Vitae, un pas vers une viticulture nouvelle
Mettre au point un itinéraire technique de rupture pour se passer de produits phytosanitaires dans la culture de la vigne. C’est le pari ambitieux de Vitae, un projet de recherche interdisciplinaire lancé pour six ans.
Mettre au point un itinéraire technique de rupture pour se passer de produits phytosanitaires dans la culture de la vigne. C’est le pari ambitieux de Vitae, un projet de recherche interdisciplinaire lancé pour six ans.
Lauréat de l’appel à projet " Cultiver et protéger autrement " lancé par l’Agence nationale de la recherche, le programme Vitae vient d’être doté d’un financement de 3 millions d’euros sur six ans. Ce projet devient ainsi, aux côtés du Plan national dépérissement, l'un des programmes de recherche d’envergure de la filière. Quel est son objectif ? Cultiver la vigne sans pesticides, rien que cela. « L’approche est volontairement jusqu’au-boutiste, admet François Delmotte, chercheur Inrae en charge de la coordination du projet. Ce n’est pas une provocation de notre part, c'est l'esprit de l'appel d'offre. Nous sommes partis du constat qu’il existe avec le système actuel un plancher de verre en ce qui concerne la diminution des traitements, en dessous duquel nous n’arrivons pas à accéder. On le voit dans les réseaux Dephy, où l’on arrive rarement à des IFT inférieurs à 8 ou 10. L’idée est donc de travailler sur un système en rupture complète. » Les scientifiques vont explorer pendant ces six années plusieurs voies. À commencer par le matériel végétal, puisque le projet Vitae devrait permettre de faire un pas en avant en termes de variétés résistantes. Les travaux sur le pyramidage des gènes seront notamment renforcés, afin d’améliorer la durabilité des résistances et d’écarter les risques de contournements.
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Des voies prometteuses jusqu’ici inexplorées seront mises en avant
Un autre volet s’intéressera à la résistance vis-à-vis du black-rot et de la flavescence dorée, pathologie pour laquelle les screening de gènes de tolérance vont se multiplier. Plusieurs équipes travailleront également sur le biocontrôle. Via l’activation des défenses de la vigne, par exemple. « Il existe déjà des choses, mais nous devons aller plus loin, estime François Delmotte. On espère trouver des molécules de stimulation plus génériques, au spectre plus large. Car le black-rot est le grand oublié des travaux antérieurs. » Quelques pistes originales mais prometteuses, issues de travaux récents seront aussi mises en avant. C’est le cas de la lutte contre le mildiou par perturbation de la reproduction sexuée ou encore de la « dé-répression », autre mécanisme jouant sur les défenses naturelles de la vigne, jusqu’ici inexploré. De même, un groupe de chercheurs étudiera le microbiote du sol, pour voir s’il existe des micro-organismes antagonistes vis-à-vis des pathogènes de la vigne, et comment ils pourraient réduire l’inoculum des différentes maladies. « Dans ce cadre, le consortium entre le paysage et la population microbienne sera également étudié », précise le coordinateur du projet. Au final, Vitae s’intéressera à la performance globale de ces systèmes de culture sans pesticides, depuis la production de raisin (performance agronomique) jusqu’au vin (performance œnologique et économique). « Il est peu probable que nous ayons une recette miracle à proposer aux viticulteurs dans six ans, car c’est un énorme challenge, concède François Delmotte. Mais nous allons faire reculer le front de la science. Cela pourra déboucher sur la création de start-up innovantes en matière de protection de la vigne. »
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Vitea va rassembler des chercheurs de tous horizons et tous domaines
Le projet Vitae se veut entièrement pluridisciplinaire. Un volet complet sera dédié aux sciences sociales afin d’identifier les verrous réglementaires et organisationnels, la gestion des risques, les aspects économiques, mais aussi l’acceptation du marché et des consommateurs face à des vins issus de tels itinéraires techniques. « Tout cela représentera un matériel de base pour échanger avec la filière, explique Hervé Hannin, ingénieur à Montpellier SupAgro et cocoordinateur. Nous serons en mesure de proposer différents scénarios pour la sortie des pesticides avec leurs avantages et leurs inconvénients. À la profession de voir si ce sera acceptable pour elle ou non. » Au total, plus de 60 chercheurs vont travailler sur ce programme, issues de 5 universités, grandes écoles et organismes de recherches en France. Si l’on additionne les forces, cela représente l’équivalent de 15 emplois à temps plein entièrement dédiés au projet.