, commissaire au Commerce international et vice-président de la Commission européenne.
M. le Commissaire, vous devriez avoir honte.
Honte d'imposer avec force cet accord UE-#Mercosur qui va faire tant de tort aux agriculteurs.
Honte d'exposer les citoyens à des risques sanitaires et d'accélérer la destruction écologique au nom du libre-échange ! pic.twitter.com/Yo9qjkJVDQ— Manon Aubry (@ManonAubryFr) February 14, 2025
L’enfer est pavé de bonnes intentions. Et nos agriculteurs goûtent déjà trop au parfum du soufre…
Non au Mercosur.
Mon intervention en plénière ⤵️ https://t.co/jzQnAqdYta pic.twitter.com/DCztgVZLbk— Céline Imart (@CelineImart) February 13, 2025
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« Patrick, éleveur de poulets breton face à Pedro, éleveurs de poulets brésilien »
Seule Marie-Pierre Vedrenne députée Renew s’est montrée plus mesurée refusant de réduire l’accord UE-Mercosur au clivage « voitures allemandes contre agriculture française ».
Le député patriote pour l’Europe Gilles Pennelle a pour sa part caricaturé l’accord en évoquant « Patrick, un éleveur de poulets breton » face à « Pedro, éleveur de poulets brésilien ». « Patrick apprend un jour que Pedro va pouvoir vendre ses poulets chez lui, à des prix bradés. Il apprend que Pedro, lui, n'a pas de normes, ne respecte pas le bien-être animal, utilise même des produits phytosanitaires pour son maïs, alors que Patrick ne le peut pas, et que Pedro utilise des antibiotiques de croissance. Il n'a pas été écouté par la Commission », a ainsi simplifié l’ex-directeur du RN.
« Patrick, éleveur de volailles breton, m'a demandé de vous dire, M. le Commissaire, qu'il ne croit plus en votre Europe de Bruxelles.
Car Patrick croule sous les normes alors qu'avec le traité du Mercosur, Pedro, éleveur brésilien, vendra ses poulets bradés chez nous sans devoir… pic.twitter.com/R8pIbjyU6I— Gilles Pennelle (@GillesPennelle) February 14, 2025
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Déjà 3,2 milliards d’euros de produits agricoles exportés vers le Mercosur
Reconnaissant que le débat « s’est presque entièrement concentré sur l’agriculture », le commissaire Maros Sefcovic a tenté de rassurer voire convaincre les députés européens. Rappelant qu’en 2024 l’agriculture et l’agroalimentaire européens avaient réalisé un excédent de 70 milliards d’euros, le commissaire au commerce les a ainsi interpellé : « croyez-vous que nous serions capables d’être aussi forts en matière d’exportations si le vaste réseau de nos accords de libre-échange n’ouvrait pas ces nouveaux marchés à tous, aux gros agriculteurs, aux petits agriculteurs, à notre secteur agroalimentaire ? ».
Et le commissaire d'affirmer que les agriculteurs européens exportent déjà 3,2 milliards d’euros de produits au sein du Mercosur avec des droits d’importations élevés. « Cet accord va éliminer ces droits d’importation. Il va protéger nos indications géographiques, de sorte qu’il n’y aura plus de d’imitation de nos célèbres fromages, de nos vins et nos spiritueux », poursuit Maros Sefcovic, estimant que cela « améliorera considérablement les possibilités d’exportation pour nos agriculteurs ».
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Aucun bœuf aux hormones, aucun poulet chloré importé
Répondant à Gilles Pennelle, le commissaire a par ailleurs assuré que « les produits alimentaires de l'Union européenne produits localement ou importés doivent être conformes aux règles sanitaires et phytosanitaires de l'UE, y compris aux politiques strictes de l'UE sur les OGM ». Et de souligner que « la Commission effectue des audits réguliers dans les pays tiers et travaille en étroite collaboration avec les autorités des États membres qui effectuent des contrôles officiels et des activités de contrôle des importations alimentaires afin de garantir que les produits non conformes ne puissent pas entrer sur le marché de l'UE ».
Ce type de bœuf n’est jamais entré sur le marché de l’UE et n’entrera jamais sur le marché
Demandant aux députés européens « dans l’intérêt de Patrick, et de tous les autres agriculteurs », de ne pas diffuser d’informations fausses, le commissaire a ajouté : « aucune importation de bœuf aux hormones. Aucun poulet chloré ne sera jamais importé dans l’Union européenne. M. Andriukaitis a travaillé sur ce sujet pendant cinq ans et il a été absolument clair sur ce point. Le problème auquel Mme Sbai (député écologiste européenne, ndlr) faisait référence a été repéré et immédiatement résolu. Ce type de bœuf n’est jamais entré sur le marché de l’UE et n’entrera jamais sur le marché ».
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Des contingents portant sur pas plus de 1,5% de la viande de bœuf
En introduction au débat, le commissaire Maros Sefcovic avait par ailleurs assuré que la Commission européenne était parvenue à « à un résultat équilibré sur le commerce agroalimentaire, améliorant considérablement l’accès au marché pour de nombreux produits agroalimentaires de l’UE, tout en trouvant un équilibre prudent dans les secteurs où nos intérêts sont plus sensibles et en négociant des contingents tarifaires clairs et bien calibrés représentant un très faible pourcentage de la consommation de l’UE, par exemple, pas plus de 1,5 % de la viande de bœuf, ainsi qu’une mise en œuvre progressive de l’ouverture du marché sur plusieurs années ».
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Un fonds de 1 milliards d’euros prévu
Il avait par ailleurs assuré que la Commission « suivrait de près l'évolution du marché après la mise en œuvre de l'accord, notamment en ce qui concerne le secteur agricole ».
« En cas de déséquilibre, nous imposerons des mesures de sauvegarde pour protéger nos secteurs sensibles et pour garantir que les producteurs agricoles soient pleinement protégés », avait ajouté le commissaire rappelant que la présidente von der Leyen avait annoncé qu'au « moins 1 milliard d'euros seraient disponibles pour faire face à toute circonstance imprévue ».