Un brouillard protecteur contre le gel
Le FogDragon et le Viti-Protect K30, deux machines qui produisent du brouillard, se déploient doucement dans les vignobles en proie au gel. Leur efficacité est toutefois conditionnée par la force du vent.
Le FogDragon et le Viti-Protect K30, deux machines qui produisent du brouillard, se déploient doucement dans les vignobles en proie au gel. Leur efficacité est toutefois conditionnée par la force du vent.
Élever la température au sol et former un écran entre les premiers rayons de soleil et les bourgeons entourés de cristaux de glace. Tel est le rôle du brouillard dans le cadre d’une stratégie de lutte contre le gel des vignes. Afin de proposer à ses clients ce dispositif, le choix de la société Terrinov, basée en Loire-Atlantique, s’est porté sur le FogDragon ou Dragon de brouillard, une invention venue tout droit de Hongrie. Terrinov est l’unique distributeur de ces engins en France depuis fin 2019.
Foin, paille et sarments de vigne utilisés comme combustibles
C’est d’abord auprès d’arboriculteurs que Terrinov a réalisé une première démo fin janvier à Beaucouzé, dans le Maine-et-Loire. Reposant sur le principe de l’effet de serre, le FogDragon permet de former un nuage artificiel qui piège l’énergie thermique au ras du sol. « Pour produire la fumée, il faut brûler un combustible organique, comme le foin, la paille ou même des sarments de vigne », explique Marc Simon, directeur général de Terrinov. Un chalumeau ainsi que quelques cubes allume-feu comme ceux utilisés pour le barbecue suffisent à brûler le combustible qui doit préalablement être humidifié pour maximiser la production de fumée. « La fumée passe ensuite par des buses qui la chargent en vapeur d’eau afin de l’alourdir, puis elle est expulsée à l’aide de ventilateurs », poursuit le dirigeant. Le FogDragon, remorqué par un tracteur de 45 ch minimum, envoie la fumée sur une distance de 30 m sans vent. Disposant de deux sorties de chaque côté, la bande couverte peut ainsi représenter jusqu’à 60 m. « S’il y a du vent, la bande protectrice est réduite. Il faut de plus se mettre dans le sens du vent, quitte à revoir son itinéraire », pointe Marc Simon.
Quelques améliorations à prévoir pour adapter le FogDragon à la viticulture
Le Château de Fosse-Sèche est pour l’instant le seul à avoir pu tester l’engin, les démos ayant été suspendues en raison de l’épidémie de Coronavirus. « Nous avons relevé une température de fumée en sortie de buse de 18 °C, mais elle pourrait être plus élevée en utilisant de l’eau chaude », commente Guillaume Pire, le vigneron. Utilisée pendant une heure, la machine a nécessité 240 l d’eau et trois petites bottes de foin. « On peut protéger entre 3 et 6 ha en 4 heures, selon le risque de gel. Car si la température est très basse, il faut prévoir de repasser au point de départ au bout de 15 à 20 minutes », indique Marc Simon. Si Guillaume Pire reconnaît une certaine robustesse à la machine qu’il juge « bien conçue », cette première nuit d’essai en viticulture fait état de trois améliorations à prévoir. « Dans mes vignes de 1,80 m la machine est un peu trop large. Il faudrait réduire les essieux pour gagner un peu en largeur », explique-t-il. La maniabilité, notamment pour tourner en bout de rang, est également un point à améliorer. « Il faudrait aussi que la fumée soit recrachée plus bas, au niveau des baguettes. Car les ventilateurs ont tendance à la faire remonter », relève Guillaume Pire. Actuellement, la fumée est évacuée à 1,50 m du sol.
Le coût de la protection estimée à 10€/ha
Le constructeur hongrois s’est montré prêt à travailler sur ces améliorations, mais la nouvelle version ne verra le jour que pour la prochaine campagne. Guillaume Pire n’a pas vraiment pu tester l’efficacité de la machine cette nuit-là car la température n’est finalement descendue qu’à 0 °C. « Mes clients en arboriculture m’ont indiqué n’avoir eu aucun dégât à - 3 °C », rapporte Marc Simon. Guillaume Pire se montre toutefois très enthousiasme au sujet du FogDragon. « La machine coûte 20 000 € et ensuite il n’y a que le combustible à acheter, et le foin ne coûte pas grand-chose », confie-t-il. Il estime le coût de la protection à environ 10 €/ha, hors main-d’œuvre. « C’est pour moi le meilleur prix du marché. Et avec le gel désormais récurrent, c’est rentabilisé en un an. »
En bio, le coût de la protection via le Viti-Protect K30 est presque doublé
Du côté du Viti-Protect K30, le recul est déjà plus important. D’après les distributeurs, les sociétés Pulsfog, en Haute-Garonne, et BVDIS, en Loire-Atlantique, une trentaine d’exemplaires ont été vendus depuis le début de la commercialisation en 2018. « Le Viti-Protect K30 est un thermonébulisateur qui se fixe sur le tracteur sans être relié au cardan puisqu’il dispose d’un moteur autonome », indique Brice Lanneau, dirigeant de Pulsfog. À La flamme générée à partir d’essence est incorporée une solution composée d’eau, de glycérine et d’oligoéléments pour alourdir le brouillard artificiel ainsi créé. Côté coût, cette solution est vendue 8,50 €/l, et près de deux fois plus cher en bio, à 14 €/l. « C’est la glycérine bio qui fait grimper les prix », affirme le dirigeant. Ainsi, le coût du traitement en considérant l’essence et la solution serait de 200 €/h, sachant que l’on peut protéger autour de 5 ha/h. À noter que la solution de glycérine et d’oligoéléments peut facilement se conserver d’une année sur l’autre. Quant à l’efficacité, des utilisateurs situés en Touraine affirment avoir pu résister à des températures allant jusqu’à - 5,5 °C.
Haies et bosquets favorisent la stagnation du nuage dans les parcelles
« L’ennemi du brouillard, c’est le vent », prévient Brice Lanneau. D’après les retours terrain, au-delà de 6 km/h, la protection est nettement moins efficace. « Le brouillard, comme le froid, a tendance à descendre dans les fonds de vallon et à se dissiper plus rapidement en plaine », explique-t-il. Des barrières naturelles comme les haies et les bosquets favorisent grandement la stagnation du nuage. Stéphane Duret, vigneron au Château du Bois-Huaut, en Loire-Atlantique, utilise le Viti-Protect K30 sur un îlot de 8 ha situé dans une cuvette. « Le brouillard créé est si dense que je ne peux pas protéger les surfaces à proximité d’une route, c’est trop dangereux », témoigne-t-il. Le vigneron recommande par ailleurs de connaître son parcellaire sur le bout des doigts, en raison de l’absence de visibilité. « On fonctionne à deux, un dans le tracteur et l’autre à vélo un peu plus loin pour le guider », explique-t-il. En cas d’utilisation du Viti-Protect K30 à proximité d’une route, il est donc nécessaire d’assurer la protection des utilisateurs en prévenant via des panneaux du risque de brouillard, voire en fermant temporairement la route. La même réglementation que celle concernant les brûlages s’applique.
Malgré un temps d’adaptation pour prendre l’outil en main et se faire à cette navigation à l’aveugle, Stéphane Duret se dit pleinement satisfait de sa machine. « On est sorti déjà trois fois cette année, et on a aucun dégât. Entre l’année dernière et cette année, la machine, qui m’a coûté 21 000 €, est remboursée », se réjouit-il.