Producteurs et commerçants : Les œufs d'Armor ouvrent leur nouveau centre d'emballage
Associés à leur père Pierrick, Nicolas et Sébastien Saliou produisent et conditionnent des œufs alternatifs. Pour répondre à la demande, ils viennent d’investir dans un nouveau centre de conditionnement, à Minihy-Tréguier (22).
Associés à leur père Pierrick, Nicolas et Sébastien Saliou produisent et conditionnent des œufs alternatifs. Pour répondre à la demande, ils viennent d’investir dans un nouveau centre de conditionnement, à Minihy-Tréguier (22).
Ce mois de septembre, Nicolas et Sébastien Saliou conditionneront enfin leurs œufs dans leur nouveau centre de Minihy-Tréguier dans les Côtes-d’Armor dissocié des sites de production. Cet outil est l’aboutissement de quatre ans de travail et de 3,2 millions d’euros d’investissement. C’est aussi un nouvel élan pour poursuivre le développement de leur activité de conditionnement.
Installés en 2012, après avoir occupé des postes à responsabilités dans l’amont et l’aval agricole, les deux frères sont la troisième génération dans la production d’œufs. Leur grand-père a débuté dans l’accouvage. Leur père Pierrick est devenu producteur dans les années quatre-vingt et a lancé la marque Keryann. Puis il s’est associé en 2001 avec Alain Urvoy, qui était producteur de poulettes et distributeur d’œufs. Après une phase de modernisation et de conversion des poulaillers vers les productions alternatives, Nicolas et Sébastien se sont attelés à développer la partie conditionnement.
À Rospez (22), leur outil devenait trop petit. « Le matériel etait usé. On ne pouvait pas y envisager de développer notre activité, constatent les deux frères. On faisait des volumes industriels dans une structure artisanale. » Le manque de place demandait la création d’un nouvel outil. « Une construction était trop chère. Depuis 2018, on cherchait un bâtiment à rénover », se souviennent les deux entrepreneurs. La perle rare est trouvée en février 2021 à Minihy-Tréguier. « C’est un ancien site d’Alcatel laissé à l’abandon depuis des années. Mais la structure du bâtiment était saine et on avait la place nécessaire. » Ce bâtiment de 3 000 m2 sur une parcelle de 1,5 hectare laisse des possibilités d’évolution.
Doubler le nombre d’œufs conditionnés par heure
Pourtant, la période semble peu propice aux investissements. « Cette année, tous les coûts explosent, celui de l’aliment, mais aussi les emballages, les tarifs des transporteurs, constatent Nicolas et Sébastien. On a réussi à passer la majorité des hausses. Mais pour garder des prix compétitifs, on ne peut pas répercuter l’intégralité des surcoûts. »
Leur crainte porte surtout sur le bio. « Après l’envolée de la demande ces cinq dernières années, il y a maintenant une surproduction et une consommation qui marque le pas. Toute la filière doit faire le dos rond en attendant que le marché retrouve son équilibre. »
Ces difficultés n’ont pourtant pas remis en cause leur projet. « Il était lancé avant les difficultés conjoncturelles, précise Nicolas Saliou. La possibilité d’émarger au plan de relance sur le segment « autosuffisance alimentaire » nous a aidés à le financer. » Une aide de 275 000 euros leur a été allouée pour l’achat de la calibreuse qui coûte un million. L’investissement total s’élève à 3,2 millions, dont 1,2 million pour la partie bâtiment.
