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À quelle amphore se vouer pour la vinification et l'élevage de vin ?

De plus en plus de vignerons se laissent séduire par des essais de vinification ou d’élevage en jarres de terre cuite. Le point sur les choix et les précautions à prendre.

Marginale et parfois moquée il y a encore quelques années, l’utilisation de jarres ou amphores dans les chais est en train de faire son petit bonhomme de chemin. « Il y a un mouvement spectaculaire, se réjouit Nathaël Suils, directeur d’Œnotech Bordeaux, fournisseur d’amphores. Elles intéressent en priorité les domaines en biodynamie mais de plus en plus de domaines classiques font des essais, surtout dans le Bordelais et en Champagne. » Anne Calderoni, œnologue en Gironde, explique cette tendance par le fait que le goût boisé lié à l’élevage en fût devient de moins en moins tendance pour le consommateur, qui recherche davantage la fraîcheur, l’expression cristalline des vins. « Les jarres apportent une micro-oxygénation naturelle des vins comme la barrique mais sans le boisé, analyse-t-elle. On peut obtenir un éclat du fruit incomparable et de la minéralité quand c’est réussi. »

Comme pour les barriques, il y a amphores et amphores. Les différences en termes de matériau, capacité et forme sont importantes. D’abord toutes les terres cuites n’offrent pas la même porosité. On observe des variations selon les argiles de base et les températures de cuisson, ce qui génère plus ou moins de micro-oxygénation mais également plus ou moins de consume. « Avant d’acheter une amphore, il faut se renseigner sur la consume qu’elle engendre, conseille Anne Calderoni. Elle peut avoisiner les 20 % par an, ce qui est énorme et non compatible avec un vin à valeur ajoutée limitée. » Le vin suinte même parfois par la paroi. Mais selon Nathaël Suils, « avec les amphores Tava, la consume ne dépasse pas 5 % et le vin ne pénètre que sur deux millimètres dans la terre cuite. La micro-oxygénation est de l’ordre de 1,5 à 2 microgrammes par litre de vin et par mois, proche de celle d’un vin élevé en barrique et plus régulière. On peut viser des élevages longs de plus de douze mois. » On trouve également des jarres en grès, notamment chez Vin et Terre et Clayver. « La porosité du grès est inférieure à celle de la terre cuite, annonce Patrick Lalanne de Vin et Terre. Il convient particulièrement aux vins blancs ou aux rouges délicats, moins tanniques. »

Une grande diversité de capacité et de forme

Question capacité, il y en a pour tous les goûts, de 150 litres à plus de 10 hectolitres, les plus courantes se situant entre 200 et 800 litres. Les grands volumes sont privilégiés pour les vinifications car plus pratiques. Et en élevage, ils génèrent davantage de mouvements de convection, qui favorisent la remise en suspension des lies. En revanche, les jarres de moins de 300 litres sont plus faciles à manier à une seule personne.

Les formes varient également. Par exemple Vin et Terre propose des jarres classiques, bombées en hauteur avec une base plate légèrement resserrée, des œufs, debout ou couchés, des dolia plus arrondies et resserrées à la base… Plus la base est large, plus on a de contact avec les lies. Selon la forme, les mouvements de convection du vin diffèrent : ils seraient plus intenses dans les amphores que dans les œufs.

Les jarres de vinification sont dotées d’une large ouverture pour faciliter encuvage et décuvage, fermées par un couvercle en terre cuite ou en inox. Les jarres d’élevage peuvent être plus resserrées et obturées par une simple bonde silicone. Elles nécessitent les mêmes conditions de température et d’hygrométrie qu’un élevage en fut pour limiter la consume : humidité, fraîcheur, pas de courants d’air… Leur inconvénient majeur réside dans leur fragilité. Les jarres n’ont pas toutes une vanne à leur base. Pour les vider il faut donc soit les incliner, ce qui est possible pour les petits formats mais difficile pour les plus grandes, soit pomper ou éponger. Autre point important, l’élevage en jarre n’élimine pas les risques de contamination par des brettanomyces ou bactéries, qui peuvent se loger dans les pores.

La terre cuite est souvent citée comme un matériau neutre, mais parfois à tort. Les argiles contiennent du calcaire et du potassium susceptibles de réagir avec l’acide tartrique du vin, ce qui peut diminuer les pH de 0,2 point. Et, selon les terres, d’autres composés, notamment des métaux lourds, pourraient migrer dans le vin. Il est conseillé d’affranchir la terre cuite à l’acide tartrique, surtout la première année, ou de les badigeonner avec du moût ou du vin. Le grès, plus inerte et lisse, ne nécessite pas d’affranchissement.

Reste la question du coût : « il faut compter environ euros euros le litre », résume Nathaël Suils, souvent de l’ordre de 1 000 euros pour une 200 litres en terre cuite ou une 300 litres en grès. Soit un peu plus cher qu’une barrique mais avec une durée de vie plus longue. Si on ne la casse pas, l’amphore continue à respirer…

repères

La terre cuite est obtenue par cuisson d’une argile aux alentours de 1 000 °C, ce qui la rend imperméable aux liquides mais poreuse à l’air. Certaines argiles sont cuites à 1 200 °C pour diminuer leur porosité.

Le grès est obtenu par cuisson d’une argile plus riche en silice (70 %) à 1 300 °C, ce qui la vitrifie et limite les échanges avec l’air.

Sébastien David, Saint-Nicolas-de-Bourgueil

« Davantage de corps et de complexité aromatique »

« Depuis 2013 je multiplie les vinifications et élevages de cabernet franc en différentes amphores. Les capacités varient de 250 litres à 10 hectolitres et j’ai une préférence pour les grands volumes : la jarre marque moins le vin. J’obtiens également de bons résultats avec des formes en œuf inversé, pointe vers le bas, avec moins de surface d’échange avec les lies. J’avais testé les qvevris géorgiens de 100 litres en 2005 mais l’oxygénation était trop forte, je préfère les terres cuites moins poreuses. L’intérêt des différents matériaux varie selon les millésimes. Généralement le grès m’apporte davantage de finesse, de tension sur les vins en élevage court. Alors qu’après un an, la terre cuite est plus intéressante : on a davantage de corps, la complexité aromatique ressort. »

Hubert Rossignol, Volnay

« Pour l’élevage plutôt que la vinification »

« Nous recherchions un récipient le plus neutre possible, pour éviter le grillé du bois neuf tout en conservant une micro-oxygénation comparable. Depuis 2015, nous avons acquis neuf amphores de 800 litres qui nous apportent une pureté aromatique sur le fruit rouge, avec des tanins qui donnent du peps au vin. Pour moi, l’élevage en amphore est beaucoup plus intéressant que la fermentation en amphore. Celle-ci n’apporte pas beaucoup de valeur ajoutée par rapport au seul élevage, alors qu’elle demande beaucoup plus de travail qu’en cuve. J’ai gardé la même durée d’élevage qu’en pièce, un an environ, sur lies avec un seul soutirage avant assemblage. La consume est moins importante. Le seul souci est que les amphores se nettoient moins facilement qu’un fût. »

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