Les œnologues de France veulent que la covid-19 soit reconnue maladie invalidante
L’Union des œnologues de France a dévoilé mercredi 10 mars son plan d’action pour aider les professionnel∙le∙s du vin à faire face à l’épidémie de la covid-19. Elle demande la reconnaissance des troubles sensoriels comme maladie invalidante et un accès prioritaire à la vaccination.
L’Union des œnologues de France a dévoilé mercredi 10 mars son plan d’action pour aider les professionnel∙le∙s du vin à faire face à l’épidémie de la covid-19. Elle demande la reconnaissance des troubles sensoriels comme maladie invalidante et un accès prioritaire à la vaccination.
La perte d’odorat et de goût a rapidement été identifiée comme l’un des symptômes caractéristiques de la covid-19. Un an après le début de l’épidémie, on sait que certains malades mettent de longs mois avant de retrouver leurs sens. « Nous qui sommes des musiciens du vin, perdre nos sens c’est perdre nos instruments de musique » s’est inquiété Didier Fages, président de l’Union des œnologues de France (UOEF). Le syndicat a donc décidé de « prendre le problème à-bras-le-corps », et dévoilé un plan d’action pour accompagner les professionnel∙le∙s du vin particulièrement handicapé∙e∙s en cas de troubles sensoriels.
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25 à 30% des malades de la covid-19 pourraient avoir des séquelles à long terme
Ce plan d’action se base sur une enquête menée auprès de 2625 œnologues, producteurs de vin, cavistes et sommelier∙e∙s issus de 37 pays, principalement de France, d’Italie et de Suisse. Les réponses ont été collectées entre mai et juillet 2020, soit juste après la première vague de l’épidémie. « On a été surpris de constater que 13 % des répondants avaient déjà perdu l’odorat avant 2020, dont 68 % plusieurs fois », a commenté Pierre-Louis Teissedre, coordinateur de l’étude et enseignant à l’ISVV de Bordeaux. « Les maladies chroniques comme la rhinite et la polypose naso-sinusienne sont l’une des trois principales causes de ces troubles, avec l’âge et le traumatisme crânien », complète Pierre Bonfils, chef de service ORL à l’hôpital Georges Pompidou de Paris. « Près de 30% de ces malades ne recouvrent pas ou partiellement le goût et l’odorat. » Par projection, de nombreux rhumes étant causés par des virus de la famille des coronavirus, l’ORL estime que 25 à 30% des malades de la covid-19 pourraient avoir des séquelles à long terme. « Depuis décembre, nos services reçoivent de plus en plus de malades atteints de covid long, et le phénomène devrait se majorer dans les mois qui viennent », prévient le médecin.
Une demande de vaccination prioritaire sans réponse à ce jour
« Psychologiquement, pour un∙e œnologue, il est très difficile d’admettre que l’on n’a plus la capacité de déguster », a témoigné Sophie Pallas, directrice de l’UOEF, qui a contracté la maladie fin janvier dernier et qui est encore en phase de rééducation. Ce handicap a conduit l’UOEF a demandé la reconnaissance des troubles de l’odorat et du goût comme maladie invalidante. « Nous avons envoyé une demande de vaccination prioritaire des professionnel∙le∙s du vin aux autorités publiques, sans réponse à ce jour », a par ailleurs annoncé Didier Fages. L’UOEF prévoit en parallèle de négocier une couverture de santé et de prévoyance renforcée pour les entreprises et leurs salarié∙e∙s. « Nous mettons en place un numéro syndical proposant un accompagnement psychologique et allons lancer une plateforme d’intérim afin que les personnes malades travaillant seules puissent faire appel à des collègues pour les appuyer dans leurs activités », a poursuivi le président. Dans chaque bassin viticole, l’UOEF va dresser une liste d’ORL que le syndicat invitera à consulter. Enfin, l’UOEF souhaite poursuivre les enquêtes et mettre en place un programme national de recherche via le fonds de dotation des œnologues de France.
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Les femmes plus sensibles à la perte de goût et d’odorat ?
4% des femmes et 2% des hommes interrogés dans l’enquête de l’Union des œnologues de France avaient eu la covid-19 fin juillet dernier. 55% des femmes avaient perdu le goût et l’odorat contre 46 % des hommes. « 67% des femmes qui ont la covid-19 ont déclaré que cela avait eu un impact sur leur métier, contre seulement 33% des hommes », a indiqué Pierre Louis Teissedre, coordinateur de l’étude et enseignant à l’ISVV de Bordeaux. L’UOEF envisage de mener une seconde enquête afin de confirmer cette tendance. L’étude révèle par ailleurs que les troubles sensoriels ne semblent pas liés à l’âge de la personne. « Toutes les tranches d’âge entre 20 et 69 ans sont concernées dans des proportions égales », a rapporté Pierre Louis Teissedre. En moyenne 61 % des professionnels ont récupéré totalement leurs sens au bout de 18 jours. 32 % ne les ont récupérés que partiellement au bout de 28 jours, et 7 % n’avaient pas du tout récupéré leurs capacités sensorielles au moment où ils ont été interrogés. « La grande majorité finit par retrouver complètement le goût et l’odorat, mais il est vrai que la récupération se fait au prix d’une rééducation très poussée, a précisé Sophie Pallas, directrice de l’UOEF. Au-delà de l’impact sur nos métiers, c’est notre relation au plaisir qui est amputée et cela peut être psychologiquement difficile. Il ne faut pas hésiter à en parler. »