Jouer la carte de la production locale
« Par rapport à notre ancien équipement, nous avons prévu plus d’automatisation dans l’objectif de passer de 30 à 60 000 œufs/heure », présente Sébastien Saliou. Aujourd’hui, la SCEA Œufs d’Armor conditionne et vend 60 millions d’œufs par an. « Avec ce nouvel outil, nous visons d’atteindre 90 millions dans trois, quatre ans puis progressivement d’arriver à 150 millions, ambitionnent les deux frères. Nous le ferons sans créer d’autres bâtiments en propre, mais en augmentant le nombre d’éleveurs en contrat. » Ils réfléchissent également à aller vers les ovoproduits pour valoriser les œufs déclassés et répondre à la demande de certains clients. « Mais pas dans l’immédiat au regard des investissements que cela représente. »
Leur développement, Nicolas et Sébastien Saliou l’envisagent avant tout à l’échelle régionale. « 90 % de nos œufs sont produits dans le Trégor et nous vendons principalement en Bretagne », expliquent-ils. La vente en direct dans 120 magasins assure 40 % de leurs 12 millions de chiffres d’affaires. Les centrales d’achat représentent 45 % et les grossistes et la RHF 15 %. En plus de leurs trois marques — les œufs d’Erwann, Keryann et la Croix Verte — Nicolas et Sébastien Saliou conditionnent aussi des œufs pour des MDD. « Ce créneau représente des volumes intéressants. Même si les négociations sont toujours tendues, maintenant que les contrats sont sur trois ou quatre ans, ça donne de la lisibilité. » Grâce à l’embauche d’un qualiticien, Nicolas et Sébastien Saliou visent l’obtention du label International Food Standard. « Ça nous permettrait de travailler avec de nouvelles centrales d’achat, ce qui augmenterait leur zone de chalandise », espèrent-ils.
Une production "éclatée"
L’entreprise de Nicolas, Sébastien et Pierrick Saliou compte 32 salariés, qui se répartissent entre la production, le conditionnement et la distribution des œufs.
Répartie sur cinq communes des Côtes-d’Armor, la production est réalisée plusieurs sites résultant de l’association entre Pierrick Saliou et Alain Urvoy puis de rachats, avec un chef d’élevage par site.
Depuis 2019, ils ne produisent, ni ne conditionnent plus d’œufs code 3. « En 2012, notre père avait l’équivalent de 50 000 cages qu’il était impossible de mettre aux normes. Comme on sentait venir une demande pour des œufs issus de mode de production alternatif, détaillent Nicolas et Sébastien Saliou, nous avons préféré faire évoluer nos bâtiments en ce sens et segmenter notre offre avec du sol (code 2), du plein air (code 1) et du bio (code 0). Quand la demande en bio a explosé en 2014/2015, on a pu répondre et prendre notre place auprès de la grande distribution. »
En plus de leur production d’environ 185 000 places en propre, Nicolas et Sébastien Saliou ont passé des contrats avec des éleveurs. Au cas par cas, ils s’approvisionnent en complément sur le marché spot.
Automatiser pour les conditions de travail
L’automatisation de la ligne de conditionnement répond à une double problématique : doubler le nombre d’œufs passés à l’heure et garder le même nombre de salariés.
« Même si nous avons une politique de rémunération plus élevée, on pressent des difficultés de recrutement, partagent Nicolas et Sébastien Saliou. La robotisation (via 4 robots Fanuc intégrés par Ovoconcept) permet en partie de trouver une solution en limitant les tâches pénibles. Par exemple, les charges maximales à porter seront réduites de 25 à 10 kg ».
À la réception, chaque lot d’œufs est étiqueté avec le numéro de l’élevage, le jour de ponte, la quantité d’œufs. Une puce RFID est apposée sur la première palette. « Cette traçabilité nous permet d’enchaîner les lots sans temps mort », apprécient les deux entrepreneurs. Les 12 lignes du modèle Moba Omnia FT 170 (60 000 œufs traités par heure) apporteront plus de flexibilité et d’adaptation pour conditionner entre 30 et 40 références différentes.
Le dépalettiseur assure le transfert des œufs sur la calibreuse. La première étape sera l’élimination des œufs coulants, sales, ou présentant des microfêlures. Puis les œufs sont répartis sur les lignes selon leur calibre et leur conditionnement. En parallèle, les alvéoles sont transférées en salle de lavage. « Mettre et sortir les alvéoles de l’installation de lavage demande encore de la manutention, mais cette tâche pourra être automatisée plus tard », envisagent Nicolas et Sébastien Saliou. En fin de chaîne, la palettisation est aussi assurée par un robot.