Journée internationale des droits des femmes
Les femmes et le vin, un débat qui a encore lieu d'être
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier, la Cité du vin à Bordeaux accueillait « elles font bouger le vin », un événement réunissant des professionnelles et des amatrices de vin. Nous y étions.
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier, la Cité du vin à Bordeaux accueillait « elles font bouger le vin », un événement réunissant des professionnelles et des amatrices de vin. Nous y étions.

Quelle place les femmes occupent-elles aujourd'hui dans le monde du vin ? Le sujet était au cœur d’une soirée organisée en partenariat avec elle Journal des femmes à la Cité du vin vendredi dernier. Une très large majorité de femmes, professionnelles du vin ou simples amatrices, composaient l’assemblée nombreuse venue assister à la projection du documentaire « Les héritières », écrit et réalisé par Vincent Herissé, et au débat qui suivait.
C’est en Bourgogne que le réalisateur est allé à la rencontre de femmes, vigneronnes, régisseuse ou encore exportatrice de vin. Dans ce vignoble où les traditions sont fortes, elles se battent avec détermination pour faire leur place dans un univers qui reste encore très masculin, et où les préjugés ont la vie dure. « Si j’ai la chance aujourd’hui de faire vraiment la partie production, je pense sans trop me tromper que c’est parce que je suis fille unique », témoigne Alexandrine Roy, vigneronne au domaine Marc Roy à Gevrey-Chambertin. Aura-t-elle la résistance physique suffisante pour passer des journées entières à tailler dans le froid et la pluie ? Sera-t-elle assez forte pour accomplir toutes ces tâches propres au travail de chai ? Aura-t-elle suffisamment de prestance pour tenir tête aux acheteurs lors des négociations commerciales ? Comment fera-t-elle pour concilier sa vie de famille et son métier de vigneronne ? Autant d’interrogations qui poussent toute une génération de vignerons à porter leurs espoirs de reprise préférentiellement sur leur fils. « C’est le schéma classique, c’est comme ça que ça se passe », déplore la vigneronne.
Une obligation d’excellence
Bien que fort heureusement les choses changent et qu’aujourd’hui de nombreuses femmes sont à la tête d’exploitations viticoles, elles doivent tout de même encore davantage faire leurs preuves que leurs homologues masculins. « Disons qu’elles sont obligées d’être excellentes. Elles auront gagné leur liberté lorsque même des femmes incompétentes feront ce métier », déclare le père de Juliette Joblot, jeune femme à la tête du domaine Joblot à Givry. « En tout cas, celles qui reprennent des domaines ont de fortes personnalités et on entend parler d’elles », ajoute-t-il, amusé. Une obligation d’excellence que confirme Virginie Routis, caviste sommelière de la Présidence de la République, invitée à participer au débat suivant la projection. « On ne peut jamais se dire : c’est bon j’ai fait mes preuves ! Tous les jours sans relâche, il faut montrer qu’on est aussi capable de faire le job que nos confrères », atteste-t-elle. Cette énergie déployée dans le cadre professionnel n’empêche pas ses femmes d’en consacrer à leur rôle de mère. Ludivine Griveau, régisseuse des Hospices de Beaune, n’a jamais raté une rentrée des classes. Exclusivement dirigé par des femmes, le domaine Georges Mugneret-Gibourg, à Vosne-Romanée, est toujours fermé le mercredi.
Encore du chemin à parcourir
Grâce à ces femmes qui font bouger le vin, parmi lesquelles les amatrices jouent aussi un rôle, ce débat sur la place des femmes dans le monde du vin n’en sera bientôt plus un. Bien sûr, l’époque où les femmes n’étaient pas autorisées à entrer dans le chai à une certaine période du mois sous peine de faire tourner le vin paraît lointaine. Mais il reste encore du chemin à parcourir… Pour que plus aucun homme ne soit tenté de poser sa main sur le genou d’une femme lors d’une réunion de travail, comme peut en témoigner Vitalie Taittinger, directrice du marketing et de la communication de la maison de champagne Taittinger. Pour que Caroline Meesemaecker, directrice de Wine Services, compte bien plus que 16 domaines dirigés par des femmes dans la liste de ses 130 clients. Pour qu’au restaurant, l’on demande qui souhaite goûter le vin avant de le servir d’office à l’homme. Pour que l’on arrête de dire : « ça, c’est un vin de femme » … À ce moment-là seulement, le débat sera clos. Pour l’heure, il est encore nécessaire de continuer à se mobiliser pour faire reconnaître la place qu’occupent les femmes dans la filière viticole. Un combat qui heureusement fédère de plus en plus de monde, comme l’a rappelé Ludivine Griveau. « Il faut rendre hommage à tous les hommes qui nous aident à pousser les portes et à les tenir ouvertes, parce qu’on n’est quand même pas toutes seules ». Une aide plus que bienvenue et appréciée tant certaines portes peuvent être lourdes.