Restaurer un sol viticole dégradé
Le projet européen ReSolVe s’est attelé durant trois ans à la recherche d’un protocole de restauration des sols viticoles dégradés. L’apport de compost semble la technique la plus rapide.
Le projet européen ReSolVe s’est attelé durant trois ans à la recherche d’un protocole de restauration des sols viticoles dégradés. L’apport de compost semble la technique la plus rapide.
Que ce soit à cause de l’érosion, du compactage, ou encore d’un appauvrissement en matière organique, de nombreux sols viticoles sont aujourd’hui dégradés. Dès lors, comment les restaurer ? En apportant du compost, si l’on en croit les premières conclusions du projet européen ReSolVe. Depuis 2015, des chercheurs étudient l’impact de plusieurs pratiques sur l’évolution du fonctionnement de la vigne, ainsi que sur l’activité du sol. Trois itinéraires ont été choisis et testés pendant trois campagnes : l’épandage massif de compost végétal, à 25 t/ha, l’utilisation d’engrais verts dans l’interrang, et le semis d’un couvert végétal vivace, fauché au printemps et laissé sur le sol pour faire un mulch durant l’été. Tout au long de l’essai, les scientifiques ont suivi divers critères pour comparer leur efficacité, tels que des mesures de biodiversité, de vitesse de dégradation organique ou encore de vigueur de la vigne. « Le premier enseignement que nous donne cette étude, dévoile Emma Fulchin, ingénieur à Bordeaux Science Agro et référente du projet en France, c’est qu’une baisse de fertilité ne peut pas être complètement restaurée en trois ans. »
Privilégier la couverture végétale en contexte d’érosion
Les chercheurs ont également pu étayer le constat qu’il existe de gros écarts de rendements entre des zones dégradées et des parcelles ayant un fonctionnement correct. En ce qui concerne l’efficacité des pratiques, il ressort que le compost semble le plus rapide à montrer des effets. “Par rapport aux engrais verts et paillages, c’est celui qui a entraîné le plus de réactivations de la vie du sol, de restauration des stocks de carbone et d’azote, ainsi qu’un léger regain de vigueur et d’azote dans la plante”, relate la chercheuse. Il est d’autant plus adapté lorsque les conditions sont difficiles pour le semis, comme dans les terrains pierreux ou calcaires, ou lorsque la terre n’est plus fertile. Les scientifiques préconisent d’utiliser un compost avec un rapport C/N proche de 10, au printemps ou à l’automne sur un sol non gorgé d’eau, et de l’incorporer dans les interrangs par un labour ou au chisel. En revanche, dans un contexte de parcelles sensibles à l’érosion, le compost perd de l’intérêt. Mieux vaut alors privilégier une couverture végétale. Cette dernière sera choisie en fonction des causes du dysfonctionnement et de l’objectif attendu. L’augmentation de la matière organique et de la biodiversité du sol semble plus forte avec le paillage que l’engrais vert, ce qui donne un léger avantage aux couverts vivaces. Toutefois, les chercheurs ont noté une meilleure activité chlorophyllienne dans le cas des couverts annuels.
Mélanger les espèces optimise la biomasse produite
Du côté des espèces à implanter, les scientifiques ont testé différents mélanges. Pour la réalisation d’un engrais vert, ils conseillent de mixer légumineuses, céréales et crucifères. En effet, les vesces et la féverole ont eu un impact très positif sur la restitution d’azote, mais des résultats moindres sur les propriétés physico-chimiques du sol. Les céréales sont les plus efficaces pour l’amélioration de la structure et l’apport de matière organique stable, mais sont neutres vis-à-vis des autres paramètres étudiés. Quant aux brassicacées (moutarde, radis…), elles sont les seules à avoir montré un résultat très positif sur l’augmentation des pores et du drainage, ainsi que sur les propriétés biocides. “Dans l’itinéraire retenu, nous avons broyé les couverts au printemps, puis nous les avons enfouis avant de reprendre le travail du sol jusqu’aux semis", précise Emma Fulchin.
En ce qui concerne la modalité des paillages de vivaces en couverture interrang, les chercheurs préconisent d’employer des légumineuses. Si les graminées (ray-grass, fétuque, pâturin) se sont montrées efficaces contre l’érosion, elles ont toutefois des impacts négatifs sur l’azote et la concurrence en eau. Ce sont les trèfles rampants qui présentent les caractéristiques les plus intéressantes : très bonne protection contre l’érosion, ainsi qu’un impact faible vis-à-vis de l’eau. Les trèfles classiques produisent davantage de biomasse, mais ont de moins bons effets sur l’érosion et la stabilité du couvert. La luzerne, quant à elle, cumule des impacts très positifs sur la biomasse, de la production d’azote et de la stabilité, mais affecte l’alimentation hydrique de la vigne. Elle est donc à privilégier dans le contexte de vignobles plus humides. “Cet itinéraire avec tonte et mulching montre toutefois ses limites en cas de faible développement des plantes", ajoute l’ingénieur.
Semer manuellement améliore l’implantation des couverts
Les chercheurs ont par ailleurs noté que la mise en place de couverts végétaux dans les zones dégradées est souvent rendue difficile par la très faible fertilité. Ils préconisent donc, sur les parcelles où les fonctionnalités du sol sont fortement affectées, de mélanger ces couverts avec de l’engrais ou du compost, voire de les arroser et de les semer manuellement, afin d’améliorer l’implantation. D’autre part, ils précisent que les traitements proposés vont améliorer le fonctionnement du sol en surface, mais seront en revanche peu efficaces pour contrer une perte de fonctionnalité qui concerne les horizons profonds. Des techniques complémentaires, comme le travail du sol en profondeur et l’ajout de sol enrichi, doivent être testées dans le futur.
Une baisse de fertilité ne peut pas être complètement restaurée en trois ans
AMG, un modèle qui estime les pertes de matière organique
Pour éviter d’en arriver à ce stade de dégradation du sol, l’IFV travaille sur un outil de pilotage de la matière organique, via le projet AMG. L’idée est de calculer les taux dans deux compartiments distincts (stable et dynamique) en analysant les pertes annuelles. Et cela notamment en fonction des pratiques culturales et de la météo. Sur grandes cultures le modèle a déjà fait ses preuves, et permet de se rapprocher de ce qu’il se passe réellement dans le sol sur un laps de temps de cinq à dix ans. “En vigne nous sommes encore en train de l’affiner, nous devrions arriver à finir le paramétrage fin 2019”, informe Jean-Yves Cahurel, en charge du projet. Selon lui, un tel modèle pourrait permettre au viticulteur de savoir quel apport de matière organique effectuer et à quelle périodicité il doit le faire. Malheureusement les moyens financiers et humains à disposition du projet AMG ne garantissent pas un aboutissement optimal. “Nous aurons sûrement un cahier des charges pour créer l’outil, qui sera accessible aux conseillers, mais pour ce qui est d’un OAD utilisable par le viticulteur, à l’instar de Simeos AMG qui est déjà employé par les agriculteurs, il faudra attendre un second temps”, regrette l’ingénieur.