Les levures des vins de voile à la loupe
Le décryptage des gènes des levures de voile permet de mieux comprendre leur fonctionnement et de mettre en évidence des différences de souches entre les régions qui pratiquent l’élevage sous voile.
Le décryptage des gènes des levures de voile permet de mieux comprendre leur fonctionnement et de mettre en évidence des différences de souches entre les régions qui pratiquent l’élevage sous voile.
Les levures de voile se retrouvent surtout dans le Jura pour l’élevage du fameux vin jaune et à Jerez en Andalousie, mais aussi en Sardaigne sur le vernaccia di oristano, en Hongrie sur certains vins secs de Tokay et chez quelques vignerons adeptes à Gaillac, dans le Val de Loire ou encore en Alsace. Ces levures qui composent les voiles de levure, appartiennent à la même espèce que les levures de fermentation classiques, Saccharomyces cerevisiae, et pourtant elles ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Jean-Luc Legras, ingénieur de recherche à l’Inra de Montpellier, s’est penché sur leur génome et leurs spécificités. « Les levures de voile présentent des versions différentes de certains gènes, qui peuvent expliquer leur capacité à former un voile. » On peut ainsi citer le gène FLO11 qui code pour la synthèse d’une protéine des parois des levures, « une sorte de protéine Velcro, nécessaire à l’adhésion des levures » et donc essentielle pour former un voile. On retrouve également des versions particulières de gènes impliqués dans la capacité des levures de voile à capter des ions métalliques du vin, notamment le fer nécessaire à leur respiration à la surface du vin, ou encore un gène qui, indirectement, leur permet de prélever des quantités très faibles de fructose du vin pour se nourrir.
La différence de génome a un impact sur l’épaisseur du voile
Le chercheur a poussé ses investigations jusqu’à comparer les gènes des levures des différentes régions d’élaboration de vin sous voile. « L’analyse du génome montre qu’on peut les classer en deux grands groupes : un groupe « méditerranéen » avec les levures de voile de Jerez en Espagne et celles de Sardaigne, et un groupe « d’Europe centrale », avec celles du Jura et celles de Tokay en Hongrie. » Et cette différence de génome a des conséquences sur la qualité du voile produit. « Par exemple les levures de Jerez et de Sardaigne ont une mutation particulière qui augmente leur production de la protéine FLO11 et donc leur aptitude à former un voile épais. Ce qui se vérifie en cave. Les levures d’Espagne et de Sardaigne possèdent en plus les versions spécifiques des gènes qui favorisent leur capacité à prélever le fer dans le vin et donc à bien se développer. »
La génétique renseigne également sur l’origine des levures. « Il est très probable que les levures de voile aient été présentes dans les vins depuis l’antiquité. Elles semblent avoir la même origine que les levures de vinification, à savoir la Mésopotamie, et s’être spécialisées avec l’histoire de la vinification. » Elles seraient plus répandues qu’on ne le pense. On en a trouvé à la surface de vins élevés traditionnellement en qvevris en Géorgie, dans des vins de Sauternes en refermentation ou encore dans des vignobles italiens.
À noter que les levures de voile sont aussi capables de fermenter les sucres en alcool mais souvent moins rapidement que les levures de fermentation classiques.