La filière foie gras se remplume
Le secteur du foie gras retrouve l’optimisme avec le retour d’une offre sanitairement maîtrisée et la montée en gamme des produits finis. Mais l’influenza aviaire a grippé sa balance commerciale.
Le secteur du foie gras retrouve l’optimisme avec le retour d’une offre sanitairement maîtrisée et la montée en gamme des produits finis. Mais l’influenza aviaire a grippé sa balance commerciale.
Cela faisait longtemps que les responsables de l’interprofession du foie gras (Cifog) n’avaient affiché un tel moral, soulagés après avoir eu peur de disparaître. Organisée fin mars pour le bilan commercial de la saison festive, la conférence de presse du Cifog a permis de se féliciter du succès d’une campagne de vaccination des canards bien menée, grâce à l’engagement de toutes les parties prenantes.
Avec seulement dix foyers sur la saison (dont une minorité en canards et aucun cas dans le Sud-Ouest), contre 400 l’année précédente au même moment, les espoirs fondés sur la prévention vaccinale se sont concrétisés. Pour autant, l’ingénieure du Cifog Marie Laborde n’a pas mis ce succès au seul crédit du vaccin. Cette saison hivernale, les virus influenza ont été moins agressifs en Europe et la biosécurité doit rester de mise. La seconde campagne de vaccination est plus que jamais d’actualité pour conforter la relance de la production, même s’il reste encore à savoir à quel niveau les pouvoirs publics reconduiront leur participation.
Retour de la confiance et rebond de la production
L’absence de foyers a permis aux opérateurs de faire normalement leur métier, à commencer par les éleveurs. Selon le Cifog, les abattages ont remonté de 21 % pour atteindre 20 millions de canards sur 2023, après le trou à 16,6 millions en 2022. Il est fort probable que le volume 2 024 sera meilleur, dans la mesure où les abatteurs-transformateurs ont besoin de reconstituer des stocks. Le président Éric Dumas espère « une montée en puissance prudente, avec un objectif d’environ 25 millions de canards en 2024".
La pénurie s’est traduite par une baisse de l’offre sur le marché français et par une montée en gamme qu’a détaillé Marie Pierre Pé, directrice du Cifog. Au final, comme sur l’ensemble des produits festifs, les volumes commercialisés ont chuté de 10,7 % par rapport à 2022. En revanche, c’est la stabilité en valeur (+0,2 %). « Malgré le contexte anxiogène et inflationniste, les Français n’ont pas tourné le dos au foie gras », souligne la directrice, mais en accentuant leurs achats de dernière minute (35,9 % des ventes sur la semaine de Noël).
Plus d’importation et moins d’exportation
Le déficit de matière première s’est aussi fait sentir sur la balance commerciale, devenue déficitaire pour la première fois à -3,5 millions d’euros (+56,7 M€ en 2015). Pour alimenter le marché français, les transformateurs ont beaucoup plus importé de préparations (+112 % en volume), essentiellement bulgares, et de foies d’oie (+39 % en volume), essentiellement hongrois, qu’ils ont payé plus cher qu’en 2022. La valeur des importations a progressé de 28 %, alors que celle des exportations n’a pris que + 12 %. L’export a reculé en volume vers l’UE à 27, qui pèse 53 % des foies crus et 75 % des préparations, mais s’est accru en valeur. Vers les pays tiers, le commerce a rebondi sur le foie cru de 81 % en volume (+324 t) mais il a reculé de 10 % sur les préparations (-38 t).
Après les interdictions de certains pays tiers liées à la perte du statut « indemne d’influenza » succèdent des blocages plus récents liés à la vaccination, comme au Japon et au Canada alignés sur les USA. « Début mars, le Royaume-Uni a décidé de ne plus importer de produits issus de canards vaccinés », a indiqué l’ingénieure du Cifog. L’impact économique sera relatif, car en 2023 le Japon n’a importé que 80 t de foies gras et préparations et le Royaume Uni 33 t, soit 4 % des exports totaux.
Mais la portée est symbolique et il reste à convaincre les pays sceptiques. "Le succès de la vaccination sera vraiment réel quand on aura réussi à faire accepter ce process pour nos pays clients, reconnaît Marie-Pierre Pé qui ne baisse pas les bras : Il faut attendre. Nous avons un plan de surveillance extrêmement draconien. Ceci va permettre de rassurer petit à petit."