Les solutions pour prévenir les dégâts de gibier en viticulture
La prévention des dégâts de gibier dans les vignes repose avant tout sur la chasse, qui permet de réguler les populations de sangliers et cervidés notamment. Mais les viticulteurs peuvent également clôturer leurs parcelles, avoir recours à des répulsifs ou encore installer des balises.
La prévention des dégâts de gibier dans les vignes repose avant tout sur la chasse, qui permet de réguler les populations de sangliers et cervidés notamment. Mais les viticulteurs peuvent également clôturer leurs parcelles, avoir recours à des répulsifs ou encore installer des balises.
« Les dégâts de gibier dans les vignes sont avant tout des dégâts liés aux attaques de sangliers, en particulier dans les départements de l'arc méditerranéen, observe François Omnes, responsable de la commission des dégâts de gibier à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Ce sont ainsi en moyenne 1 500 tonnes de raisins qui sont détruites chaque année par les sangliers, à comparer aux 300 tonnes détruites par les cervidés. » « Dans le Sud-Est, la problématique sanglier devient inquiétante, confirme Fabienne Lesne, de la Fédération des Chasseurs du Var. En 2014, plus de 14 000 sangliers ont été tués dans le Var lors des battues et on peut penser que cela représente seulement un tiers de la population de sangliers ! » Selon Benoît Guibert, de la Fédération nationale des chasseurs, « ce développement serait dû à la particularité des milieux « fermés » de ces départements où il est souvent difficile de clôturer les parcelles ; situation à laquelle il faut ajouter une population de chasseurs vieillissante ».
La chasse, qui permet la régulation des populations, est au coeur du dispositif de prévention des dégâts de gibier. « Il est primordial d'engager le dialogue avec les chasseurs car ce sont eux qui peuvent intervenir à la demande des viticulteurs et ce sont les fédérations qui indemnisent en cas de dégâts » explique Guy Marjollet, de la chambre d'agriculture du Gard, département qui a vu la population des sangliers exploser en 20 ans (de 10 000 sangliers en 1997 à 30 000 en 2014). Le plus souvent la chasse au sanglier est ouverte au courant du mois d'août, mais sur décision administrative la pression de chasse peut être accentuée avec la mise en place de battues administratives ou encore de tirs d'été (dès le mois de juin). « Toute la difficulté de la chasse, qui reste le meilleur moyen de prévenir les dégâts de gibier, est qu'elle repose sur la bonne volonté des chasseurs dont les effectifs baissent d'une part et pour qui cette activité est un loisir d'autre part », commente Fabienne Lesne.
Clôturer les parcelles limite l'impact des sangliers
En complément des plans de chasse mis en oeuvre par les fédérations, la pose de clôtures électriques autour des parcelles viticoles apparaît comme un bon moyen de limiter l'impact des sangliers sur les cultures. La plupart des fédérations départementales aident les viticulteurs à s'équiper en mettant à disposition le matériel nécessaire (fils, piquets, électrificateurs) ou en subventionnant une partie de ce matériel. Ce type de dispositif est efficace contre les sangliers mais pas contre les cervidés et dans la mesure où ces clôtures sont temporaires, il nécessite à la fois de la surveillance et de la main-d'oeuvre (voir témoignage).
Plusieurs répulsifs sont disponibles sur le marché pour repousser le gibier, avec une efficacité certaine contre les chevreuils notamment, dont les dégâts d'abroutissement sont à redouter au printemps dans des départements comme la Charente ou la Charente-Maritime.
Ainsi, Trico est un répulsif homologué en France depuis 2012. Produit naturel à base de graisse de mouton, il s'utilise en pulvérisation sur les jeunes pousses au printemps dilué à raison de 1 litre de Trico pour 3 litres d'eau (45 jours de persistance), « le but est de pulvériser les tours de parcelle sur deux rangs en insistant bien sur les bouts de rangs ou entrées. On arrive ainsi à une dose moyenne de 3 à 5 litres par hectare soit un coût de 60 à 100 euros par hectare et une efficacité supérieure à 90 % », explique Philippe Gaudin de la société Solutions et Plants, qui commercialise ce produit. Trico peut également être appliqué via des diffuseurs (40 à 50 diffuseurs par hectare avec du produit pur) soit 2 à 2,5 litres par hectare (40 à 50 euros/hectare) auquel il faut ajouter le prix d'un diffuseur (4 euros). Mais dans ce cas, souligne Philippe Gaudin, « la persistance d'action est de 60 jours ». La Fédération de chasse de Charentes a testé ce répulsif à la fois en pulvérisation et en application via des diffuseurs. « Concernant l'application en pulvérisation, l'efficacité est effectivement de 45 jours. Au-delà, cela décroche alors qu'avec les diffuseurs le produit étant à l'abri de la pluie, l'efficacité a été observée pendant toute la période où la végétation était attractive pour les chevreuils. Par ailleurs, ce produit ne laisse aucun résidu », résume Philippe Gervais, de la Fédération de chasse de Charentes.
