Un nouveau concept « durable »
Une ferme de ponte révolutionnaire aux Pays-Bas
Quatre entrepreneurs néerlandais viennent de démarrer un élevage de poules pondeuses en volière bâti selon un concept architectural novateur.
Quatre entrepreneurs néerlandais viennent de démarrer un élevage de poules pondeuses en volière bâti selon un concept architectural novateur.
Le poulailler de ponte Kipster (« poulet étoile » en néerlandais) n’a rien à voir avec un élevage habituellement situé en pleine campagne, tant son aspect agricole a été gommé par une esthétique futuriste. Situé à Oirlo, Kipster est une initiative portée par quatre associés venus d’horizons différents : Styn Claessens aviculteur, Ruud Zanders maître de conférences en agriculture durable, Maurits Groen expert en environnement et Olivier Wegloop stratège en communication. Ils ont consacré plus de quatre années à sa conception, en impliquant des ONG de la protection animale et de l’environnement, ainsi que de nombreux spécialistes. Unique acheteur des œufs Kipster, l’enseigne de distribution Lidl a également été étroitement associée. Leur objectif était de construire un modèle respectueux de l’animal (bien-être), de l’environnement (durabilité), du consommateur (attentes) et même du producteur.
D’une capacité de 24 000 poules, le bâtiment de 140 mètres de long et de 25 mètres de large comprend une haute toiture asymétrique. La face presque verticale est constituée de panneaux en verre, tandis que celle moins pentue est couverte de panneaux photovoltaïques orientés Sud-Est. À une extrémité se trouvent une salle d’accueil et la salle de conditionnement. À l’extrémité opposée, un espace de 500 m2 lui aussi comprend le tunnel de séchage des fientes, les équipements (filtration, ventilation, énergie) et les silos d’aliment, invisibles de l’extérieur. L’aménagement extérieur a été très soigné, avec une prairie et son plan d’eau, une aire de repos à proximité des parcours des poules, un parking à vélos et voitures avec points de recharge électrique. Il pourrait presque passer inaperçu dans un quartier résidentiel.
Des volières avec jardin d’hiver central et parcours extérieur claustré
L’architecture intérieure s’organise autour du vaste jardin d’hiver de 12,5 m de large (1 250 m2), très volumineux et lumineux grâce à sa toiture en grande partie transparente. Des arbres en container et des souches sont disposés sur cette aire bétonnée, afin de créer un milieu enrichi où les poules vont se déplacer, gratter, explorer. Séparées du jardin par de grands ouvrants isolés et étanches se trouvent deux salles de volières (Natura Step de Big Dutchman). Elles donnent également accès à deux parcours extérieurs, protégés par des filets afin de prévenir les contacts avec des oiseaux sauvages. On trouve une bande empierrée de 3 mètres suivie d’une autre de 8 mètres garnie de sable. Tout comme dans le jardin intérieur, ces parcours sont nettoyables après chaque bande. Au total, les 24 000 poules disposent de 2 500 m2 de surface intérieure au sol (soit 9,6 poules/m2) pouvant atteindre 4 700 m2 avec le parcours extérieur (soit 5.1 poules/m2).
Un bâtiment neutre en émission de carbone
Outre la volonté de permettre l’expression des comportements (exploration, grattage, bains de poussière…), les concepteurs ont particulièrement réfléchi à la consommation d’énergie électrique. Ils comptent sur les économies d’énergie (étanchéité, isolation, architecture), sur l’autoproduction électrique avec plus de 1 000 panneaux photovoltaïques et sur la récupération d’énergie via une pompe à chaleur. Les calories reprises dans l’air sortant, servent à réchauffer les volières avec des aérothermes à eau chaude. De sorte que le bilan énergétique est positif. Une attention particulière a aussi été portée à la poussière. Les particules sont captées par huit canons ionisants situés dans l’aire centrale. Ils aspirent l’air et le débarrassent de 45 % de ses impuretés. De plus, l’air sortant doit être filtré avec un objectif d’abattement de 95 %. Les associés insistent sur le fait que les endotoxines sont également piégées et que cet air est probablement plus propre que celui qui entre. Par ailleurs, les taux d’ammoniac devraient diminuer.
Un œuf trois étoiles, mais ni bio, ni plein air
L’engagement durable du hard discounter Lidl pour cinq ans (trois bandes) a été décisif pour l’obtention du financement. Aucun prix de revient n’a été communiqué, mais l’investissement serait de l’ordre de 100 euros par poule. Ce surcoût interpelle les éleveurs néerlandais à propos de la durabilité du concept. Ils craignent également que cela encourage les ONG et les pouvoirs publics à pousser de nouvelles normes encore plus dures pour le secteur. Les huit millions par an d’œufs à la marque Kipster seront vendus cinq centimes moins cher que de l’œuf bio. Ils sont présentés par cinq dans une boîte biodégradable, en fécule de pomme de terre, dont la forme allongée est censée mieux s’adapter au réfrigérateur. La ferme Kipster ne remplit pas les cahiers des charges bio ou plein air, mais les associés ont néanmoins obtenu le niveau trois étoiles du label Beter Leven décerné par une ONG protectionniste néerlandaise. En plus de l’enrichissement du milieu, de la lumière naturelle, de la faible empreinte carbone, des émissions gazeuses réduites, Kipster s’est engagé à valoriser les frères des poules. Il est prévu de les élever jusqu’à 120 jours pour en faire des burgers vendus par Lidl. Les poules seront nourries avec des sous-produits agricoles et de boulangeries-pâtisseries. Enfin, Kipster affiche une vocation à éduquer et à former. Ne manquant pas d’idées, les promoteurs espèrent impulser un vent nouveau d’innovations. Même si Kipster est une très belle vitrine de promotion, sa faisabilité économique reste à démontrer avant que d’autres sites naissent aux Pays-Bas ou ailleurs.