Soufre poudre ou mouillable : les critères de choix en vigne
Bien que le soufre mouillable ait de nombreux avantages en termes d’emploi, la forme en poudre n’est pas à négliger. Elle permet une meilleure pénétration dans la souche et un effet de rattrapage face à l’oïdium.
Êtes-vous plutôt amateur de soufre mouillable ou bien un inconditionnel de la poudre ? « Historiquement le soufre était uniquement utilisé en poudrage », contextualise Nicolas Constant, référent culture biologique à l’IFV. Cette forme n’étant pas miscible à l’eau, les soufres mouillables ont pris le dessus au fil des ans et représentent aujourd’hui l’essentiel des applications (2,5 millions d’hectares en 2022, contre 120 000 à 160 000 pour les poudres selon les années). Et pour cause. « Les soufres mouillables sont plus faciles à appliquer que les poudres, et adhérent fortement au végétal », poursuit l’ingénieur. « Sans compter qu’ils peuvent être associés à la plupart des fongicides antimildiou et sont plus faciles à doser », ajoute Jean-Baptiste Drouillard, expert technique cultures spécialisées chez Syngenta.
Persistance et facilité d’utilisation pour les formulations liquides
Les soufres mouillables sont largement représentés par les formes micronisées, formulées en granulés dispersibles (type WG, comme le Microthiol Special Disperss…) ou en microbilles (par exemple Thiovit Jet Microbilles). Ces formulations facilitent leur dissolution dans l’eau et assurent une bonne dispersion de la bouillie sur le feuillage. Mais les formulations liquides, faciles à doser et à mettre en œuvre, se développent. La solution Héliosoufre par exemple, référence liquide sur le marché des soufres selon la société Action Pin, « bénéficie d’une adjuvantation avec des terpènes de pin qui assure une régularité d’efficacité et une grande résistance au lessivage ». La société UPL, acteur majeur du soufre, développe également des solutions liquides : Thiopron Rainfree et Cicrothiol Rainfree. « La formulation Rainfree bénéficie d’un coformulant d’origine naturelle obtenu par fermentation de la bactérie Xanthomonas campestris, qui assure une meilleure répartition et adhésivité sur la feuille, avec une résistance au lessivage jusqu’à 30 millimètres de pluie », explique Nadège Bidou chez UPL.
La contrepartie de la bonne adhésion de ces formulations liquides est qu’elles accrochent également plus les bidons, une adhésivité qui nécessite un rinçage des contenants plus soigné.
Faut-il laisser la forme poudre de côté pour autant ? Non, selon Nicolas Constant. « Un des gros avantages du soufre poudre est son effet choc, avec une sublimation plus rapide que celle des soufres mouillables et une meilleure pénétration du soufre dans la souche de vigne », assure-t-il. C’est pourquoi, sur les parcelles et cépages particulièrement sensibles, en situation de forte pression oïdium, le poudrage peut être appliqué en renforcement de la protection par le soufre mouillable.
Le poudrage permet une application plus rapide
Ainsi, souligne Nicolas Constant, « le poudrage est souvent réservé à la période sensible floraison-fermeture de la grappe. Précédemment, il était également appliqué très tôt en saison, peu après le débourrement avec le « poudrage à la boîte » sur les cépages à drapeaux comme le carignan dans le Sud-Est, mais cette technique est désormais peu pratiquée par les vignerons ».
Au-delà de l’effet choc, les viticulteurs apprécient également la rapidité d’application du poudrage avec un passage environ tous les 4 rangs contre 2 rangs pour la pulvérisation liquide. En revanche, remarque l’expert IFV, « l’application de soufre poudre ne tolère pas du tout de vent pendant l’application et surtout il ne peut pas être associé à des formes liquides que ce soit du cuivre ou des fongicides conventionnels, ce qui est très contraignant en période de protection mildiou et oïdium ».
« Dans les Pyrénées-Orientales, le poudrage est une pratique qui trouve un regain d’intérêt chez les vignerons car ils passent deux fois plus vite. Et ils apprécient également l’effet rattrapage du soufre poudre, observe Éric Noémie, de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales, Ils utilisent plutôt du soufre trituré car moins cher et plus facile à doser et à moindre risque au niveau brûlure dans le cas de fortes chaleurs. »
Demain, des soufres d’origine biologique ?
Outre la forme poudre ou mouillable, l’origine du soufre pourrait aussi devenir un critère de choix à l’avenir. En effet, la matière première est à l’heure actuelle issue de l’industrie pétrochimique, puisque le soufre est un sous-produit du raffinage. Quelques sociétés commercialisent ou préparent d’ores et déjà des soufres d’origine naturelle. C’est le cas de Koppert qui a présenté au dernier Sitevi CeraSulfur, un soufre d’origine biologique qui provient de la transformation par des bactéries du sulfure d’hydrogène issu de digestats de fermentation de produits agricoles sur les sites de méthanisation. Selon Koppert, « la taille des particules de CeraSulfur entre 4 et 6 microns est idéale pour assurer une sublimation accrue et éviter les phytotoxicités ».
En situation de forte pression oïdium, le poudrage peut être appliqué en renforcement de la protection par le soufre mouillable
Quelle taille de particules optimale ?
Selon Jean-Baptiste Drouillard, chez Syngenta, la taille des particules pour les soufres mouillables ne doit pas être trop petite (inférieure à 1 µ), ni trop grosse (supérieure à 10 µ). Les particules trop grosses présentent une moins bonne efficacité car plus lessivables, du fait de leur moindre rétention par la cuticule du végétal et elles sont aussi plus lentes à sublimer. Les particules de très petite taille sont quant à elles trop facilement absorbées par le végétal et peuvent pénétrer à l’intérieur de la feuille entraînant des phytotoxicités. « Au-delà de la grosseur des particules de soufre, ce qui est très important c’est la régularité de leur taille », souligne l’expert.
Le saviez-vous ?
Quelle que soit sa forme, le soufre agit par sublimation. Le principal facteur qui agit sur la sublimation est la luminosité. À une température donnée, les émissions de soufre peuvent être cinq fois supérieures par temps clair par rapport à un temps couvert, constate Nicolas Constant, à l’IFV. Une application de soufre sera plus efficace par temps lumineux et frais que par temps chaud et couvert. Par ailleurs, la sublimation augmente avec la température et elle est optimale à 25 °C.
L’application de soufre peut engendrer des risques de phytotoxicité en situation de fortes chaleurs. Il est recommandé d’éviter de pulvériser des soufres mouillables au-delà de 28-30 °C et des soufres poudre au-delà de 32 °C.