PAC : quelles sont les critiques de Bruxelles sur le plan stratégique national (PSN) de la France
Dans un document, ayant fuité dans la presse, la Commission européenne critique vertement le plan stratégique national de la France. Décryptage des points attaqués et réactions des syndicats agricoles et ONG.
Dans un document, ayant fuité dans la presse, la Commission européenne critique vertement le plan stratégique national de la France. Décryptage des points attaqués et réactions des syndicats agricoles et ONG.
[Mis à jour le 28 avril à 16h30 avec le lien vers la réponse de la France]
La Commission européenne rendra publique d’ici une quinzaine de jours ses observations relatives au Plan stratégique national (PSN) relevant de la politique agricole commune (PAC) présenté par la France. Des observations assez critiques selon la version du document qui a fuité dans le journal en ligne Contexte.
Que reproche Bruxelles au PSN français ? Les observations se déclinent dans le document suivant plusieurs objectifs avec des points soulevés à chaque fois.
Les critiques de la Commission européenne
Sur le premier objectif qui vise « au développement d’un secteur agricole intelligent, compétitif, résilient et diversifié garantissant la sécurité alimentaire sur le long terme », la Commission européenne demande à la France de :
- Revoir à la hausse ses ambitions en vue « d’une redistribution équitable et d’un ciblage plus efficace des aides au revenu » pour « une redistribution plus juste » en fonction de la taille des exploitations.
- Davantage soutenir la production biogaz durable, une remarque notifiée à tous les Etats-Membres suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie nécessitant de réduire la dépendance de l’Union européenne au gaz russe.
- D’accroître la formation d’organisations de producteurs dans certains secteurs historiquement peu structurés comme la betterave sucrière par exemple
Aucun résultat à atteindre pour la réduction des émissions du secteur de l'élevage
Sur le deuxième objectif visant à soutenir et renforcer la protection de l’environnement dans le cadre des engagements de l’Union européenne dans l’Accord de Paris, la Commission européenne considère que le PSN français « ne permet d’accompagner que partiellement la transition écologique des secteurs agricole et forestier ». Elle demande à la France de revoir sa copie sur :
- La réduction des gaz à effet de serre : « le plan propose un soutien important au secteur d’élevage mais il ne fixe aucun résultat à atteindre pour la réduction des émissions du secteur de l’élevage », critique Bruxelles.
- Protection de l’eau et des sols : la France est appelée à augmenter son soutien aux objectifs de protection de l’eau et de gestion des fertilisants, à travers notamment la hausse des financements accordés aux mesures agro-environnementales.
- Protection de la biodiversité : le PSN est jugé insuffisant sur ce point, avec consigne donnée à la France de renforcer la conditionnalité des écorégimes et les mesures agroenvironnementales sur ce point. La Commission se dit « très préoccupée par la baisse de cofinancement et la réduction d’application des investissements en zone Natura 2000 ».
- Normes de bonnes pratiques agricoles : la Commission demande notamment à la France de clarifier la certification HVE, les objectifs de rotation des cultures. La Commission se préoccupe notamment que « la rémunération pour service environnemental dans l’écorégime soit le même pour l’agriculture bio et la HVE alors que le cahier des charges de cette certification est beaucoup moins contraignant ».
Aucune mesure significative pour améliorer le bien-être animal
Sur le troisième objectif de « consolidation du tissu socioéconomique des zones rurales », la Commission européenne juge que le PSN français :
- Ne fait pas assez pour renforcer l’installation des femmes ou la transition agroécologique dans le cadre du renouvellement des générations en agriculture.
- N’a pas une approche assez localisée de la Pac
- Ne prend « aucune mesure significative pour améliorer le bien-être animal notamment pour encourager l’élevage des porcs sans caudectomie et des systèmes d’élevage sans confinement pour les poules pondeuses, les veaux et les truies ».
