Les robots poursuivent leur déploiement
Entre partenariats d’expérimentations et démonstrations privées, 2019 aura été une année chargée pour les robots et leurs créateurs. 2020 s’annonce tout aussi dense, tant sur le plan de l’amélioration des outils existants que sur celui de l’innovation. Exemple avec Ted et Bakus.
Entre partenariats d’expérimentations et démonstrations privées, 2019 aura été une année chargée pour les robots et leurs créateurs. 2020 s’annonce tout aussi dense, tant sur le plan de l’amélioration des outils existants que sur celui de l’innovation. Exemple avec Ted et Bakus.
S’il y a bien un secteur qui évolue à un rythme effréné, c’est celui de la robotique. « Il y a une grosse innovation tous les six mois », confirme Mathieu Liébart en charge de la robotique au Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC). Il y a un an, nous expliquions que les robots viticoles étaient à la frontière entre le prototype et la commercialisation. Cette frontière, la start-up champenoise VitiBot l’a franchie courant 2019. « Nous avons livré quatre robots Bakus cette année : à deux maisons de Champagne, un vigneron indépendant et une société de prestation », témoigne Cédric Bache, fondateur de VitiBot. À l’occasion du salon Viteff, ce dernier a présenté la toute dernière innovation conçue pour son automate, un intercep électrique. « Les outils hydrauliques sont trop gourmands en énergie, c’est pourquoi nous avons choisi de développer nos propres outils électriques. Cela nous permet aussi de les doter de capteurs intelligents pour optimiser la communication avec la plateforme, et sécuriser au maximum l’automate », a précisé Cédric Bache. Prochain chantier auquel VitiBot compte s’attaquer : la pulvérisation. Les prototypes, également présentés lors du Viteff, tourneront au cours de la campagne 2020 dans le vignoble champenois, sous l’œil attentif des experts du CIVC. « La principale difficulté avec la pulvé est de permettre à l’opérateur d’avoir un rétrocontrôle sur ce qu’il fait. Car une mauvaise pulvérisation peut avoir des conséquences terribles », appuie Mathieu Liébart. Les attentes sur l’automatisation des traitements sont d’autant plus élevées que le développement de la robotique aux champs a surtout été motivé par le besoin d’éloigner l’homme des produits phytosanitaires. « On a la pression car le robot que l’on commercialisera n’aura pas le droit à l’erreur », atteste Cédric Bache.
Une corde supplémentaire à l’arc des viticulteurs
De son côté, la start-up toulousaine Naïo technologies a consacré l’année 2019 à la poursuite des partenariats d’expérimentation, avant d’entamer la phase de commercialisation dès le début d’année prochaine. « Depuis deux ans, nous avons 18 enjambeurs qui opèrent dans les vignes, et nous prévoyons de doubler les effectifs en 2020, à la fois en France et à l’international », annonce Thibault Delcroix, responsable produit vigne chez Naïo technologies. Guillaume Barou, vice-président de la cave coopérative de Monbazillac fait partie de ceux qui ont testé Ted, le robot d’entretien du sol développé par Naïo technologies, au cours de la campagne 2019. « Il faut voir les robots comme une corde supplémentaire à l’arc des viticulteurs, et non comme une solution de remplacement de matériel existant », avertit-il. Pour la première année d’expérimentation, le viticulteur a entretenu 7 ha de vignes pour moitié avec Ted, et pour moitié avec des herbicides. Concernant la qualité du travailfournie par l'automate, Guillaume Barou dresse un premier bilan plutôt positif. « On a constaté que le robot n’effectuait pas toujours un désherbage optimum en un passage, mais que l’on pouvait facilement repasser la semaine suivante sans craindre de tasser ses sols », argue le viticulteur. S’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact économique de l’arrivée de Ted sur le vignoble, Guillaume Barou se veut prudent. « Nous avons dû passer avec le tracteur pour ameublir le sol et permettre au robot d’entrer dans les vignes, explique-t-il. Et pour le moment, il y a systématiquement un opérateur pour surveiller le chantier, donc il ne faut pas compter sur des économies de main-d’œuvre. » Un premier bilan à chaud, que le coopérateur sera amené à étoffer fin 2020, après une seconde campagne d’expérimentation.
Relever le défi de l’intégration des automates dans les exploitations
Pour Ted aussi, l’avenir ne s’envisage pas sans la pulvérisation. Mais à des échéances plus lointaines. « L’adaptation de la pulvérisation sur un robot est complexe et nous travaillons depuis l’année dernière avec des instituts techniques compétents sur le sujet », rapporte Thibault Delcroix qui prévoit une mise en marché « dès lors que son utilisation permettra une amélioration des pratiques. »
Mathieu Liébart se veut confiant quant à l’avenir de la robotique dans le secteur viticole, mais est réaliste sur le chemin qu’il reste à parcourir. « On est encore au tout début, on n’a pas une efficacité à 100 % donc il risque d’y avoir quelques loupés », prévient-il. Avancer prudemment, ne pas avoir peur de l’inconnu, faire évoluer les missions de ceux qui travaillent actuellement dans les vignes, tels seront les défis que la viticulture devra relever pour intégrer ces automates dans son quotidien. « Mais c’est exactement ce qui s’est passé il y a soixante-dix ans avec les enjambeurs, et regardez où on en est aujourd’hui ! », conclut-il.
voir plus loin
La réglementation actuelle bride le déploiement des robots
Les robots agricoles, qui appartiennent à la catégorie juridique des Machines agricoles hautement automatisés (Maha), ne sont actuellement pas homologués pour une circulation sur route, ce qui inclut les chemins pour passer d’une parcelle à l’autre. « Le déploiement des robots risque d’être rapidement bridé par le cadre réglementaire qui régit l’utilisation de ces machines », déplore Mathieu Liébart, en charge de la robotique au Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC). C’est pour pallier cela que l’association Robagri a été créée en 2017. Porte-parole de la filière de la robotique agricole auprès des instances gouvernementales, l’association est notamment chargée de faire évoluer la directive Machines (Directive 2006/42/CE) qui régit les règles de sécurité et les exigences de santé liées à la mise en marché des robots agricoles. Une mise à jour qui devra par ailleurs établir la responsabilité en cas d’accident avec un tiers.