Rapport
338 000 jeunes ruraux âgés de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté
L’Inspection générale des affaires sociales a publié en fin d’année dernière un rapport sur les conditions de vie et la pauvreté qui touche les jeunes ruraux. Elle fait différentes propositions pour mieux les accompagner.
L’Inspection générale des affaires sociales a publié en fin d’année dernière un rapport sur les conditions de vie et la pauvreté qui touche les jeunes ruraux. Elle fait différentes propositions pour mieux les accompagner.
« Pauvreté et conditions de vie des jeunes dans le monde rural : comment adapter les réponses institutionnelles ? » est l’intitulé du rapport rendu par l’ Inspection générale des affaires sociales (Igas) fin 2024. Il avait pour objectif de mettre en lumière le quotidien des jeunes ruraux. Pour y parvenir, l’Igas s’est intéressée à la tranche d’âge des 16-29 ans, période où se font les transitions vers l’âge adulte et où se construisent les trajectoires sociales et professionnelles. Elle a fait une large place au terrain, à travers des déplacements dans huit territoires ruraux confrontés à des situations de pauvreté importante : Nord de l’Aisne, Nièvre - Morvan, Sud Ardèche, Lodévois, Orne, Calvados, Deux-Sèvres et Nord Seine-et-Marne.
3 millions de ruraux âgés de 15 à 29 ans
Les jeunes ruraux sont près de 3 millions pour la tranche d’âge 15-29 ans pour 9,6 millions de jeunes urbains. Ils ne représentent toutefois que 14 % des résidents de leurs territoires. L’Igas estime à quelque 338 000 le nombre de jeunes ruraux de 18 à 24 ans vivant sous le seuil de pauvreté. Il n’existe pas de données pour la tranche d’âge 15-29 ans. Longtemps qualifiés d’« invisibles », moins nombreux que les jeunes urbains (ils représentent en moyenne 24 % de leur classe d’âge), les jeunes ruraux focalisent moins l’attention alors que leur place est cruciale pour l’avenir des territoires ruraux.
Un difficile accès à l’emploi
Cette jeunesse rurale présente des traits communs avec l’ensemble de la jeunesse. Elle est confrontée aux difficultés d’accès à l’emploi que rencontrent tous les « débutants » sur le marché du travail, avec un taux de chômage élevé (22,4 %) et un poids important de l’emploi précaire : 37,8 % des jeunes ruraux en emploi sont en CDD ou intérim. L’Igas note par ailleurs qu’« à l’instar des jeunes des banlieues, les jeunes ruraux, issus en grande majorité de milieu populaire, faiblement diplômés, se trouvent placés face au dilemme récurrent : quitter leur territoire ou trouver un emploi pour y rester ».
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Eloignement et mobilité empêchée
Le rapport met en lumière de réels freins spécifiques, dont l’éloignement et une mobilité empêchée. L’Igas note que la situation des jeunes ruraux « au regard de la pauvreté monétaire est légèrement plus favorable que celle des jeunes urbains, notamment parce qu’ils commencent à travailler plus tôt ». Mais cette réalité statistique peut masquer certains faits : le taux de pauvreté est plus élevé dans les territoires ruraux isolés et le chômage des jeunes peut dépasser 40 % dans certains territoires ruraux.
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28 % des jeunes ruraux accèdent à l’enseignement supérieur, contre 37 % des jeunes urbains
Les difficultés de mobilité et parfois l’isolement touchent les jeunes ruraux. Leurs opportunités d’insertion ou de formation sont moins nombreuses et leurs choix plus contraints : 28 % des jeunes ruraux accèdent à l’enseignement supérieur, contre 37 % des jeunes urbains. Il est aussi important de souligner que l’isolement et la moindre sociabilité pèsent parmi les déterminants de dégradation de la santé mentale des jeunes ruraux. Le rapport souligne par ailleurs que « les inégalités de genre, liées aux représentations, ainsi que les violences faites aux femmes, sont plus marquées en milieu rural et que les besoins des jeunes femmes en santé sexuelle et reproductive y trouvent plus difficilement leur réponse ».
Les dispositifs en faveur des jeunes ruraux sont trop peu ciblés
Le rapport constate que les dispositifs en faveur des jeunes ruraux sont peu ciblés et insuffisamment adaptés. Il estime que, malgré la mise en place d’actions, « l’offre d’accompagnement destinée aux jeunes les plus en difficultés (Contrat emploi jeune –jeunes en rupture) qui repose sur une prise en charge globale et décloisonnée des multi vulnérabilités auxquelles ces jeunes sont confrontés peine, quant à elle, à s’implanter dans les territoires ruraux isolés ». Il ajoute que les interventions sectorielles, « qu’il s’agisse de repérage et de remobilisation, d’accompagnement vers l’emploi, de formation, prennent rarement en compte les contraintes inhérentes à la ruralité ».
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26 recommandations de l'Igas pour la jeunesse rurale
L’Igas dresse aussi le constat que les prestations sociales auxquelles peuvent accéder les jeunes ruraux précaires prennent mal en compte, comme pour les autres jeunes, les difficultés auxquelles ils font face : enchevêtrement des dispositifs, durée limitée de l’allocation CEJ (Contrat emploi jeune) qui rend difficile l’accès à un logement, difficultés auxquelles s’ajoutent le coût élevé de la mobilité pour les jeunes ruraux. Elle avance pas moins de 26 recommandations à deux niveaux : apporter des réponses aux besoins spécifiques des jeunes ruraux à travers des mécanismes adaptés à la non-densité et des réponses destinées à l’ensemble des jeunes précaires dont pourront bénéficier les jeunes ruraux.