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Quatre axes pour lutter contre le dépérissement

Présenté début avril, le plan national dépérissement du vignoble vise à redonner de la compétitivité à la filière. Résumé des principales ambitions.

Un milliard d’euros. C’est à peu de chose près ce que coûte le dépérissement de la vigne à la filière ; soit un manque de production de 4,6 hl/ha en 2014. Toutes les maladies du bois (esca, BDA), les maladies à virose (enroulement, court-noué) et à phytoplasmes (flavescence dorée) sont incluses dans ce terme. Le cabinet Bipe, chargé d’établir un inventaire en 2015, a identifié 70 facteurs susceptibles de contribuer directement ou indirectement aux dépérissements ! Afin de regagner de la compétitivité, les responsables professionnels, sous l’impulsion du Cniv (comité national des interprofessions de vins AOC et IGP) et en partenariat avec FranceAgriMer, ont pris le taureau par les cornes, et dressé un « plan national dépérissement ». Voici les quatre « ambitions » retenues par la filière.

1 Un réseau d’acteurs pour former et transférer les bonnes pratiques

La première ambition du plan consiste à remettre le vigneron au cœur de la lutte. Pour ce faire, il faut qu’il y ait « une prise de conscience de la problématique et des pratiques ». Oui, les dépérissements coûtent cher. Oui, ils sont en partie liés à nos pratiques. Une fois cette prise de conscience effectuée, chaque vigneron est appelé à devenir un maillon individuel, à l’intérieur d’une chaîne d’action collective. L’objectif serait qu’il soit vigilant sur la qualité du matériel végétal, qu’il prospecte et détecte chaque dépérissement, qu’il les signale et mette en place des mesures de protection. De nombreux vignerons travaillent déjà dans ce sens. Bernard Laurichesse, viticulteur à Verrières, indique par exemple, qu’il couple la prospection obligatoire de la flavescence dorée avec le marquage des pieds atteints d’esca/BDA. Cela lui permet de gagner du temps lors du recépage et d’éliminer toutes les souches mortes, afin de limiter la propagation de l’eutypiose. « Mais ce serait bien d’aller plus loin et de prospecter avec un système informatique géographique (SIG) ou de la viticulture de précision », indique-t-il. De son côté, Emmanuel Cazes, vigneron bio de Rivesaltes, suggère de s’inspirer de l’arboriculture. « En Roussillon, nous avons la sharka sur les arbres fruitiers, décrit-il. Dès que nous détectons un pied malade, nous savons que nous rentrons dans un processus très balisé. Nous lançons l’alerte. En viticulture, nous subissons. » L’un des objectifs de l’axe pourrait donc être de créer une application ou un site dédié au « recensement » des maladies, ainsi que des outils de mutualisation.

Parallèlement à cela, les structures professionnelles devront sensibiliser, informer, et former les vignerons. Et pour ce faire, se structurer en réseau, dès 2017. Car la formation des viticulteurs, des salariés et des saisonniers sera le socle de la lutte contre les dépérissements. C’est d’ailleurs ce qu’a martelé Michel Chapoutier, président d’Inter-Rhône, par vidéo interposée. Tous les acteurs devront être formés à diagnostiquer ces maladies. Et à faire évoluer les pratiques, telles que la taille. « L’aération du cep n’est pas la priorité, a rappelé François Dal, de la Sicavac, lui aussi par écran interposé. C’est le bon parcours du flux de sève qu’il faut privilégier. »

2 Production de plants en partenariat avec la pépinière

La problématique du matériel végétal arrive logiquement au cœur de la seconde ambition. Les tensions sur l’approvisionnement en plants se font lourdement sentir ces derniers temps, avec des disponibilités insuffisantes depuis deux campagnes. « Nous avons perdu 23 % de surfaces de vignes-mères de greffons en dix ans, dresse Jean-Philippe Gervais, directeur technique du BIVB (interprofession bourguignonne). C’est un vrai problème amont-aval ! » Cette situation provient d’une part d’arrachage de matériel végétal ne correspondant plus à la demande de la profession, et d’autre part d’arrachages sanitaires. « Mais 250 à 300 hectares devraient être replantés d’ici à 2020 », rassure David Amblevert, président de la Fédération française de la pépinière viticole (FFPV). Néanmoins, l’un des objectifs prioritaires de cet axe « matériel végétal » sera d’augmenter la surface de vignes-mères, notamment en revoyant les périmètres territoriaux des bassins. Muriel Barthe, directrice technique du CIVB (interprofession bordelaise), évoquait ainsi il y a quelques mois, la possibilité d’établir des vignes-mères dans les Landes. Par ailleurs, Jean-Philippe Gervais a évoqué la mise en place d’un financement collectif pour « une production dont on connaît l’absence de rentabilité économique ».

Parallèlement à cela, la filière souhaite renforcer le partenariat entre la viticulture et la pépinière. L’un des axes serait d’établir une prévision de la demande nationale à deux ans, afin de procurer une meilleure visibilité aux pépiniéristes et d’assurer que le marché français reste prioritaire dans l’accès au matériel végétal. L’autre, de déboucher sur un label national, traçant l’origine du porte-greffe, du greffon et du façonnage.

Enfin, la filière souhaite lever les freins réglementaires actuels pour favoriser l’innovation variétale.

3 Coordination des réseaux d’observation

C’est là l’un des piliers du plan : se doter d’un outil de pilotage, à l’instar du secteur forestier. Cela consiste à bâtir un observatoire de la viticulture, afin d’anticiper et gérer les crises. De nombreuses données sont déjà recueillies de manière éparse (météo, stades phénologiques, statistiques économiques, suivi sanitaire, etc.). Le but serait de collecter de nouveaux indicateurs, de partager toutes les données et de les agréger, afin d’anticiper les besoins du vignoble. « Il faut déployer des outils simples et collaboratifs, a ainsi expliqué Muriel Barthe. Notamment pour la Xylella fastidiosa. On sait qu’elle arrivera de toute façon. Mais il faudrait pouvoir la détecter dès le départ. » Cet observatoire pourrait utiliser les systèmes d’information géographique (SIG) lorsqu’il y en a, et les données, une fois analysées, devraient être consultables par tous. Dans le domaine de la forêt, c’est un GIP (groupement d’intérêt public) qui collecte et agrège ces différentes informations, issues tant du domaine public que du privé. Il les transmet ensuite aux différents acteurs concernés.

4 Un programme de recherche ambitieux

Last but not least, la filière a dressé les grandes lignes d’un programme de recherche, innovation et développement à 5-10 ans. Il contient cinq axes majeurs : la relation entre rendement et longévité, en lien avec les processus physiologiques (réponse de la plante au stress, impact sur la longévité, mécanisme de mise en réserve), l’écosystème racinaire dans les équilibres entre la plante et la composante du sol (relation, impact des pratiques d’entretien du sol), la prévention et la maîtrise des risques biologiques (détection des maladies, interactions vigne/micro-organismes, stratégies de défense de la vigne), la maîtrise de la fabrication du plant de vigne (compatibilité cépage/porte-greffe, optimisation des pratiques en pépinière, complantation) et son implantation au vignoble, et enfin, les leviers socio-économiques. Le but est ainsi d’obtenir une vision intégrée et globale des connaissances. Car il n’y aura pas une, mais des solutions pour lutter contre les dépérissements.

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