Quatre alternatives à l’achat de matériel viticole neuf
L’achat de matériels viticoles est de plus en plus compliqué. Prix au firmament, délais de livraison à rallonge… Voici des solutions alternatives.
L’achat de matériels viticoles est de plus en plus compliqué. Prix au firmament, délais de livraison à rallonge… Voici des solutions alternatives.
1 Achats d’occasion, dépêchez-vous
Résultat logique de l’accroissement des délais de livraison qui sont passés de six mois à un an, et des hausses continues de tarifs pour les matériels neufs, le marché de l’occasion est en plein boom. Mais attention, si l’occasion reste moins onéreuse que le neuf, les cours ont tout de même progressé de 10 à 15 %, car ils sont indexés sur ceux du neuf.
S’il y a encore des disponibilités au niveau de l’occasion en concession, le marché commence à se tendre. Et ce, sur tous les types de matériels, que ce soient des tracteurs, des machines à vendanger, des pulvérisateurs, ou des outils « d’accompagnement ». Car d’autres phénomènes se conjuguent aux deux premiers. « Pour les tracteurs, nous sommes entre deux stages de motorisation, analyse Rémi Berguin, commercial occasion chez Chambon, concessionnaire à Libourne, en Gironde. Nous sommes en fin de disponibilité sur les Tier 4 et n’aurons les Tier 5 que dans un an au mieux. Du coup, pas mal de clients se rabattent sur des occasions récentes en attendant. » Et ça coince encore plus du côté des enjambeurs. « La plupart sont à peine rentrés, qu'ils sont déjà ressortis, avant même d'atteindre le parc », détaille Grégory Lamblot, responsable des ventes chez le concessionnaire champenois Ravillon.
Autre facteur, les difficultés financières de certains bassins, comme le Bordelais. « Le vin ne se vend pas bien, poursuit Rémi Berguin. Les investisseurs donnent une enveloppe pour le renouvellement du matériel. Si le neuf ne rentre pas dedans, le chef de culture partira sur de l’occasion. » Au final, le commercial occasion anticipe des complications d’ici six mois, lorsque les occasions seront parties et le neuf toujours pas arrivé. Si vous avez besoin d’investir, ne reculez donc pas votre achat trop longtemps.
2 Pour des usages ponctuels, pensez à la location
La location à un autre vigneron peut également être une solution attractive. C’est le principe de la plateforme votremachine.com. « Nous sommes un peu le Airbnb du matériel, illustre Camille Grandin, responsable clients et manager du site. Si un vigneron a une panne et a besoin d’un tracteur pendant deux jours, il peut le trouver et le louer chez un autre vigneron par notre site. » Tracteurs, enfonces-pieux, rogneuses, sécateurs électriques ou encore machines à vendanger sont au catalogue. Il est même possible de proposer une prestation de sa machine avec chauffeur. « Pour l’agriculteur qui possède le matériel, cette location lui permet de réduire ses coûts de mécanisation, résume Camille Grandin. De l’autre côté, cela permet au loueur d’avoir accès ponctuellement à un outil dont il n’a qu’un court usage dans l’année. »
La plateforme sécurise l’opération : le loueur paie d’avance. Les frais de location incluent une garantie d’Axa en cas de problème. Par ailleurs, la plateforme fournit tous les documents nécessaires : contrat de location, état des lieux, facture.
Environ 500 vignerons ont déjà sauté le pas. C’est le cas de Thierry Darrimajou, du domaine du Berdet, à Bourdalat, dans les Landes. Il est également président d'une Cuma, qui loue plusieurs de ses matériels via votremachine.com depuis sept ou huit ans. Notamment de nombreux outils de travail du sol : lames Clemens, disques émotteurs avec dents Kress, rotavator, griffes, sous-soleuses, ainsi que des matériels servant peu du type enfonce-pieux, affûteuse à piquet, épandeur à engrais, herse rotative avec semoir.