Un autre répulsif est également disponible depuis deux ans. Il se décline en deux versions : un concentré appliqué en pulvérisation qui repousse lapins, lièvres et cervidés (Rep'Clac Gibier) et des croquettes alimentaires qui attirent les sangliers (Rep'Clac Sanglier) et les repoussent car le produit n'est pas bon (effet mémoire). Ce produit à base d'huile de poisson peut être utilisé tout au long de la saison, mais Protecta recommande un délai avant récolte de 4 à 5 semaines. « Contre les sangliers, il faut environ 10 kg pour protéger un hectare, soit un coût de 120 euros environ », précise Eric Coulon, de la société Protecta.
Par ailleurs, le soufre s'avère être un excellent répulsif contre les chevreuils. « En Charente-Maritime où cet animal représente 50 % des dégâts, la fédération incite les viticulteurs à utiliser du soufre en début de saison pour protéger les vignes (10 euros par passage) », explique David Marc, de la Fédération de chasse de ce département.
Une balise qui effraie le gibier
Un autre dispositif est désormais disponible pour effaroucher les animaux nuisibles. Il s'agit de la balise Kryos, développée par la société Bestwarden. Le principe repose sur la simulation de la présence de prédateurs sur le site à protéger. Les animaux se sentant en danger, les lieux deviennent inhospitaliers. « On peut programmer jusqu'à huit scénarios en fonction du gibier présent dans l'environnement. La balise fonctionne nuit et jour, 365 jours par an, et elle est 100 % autonome grâce à une recharge solaire. En ajoutant des détecteurs de présence animale sur les points de passage, la balise émet uniquement lorsque l'animal se présente, ce qui permet de réduire les nuisances sonores et d'éliminer les phénomènes d'accoutumance. Cette balise peut protéger de 3 à 18 hectares en fonction du type d'émetteurs choisis et de la configuration du site », explique Florence Dubertret, responsable marketing et communication chez Bestwarden. Eric Bourgoin de la société JEP en a installé une vingtaine depuis deux ans dans des domaines viticoles en Champagne et dans le Bordelais. « En fonction des situations, les vignerons se protègent du chevreuil, des sangliers, des lapins mais aussi des ragondins. L'investissement varie de 1 800 euros à 3 000 euros en fonction de la superficie protégée, mais avec un taux de réussite d'environ 90 %. Et une fois installée, la balise ne nécessite pas d'entretien », précise-t-il.
Quels que soient les moyens utilisés pour repousser le gibier, la base de la prévention des dégâts est et restera la gestion des populations de gibiers. Une affaire à voir avec les chasseurs !
Grillage, clôture, répulsifs et enherbement contre les lapins
Les lapins peuvent causer des dégâts en début de végétation notamment en s'attaquant aux bourgeons. « Les dégâts varient fortement en fonction des prélèvements et des maladies qui régulent l'espèce, observe Raphaël Heureude de la Fédération de chasse dans l'Hérault. La meilleure protection préventive contre ces dégâts est le grillage (petite maille, 1 m de haut et enterré) ou la clôture électrique (5 rangées de fils sur 80 com). La deuxième solution est l'application de répulsif (Rep'clac) soit en pulvérisation, soit souche par souche. Dans l'Hérault, nous distribuons gratuitement le répulsif via la société de chasse et un système de bons de retrait et nous mettons aussi à disposition des agriculteurs des postes de clôtures électriques spécifiques au petit gibier (piquets et fils sont à charge de l'agriculteur). » Par ailleurs, l'enherbement entre les rangs semble être un bon moyen de prévention des dégâts car les lapins peuvent s'y réfugier et se nourrir.
[AVIS] Didier Dezileau, chef de culture du domaine de Baron'arques (Aude) :
« Une protection par clôture de l'ordre de 250 euros par hectare et par an »
« Sur le domaine, nous sommes essentiellement concernés par les sangliers qui mangent le raisin avant la récolte et détériorent des baies, provoquant ainsi des portes d'entrée au botrytis. Ce gros gibier est également à l'origine de trous importants dans les rangs enherbés et l'an passé nous avons eu quatre accidents du travail liés à ce problème ! Les populations sont importantes depuis plusieurs années et nous travaillons avec un groupe de chasseurs afin de maintenir une pression de chasse suffisante pour limiter les populations. En fonction des années, nous demandons une autorisation à la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) pour des tirs à l'affût. En complément de la chasse, des clôtures électriques sont mises en place chaque année de la véraison à la récolte pour protéger les parcelles de Chardonnay (soit 10 hectares sur les 43 hectares du domaine) qui s'avèrent très appétissantes pour les sangliers. Cette protection est efficace mais nécessite un travail de suivi. Nous avons investi dans les piquets (1 piquet tous les 4 à 5 mètres) et les fils (2 à 3 fils superposés) et la Fédération de chasse de l'Aude nous prête les électrificateurs. Pour limiter le travail de suivi, nous avons installé récemment un électrificateur solaire (200 euros). Au final, le coût à l'hectare de cette protection par les clôtures électriques est estimé à 250 euros/ha/an dont 192 euros pour la main-d'oeuvre (12 heures de travail pour la pose, les déposes pour intervenir mécaniquement, la tonte sous les fils électrifiés et le remisage après vendange). »