Les sols pollués influent sur les bio-agresseurs
L’accumulation de cuivre dans les sols viticoles favoriserait l’installation d’un champignon associé aux maladies du bois. En revanche, elle permettrait de diminuer la pression de mildiou et de cicadelles.
L’accumulation de cuivre dans les sols viticoles favoriserait l’installation d’un champignon associé aux maladies du bois. En revanche, elle permettrait de diminuer la pression de mildiou et de cicadelles.
Quel est l’impact de la pollution des sols viticoles au cuivre sur le comportement de la vigne vis-à-vis de ses bio-agresseurs ? C’est la question à laquelle s’est attelée Laëtitia Anatole-Monnier, dans sa thèse soutenue en 2015 à l’université de Bordeaux. Selon elle, l’accumulation du métal lourd dans les sols aurait bel et bien des répercussions sur les interactions entre la vigne et ses ravageurs. Des répercussions positives dans le cas du mildiou et de la cicadelle de la flavescence dorée, et négatives pour l’un des champignons associé aux maladies du bois.
La cicadelle s’adapte aux pratiques fongicides des parcelles dont elle est issue
Pour arriver à cette conclusion, la chercheuse a réalisé différents essais. Dans un premier temps, elle a travaillé sur des boutures poussées sur perlite avec différentes concentrations de contamination cuprique. Elle les a disposées dans une cage en présence de larves de Scaphoideus titanus. Au bout de 24 heures, la majorité des insectes avaient opté pour les boutures ayant une concentration de 1 μM (1 μmol/l), puis pour le témoin, délaissant les plants les plus contaminés en cuivre. Et sur ces derniers, les cicadelles étaient majoritairement installées sur les tiges et sur les plus jeunes feuilles, plus riches en azote et pauvres en métabolites secondaires de défense. Parallèlement à cela, la chercheuse a établi que le choix de la concentration varie en fonction de l’origine des insectes, ce qui porte à croire que Scaphoideus titanus s’adapte aux pratiques fongicides des parcelles dont elle est issue.
Le stress cuprique pourrait engendrer des réactions de défense de la vigne
Laëtitia Anatole-Monnier s’est ensuite penchée sur le mildiou. Elle a inoculé des feuilles prélevées sur des boutures de cabernet sauvignon et merlot, alimentées avec différents niveaux de cuivre, avec Plasmopara viticola. Elle a constaté que quel que soit le cépage, la croissance des colonies est plus importante lorsque les boutures sont exposées à une dose de cuivre dans le sol de 1 μM. Dès que la concentration du métal augmente, la croissance du mycélium est ralentie et la dynamique de sporulation diminue. La chercheuse avance plusieurs explications à ce phénomène. « Il est possible que le stress cuprique subit par les boutures de vignes à partir d’une exposition à Cu 2,5 μM engendre les premières réactions de défense de la plante, qui sont donc déjà activées avant l’inoculation du pathogène. Cela pourrait expliquer la diminution du taux de sporulation et le ralentissement du développement de P. viticola sur les boutures contaminées, écrit-elle. De plus, la diminution du flux de sève et de la photosynthèse suite à un stress cuprique pourraient conduire à une fermeture plus fréquente ou plus longue des stomates, ce qui limiterait l’installation du pathogène sur la plante. » Des pistes encore à vérifier.
À l’inverse, la pollution cuprique des sols pourrait renforcer les problèmes de dépérissement des ceps. Car dans une expérimentation réalisée en conditions semi-contrôlées sur des plants greffés de cabernet sauvignon (avec un clone certifié sain) et rempotés dans de la terre sous tunnel ouvert, Laëtitia Anatole-Monnier a établi que les pieds situés sur les parcelles de vigne les plus contaminées en cuivre étaient les plus infestés cinq mois après l’inoculation de Neofusicoccum parvum. Ils présentaient des longueurs de nécroses de 8,1 cm en moyenne, contre 3,1 cm et 3,6 cm sur les deux autres sols, moins contaminés. Preuve que la pollution des sols a un réel impact sur le développement des maladies du bois. Certains de ces travaux ont été poursuivis par l’Inra de Bordeaux, qui prévoit des communications sur l’influence du cuivre des sols sur l’esca dès cet été.