Au total, les outils sont loués environ 100 heures par an. De quoi permettre une baisse de l’ordre de 5 % du coût des matériels pour les adhérents, ou de les équiper de pièces de carbure sans surcoût. « C’est une entreprise très sérieuse, témoigne Thierry Darrimajou. Nous n’avons jamais eu de problème de casse ou autre. » De son côté, Thierry Darrimajou loue des matériels dont la Cuma n’est pas équipée, comme des bennes à vendange doubles élévatrices, des épandeurs peseurs, des enfouisseurs localisés ou encore des rolofacas. Seul bémol : il faut s’y prendre tôt car les vignerons des alentours emploient tous le même matériel plus ou moins à la même période. « Le prix est correct, estime le vigneron. Et puis cela permet de tester les matériels pour voir si un investissement serait judicieux. »
3 Cuma ou copropriété, pour certains matériels
Disposer de matériels en Cuma ou en copropriété est l’une des voies les plus connues pour limiter les coûts. La première solution a l’avantage d’être plus cadrée que la seconde. « En Cuma, il y a un cadre juridique fixé, rappelle Gabriel Ducos, animateur coordinateur Cuma en Gironde. Ainsi, lorsqu’il y a des factures d’entretien, on sait qui paye quoi. De même, si un adhérent refuse de payer, la Cuma peut se retourner contre lui. » Mais quelle que soit la solution – Cuma ou copropriété –, elle est intéressante pour de nombreux outils.
Dans son guide des prix de revient du matériel 2017, la fédération des Cuma d’Occitanie évalue qu’un enfonce-pieux est optimisé pour 200 hectares engagés, une tireuse de bois pour 150 hectares à 5 000 pieds par hectare, une machine à vendanger automotrice pour 140 hectares ou encore une machine de taille rase de précision (TRP) pour 100 hectares. Si vous ne disposez pas de cette surface, une mise en commun sera plus intéressante financièrement. Car il ne faut pas oublier qu’en Cuma, on ne paye qu’au prorata de l’utilisation de l’outil. Autre point non négligeable, passer par une Cuma peut permettre d’obtenir des tarifs plus avantageux lors de l’achat des appareils, notamment grâce à la centrale d’achat Camacuma.
Ainsi, dans son guide du prix de revient 2021, qui se base sur les prix moyens constatés, la Fédération régionale des Cuma de Nouvelle-Aquitaine évalue autour de 25 euros par hectare le prix de revient d’une rogneuse en Cuma, d’une prétailleuse ou encore d’une effeuilleuse. Pour un petit semoir viticole, on tombe même à 12 euros par hectare. Pour un tracteur, il faut compter 20 à 25 euros par heure, et une machine à vendanger entre 200 et 250 euros par heure. « Ce qui est toujours en dessous des tarifs pratiqués par les entreprises de travaux agricoles », souligne Gabriel Ducos.
Les Cuma ont d’ailleurs le vent en poupe pour les achats de tours contre le gel, comme en témoignent les trois créations de Cuma en Gironde cette année sur cette thématique. Car comme nous l’expliquait il y a quelques mois Romain Guillaument, fondateur du bureau d’études Celsius, « pour protéger des vignes à un endroit, on est souvent obligé de mettre un équipement chez le voisin. La solution est donc d’investir en commun. »
Seule limite au système de communauté, pour certains engins (interceps, pulvérisateurs, etc.) c’est beaucoup plus ardu, tous les vignerons ayant besoin de l’outil en même temps.
4 L’autoconstruction, pour regagner de l’autonomie
Pour peu que l’on soit un peu bricoleur, l’autoconstruction est la première alternative à l’achat de matériel neuf qui vient à l’esprit. Et ce d’autant plus qu’avec l’Open Source, de plus en plus de plans d’outils sont disponibles gratuitement en ligne. Et que l’avènement des imprimantes 3D facilite la création de nombre de pièces. Mais est-ce une vraie solution ?
Pour Nicolas Mirouze, vigneron dans les Corbières et sociétaire à l’Atelier paysan, la vraie motivation doit être l’autonomisation et non la baisse des coûts. « Il faut prendre conscience des dépendances que l’on a, argue-t-il. Le matériel fait partie des dépendances, à l’achat, lors des réparations. Il faut s’en dégager. » Mais il faut pour cela motivation et volonté, afin de s’approprier le savoir-faire indispensable à toute création. Sans compter que certains matériels, à l’image des tracteurs ou des machines à vendanger, sont impossibles à autoconstruire.
Pour sa part, le vigneron est entré dans la démarche il y a cinq ans. Et s’en félicite. Il a débuté par une formation d’une semaine pour construire son semoir, puis une autre semaine pour ses étoiles de binage. Cela l’a ensuite amené à transformer des outils sur son domaine de 25 hectares. « Une fois qu’on est entré dans cette approche low tech, on dimensionne les outils parfaitement par rapport à son domaine, on arrête de surconsommer. » Pour illustrer ses propos, le vigneron cite son tracteur. Il vient de troquer un 90 ch pour un 65 ch, qui consomme donc beaucoup moins de GNR… L’autoconstruction permet donc bel et bien de réaliser des économies, même si on ne doit pas y venir pour cette seule et unique raison. N’hésitez pas à découvrir de nombreux bricolages de vignerons ici.
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