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Trois stratégies pour une vigne fertile

Assurer une bonne nutrition de la vigne n’est pas chose aisée. C’est pourtant essentiel pour atteindre les derniers hectos qui « font la marge ». Voici les réponses aux questions fondamentales, et un focus sur trois stratégies permettant d’obtenir une vigne fertile.

Quelle différence y a-t-il entre les engrais organiques et minéraux ?

Les engrais minéraux sont élaborés par synthèse pour l’azote (à partir d’air et de gaz naturel), et par exploitation de gisements pour les autres éléments. Les engrais organiques sont quant à eux obtenus à partir de déchets animaux ou végétaux. Ils ont tous les deux la même vocation, à savoir apporter l’azote, le potassium, le magnésium et le calcium dont la vigne a besoin. Les premiers ont une forme moléculaire assimilable rapidement par la plante, alors que les seconds devront être dégradés par les micro-organismes du sol au préalable. « Utiliser des solutions minérales est donc plus facile, mais il faut qu’elles soient apportées au plus près des besoins », explique Jean-Yves Cahurel, coordinateur fertilisation à l’IFV Beaujolais. D’un autre côté, ces produits sont bien plus énergivores, non renouvelables et facilement lessivables. Ils ont donc un impact négatif sur l’environnement. Les solutions organiques sont beaucoup plus sensibles aux conditions pédo-climatiques, mais présentent l’avantage de valoriser la vie et l’activité du sol, gage de fertilité à long terme. « Gérer avec des engrais minéraux seuls, c’est comme mettre la vigne sous perfusion », estime Guillaume Morvan, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Yonne. D’un point de vue tarifaire, le prix d’un engrais minéral dépend du cours du gaz, mais il est généralement moindre que celui des organiques. Ces derniers peuvent être deux à trois fois plus onéreux. Par ailleurs, William Trambouze, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Hérault, préconise d’acheter chaque élément séparément dans le cas des engrais minéraux, afin de réduit de coût d’achat.

Comment distinguer un engrais et un amendement ?

Un engrais est une matière fertilisante qui sert à apporter rapidement les éléments dont la plante a besoin pour sa nutrition. Un amendement sert quant à lui à améliorer les propriétés physico-chimiques et/ou biologiques du sol, en fonction de sa nature minérale ou organique. Les quantités d’apport d’un engrais sont de l’ordre de la tonne par hectare, alors que celles d’un amendement sont de l’ordre de la dizaine de tonnes. L’amendement organique libère également des éléments nutritifs, mais qui ne seront relargués et assimilables qu’à long terme (entre un an et plusieurs dizaines d’années). Aujourd’hui, la frontière entre engrais et amendement a tendance à devenir de plus en plus floue, notamment avec l’apparition des solutions de composts en bouchon dont une partie des éléments est rapidement libérée. Ils jouent donc sur les deux tableaux.

Peut-on combiner plusieurs types de fertilisation ?

Les fertilisations organique et minérale ne sont pas antinomiques, il est tout à fait possible de composer avec les deux. C’est même ce que préconise Thibaut Déplanche, ingénieur au laboratoire Celesta-Lab. « Dans l’idéal, il est judicieux d’utiliser la fertilisation organique pour apporter la nutrition de base à la vigne. Ensuite, les engrais minéraux peuvent être utilisés pour la gestion des compléments, notamment dans les périodes cruciales comme le début du cycle végétatif », analyse-t-il. Et dans le cas où ces deux actions n’auraient pas été suffisantes, on peut commencer à se tourner vers les solutions d’engrais foliaire pour les derniers ajustements. Toutefois, la profession manque encore de recul sur cette dernière option qui demande de la technicité.

Comment piloter sa fertilisation ?