Sur la contribution aux objectifs du pacte vert européen, la Commission européenne « se félicite que la France ait défini ses objectifs en matière de développement de l’agriculture biologique et de réduction de l’utilisation et des risques liés aux pesticides », mais :
- Regrette que la France « n’ait pas établi de valeurs nationales dans d’autres domaines » et lui demande de quantifier sa contribution « aux autres cibles du pacte vert contenues dans la stratégie de la Ferme à la table et dans la stratégie en faveur de la biodiversité ».
- Demande à la France de préciser la contribution effective du PSN à l’ambition de doublement des surfaces bios d’ici à 2027. « Avec seulement 4,8% de la surface agricole bio subventionnée par le plan, l’atteinte de l’objectif de 18% en 2027 paraît difficile », écrit la Commission.
- Encourage la France à renforcer l’ambition et les moyens du PSN pour atteindre les objectifs de baisse de l’utilisation des pesticides et demande des précisions sur les cibles du plan en particulier « sur les pesticides les plus dangereux ».
Avis divergents des syndicats et ONG
Réagissant à la fuite de de document, syndicats et ONG affichent depuis plusieurs jours des positions divergents.
Interrogé par Agra Presse, le premier vice-président de la FNSEA Arnaud Rousseau distingue les « remarques réglementaires, qu'il faut regarder avec la plus grande attention » – notamment en matière de rotation des cultures –, et d'autres d'ordre « politique » à écarter si elles ne correspondent pas à la « volonté du gouvernement »: « rouvrir des discussions politiques est nul et non avenu », estime le céréalier, selon Agra Presse.
La Confédération paysanne estime à l’inverse dans un communiqué que « la France doit revoir la copie de son PSN ». Le syndicat minoritaire agricole profite des critiques de la Commission européenne pour demander : d’augmenter l’aide au paiement redistributif à 100 euros par hectare sur les 52 premiers hectares, de retirer la HVE des écorégimes et d’augmenter le soutien à l’agriculture biologique.
#PAC : la lettre d’observation de la Commission européenne sur le plan stratégique 🇫🇷 est sans appel : le Ministère @Agri_Gouv doit revoir sa copie !
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) April 4, 2022
✍ https://t.co/dwpj0aTEaO@J_Denormandie @JeanCASTEX @EmmanuelMacron
Dans la même veine, le collectif pour une autre Pac qui rassemble 45 organisations dont la Fnab, Terres de Liens, CIWF, FNE ou encore la Fondation pour la Nature et l’Homme, demande « une révision du PSN avant son approbation finale par la Commission ». « La France ne devra pas se contenter de détailler un peu plus ses intentions, mais devra véritablement revoir en profondeur sa copie », écrit le collectif dans un communiqué. Le collectif s’étonne par ailleurs que Bruxelles ait donné un délai de trois semaines entre l’envoi des lettres et leur publication officielle pour mettre aux Etats membres « qui le souhaitent d’y réagir d’ici là », notamment pour adapter leur projet de PSN au nouveau contexte agricole, alimentaire et énergétique causé par la guerre en Ukraine.
La Commission 🇪🇺 a rendu ses observations #PSN 👇
— Pour une autre PAC (@pouruneautrepac) April 5, 2022
C’est un carton 🟡 pour la France ‼️
1️⃣ La 🇫🇷 est fortement incitée à ↗️ son ambition, surtout sur l'environnement.
2️⃣ L’analyse et les demandes sont les mêmes que les nôtres depuis le début des négos.
CP : https://t.co/Rzcg95tmFz
L’ONG Welfarm appelle pour sa part la France à revoir sa copie sur le bien-être animal et à revoir son système d’écorégime reposant sur des critères de bien-être animal, l’exécutif européen ayant d’ailleurs listé un certain nombre de pratiques susceptibles d’en bénéficier. Welfarm propose ainsi par exemple que les aides de la Pac ne soutiennent pas l’adoption ou le développement de systèmes, pratiques et équipements à même de nuire au bien-être des animaux d’élevage, de conditionner les aides directes perçues par les agriculteurs au respect de l’ensemble des normes européennes de protection des animaux d’élevage ou encore de créé des MAEC ciblant les pratiques favorables au bien-être animal.