Pour William Trambouze, la vigne n’a pas de besoin minimum à satisfaire. C’est sur l’objectif de production que se base l’essentiel de la réflexion, car plus le rendement attendu sera important, plus il sera difficile pour la vigne d’avoir ce dont elle a besoin dans les moments clés. « Certains viticulteurs pensent qu’il faut autant d’unités d’azote que d’hectolitres par hectares attendus, remarque le conseiller. Nous recommandons de ne pas dépasser les 50 unités. » Pour Johan Kouzmina, conseiller à la chambre d’agriculture de la Marne, piloter sa fertilisation « c’est aussi beaucoup d’observation ». En effet, la vigueur de la vigne et l’évolution du rendement sont les indicateurs les plus pertinents pour connaître l’état azoté d’une parcelle et s’adapter d’une année à l’autre. De même, les signes foliaires de carence sont de précieuses informations sur la justesse de la fertilisation. « Il est également bien de faire une analyse de pétioles tous les cinq ans, pour vérifier le bon rapport de potassium sur magnésium », ajoute Jean-Yves Cahurel. Pour le phosphore, les apports en fumure d’entretien ne sont pas nécessaires.

Des analyses préalables sont-elles nécessaires ?

Raisonner sa fertilisation ne demande pas d’analyse particulière, mais nécessite de connaître son sol. « Les analyses physiques datant de la plantation suffisent, ensuite on conseille des analyses chimiques en routine tous les huit ans », informe Jean-Yves Cahurel. L’analyse chimique permet de déceler une éventuelle tendance baissière sur un élément et de corriger ou adapter ses pratiques. Il est également intéressant de réaliser des analyses organo-biologiques afin de connaître le niveau d’activité du sol. « Une telle analyse, une fois dans la vie d’une parcelle est déjà un bon début, estime Thibaut Déplanche, ingénieur au laboratoire Celesta-Lab. Le renouvellement au bout de quatre ou cinq ans est toutefois indiqué s’il y a un problème. »

Quelle est l’influence de la restitution des bois de taille ?

Le retour des sarments au sol a un effet très intéressant sur la matière organique, mais son rôle sur la teneur en éléments nutritifs est plus modéré. « Pour l’azote, cela représente l’équivalent de sept unités environ, dans les meilleurs cas », indique à titre d’exemple Jean-Yves Cahurel. De plus, c’est une forme stable, qui ne garantit pas une disponibilité au moment opportun, même en broyant les bois de taille. Cette pratique est donc conseillée (sauf en cas d’inoculum fongique important), mais ne suffit pas à elle seule à une bonne fertilité des sols de vigne.

Quelle stratégie adopter en cas d’enherbement ?

Généralement, les conseillers préconisent d’augmenter légèrement les doses d’azote dans les parcelles enherbées. « Mais dans nos essais, cela ne permet pas d’aider la vigne », rapporte William Trambouze. Pour lui, il n’est pas possible de compenser la baisse de vigueur induite par l’herbe. Les études ont par ailleurs montré que la vigne ne récupère quasiment pas d’azote sur la partie enherbée des rangées. « Il peut donc être intéressant de localiser l’apport sous le pied, pour éviter que la fertilisation ne profite qu’à l’herbe », estime Jean-Yves Cahurel. William Trambouze avertit toutefois du risque de favoriser la pousse des adventices dans cette zone déjà difficile à désherber. Pour les éléments autres que l’azote, l’enherbement exerce une concurrence plus négligeable.

Existe-t-il des outils d’aide à la décision (OAD) ?

L’IFV travaille depuis plusieurs années sur l’outil N-pérennes, adaptation à la vigne du logiciel Azofert, déjà utilisé par les céréaliers pour piloter leur fertilisation azotée. « Cet OAD fonctionne sur le principe de l’équation du bilan des pertes et des restitutions », explique Jean-Yves Cahurel. L’opérateur entre au préalable des informations sur le sol, les pratiques culturales et le climat, puis le logiciel calcule la minéralisation, le lessivage et la consommation de la plante pour donner une préconisation de la dose à apporter. Un prototype est déjà opérationnel et va encore être amélioré. Il devrait être accessible dans les années à venir. Le Vinnopôle (IFV Sud-Ouest) propose également sur son site un outil en ligne pour calculer la matière organique, qui peut être intéressant dans la réflexion sur la fertilisation. De son côté, l’entreprise Ovinalp a développé un OAD basé sur le coefficient d’humification, afin de déterminer le fertilisant le plus adapté aux besoins agronomiques de la parcelle.

Les solutions organiques sont beaucoup plus sensibles aux conditions pédo-climatiques, mais présentent l’avantage de valoriser la vie du sol

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