Covid-19
Les cavistes limitent la casse grâce à la livraison à domicile
Autorisés à ouvrir pendant le confinement, les cavistes ont toutefois dû adapter tant la configuration de leurs magasins que leur façon de vendre, notamment en développant la livraison. Malgré quelques bonnes surprises dans les zones accueillant des citadins en exode, les ventes sont en berne.
Autorisés à ouvrir pendant le confinement, les cavistes ont toutefois dû adapter tant la configuration de leurs magasins que leur façon de vendre, notamment en développant la livraison. Malgré quelques bonnes surprises dans les zones accueillant des citadins en exode, les ventes sont en berne.
Pour assurer le respect des mesures barrières, les commerces de détail de boissons en magasin spécialisé ont d’abord dû revoir la configuration de leurs boutiques. Quitte à fermer complètement. « À la veille du confinement, trouver du matériel de protection était mission impossible. On a donc fermé l’ensemble de nos points de vente ainsi que notre plateforme de stockage de vins destinés à la vente en ligne », expose Laurent Crochemore, directeur opérationnel de l’enseigne francilienne le Repaire de Bacchus. Le réseau V & B, un concept mixant consommation sur place et espace de vente de vins, présent dans une grande moitié sud de l'Hexagone, a également fait le choix de fermer l’ensemble de ses sites. « Une décision difficile à prendre car cela implique de mettre plus de 200 personnes au chômage technique, mais que nous avons estimé nécessaire pour leur sécurité", confie Hugues Laborde, responsable technique des propriétés viticoles appartenant au groupe.
Des horaires d’ouverture aménagés et des accès aux rayons limités
Même chose du côté de l’enseigne Nicolas qui a pris deux semaines pour mettre en place un plan de sécurité et le tester dans des magasins pilotes. « Notre objectif était de garantir à nos collaborateurs et à nos clients un environnement extrêmement sécurisé à l’intérieur de nos boutiques », confie Christopher Hermelin, son directeur marketing et communication. Au 1er avril, 320 boutiques Nicolas sur 500 avaient rouvert, appliquant des consignes strictes : un seul client à la fois dans la boutique, paiement en carte bancaire uniquement et pas de circulation dans les rayons.
Du côté des cavistes indépendants, la fermeture totale n’a que plus rarement été appliquée, malgré les recommandations de la Fédération des cavistes indépendants, car elle signifie une absence totale de revenu. La plupart ont toutefois réduit leurs horaires d’ouverture. « Les deux jours précédant le confinement, on se serait cru la veille de noël tellement il y avait de monde, témoigne Patricia Monnier, gérante du magasin vins d’Oc et d’ailleurs, à Agde. Mais depuis qu’il est officiel, c’est une autre affaire. » La baisse de fréquentation l’a incité à n’ouvrir que 3 heures le matin, du lundi au samedi. « Les gens savent que c’est fermé l’après-midi, ce qui les incite à rester chez eux », poursuit-elle. Le midi, quand elle rentre chez elle, la commerçante a pris l’habitude de livrer les commandes passées le matin même ou la veille, dans les villages alentour. " C’est clair que la livraison nous permet de limiter les dégâts. » Patricia Monnier estime avoir fait environ la moitié de son chiffre d’affaires habituel au cours du mois de mars. « Je vis sur les stocks, à part pour le vrac que je vais chercher chez un client à 10 minutes d’ici. Ce qui est sûr c’est que j’honorerai d’abord mes factures auprès des petits vignerons, et après celles des négociants et grandes maisons. »
Vente au comptoir et livraisons à domicile
Sur le bassin d’Arcachon, Philippe Taupy, qui possède deux boutiques, dresse un bilan un peu plus optimiste. « L’exode des citadins venus se réfugier sur le bassin nous permet de maintenir notre activité à un bon niveau », juge-t-il, avant d’ironiser sur le fait qu’au Cap Ferret, « ce sont les vacances de Pâques avant l’heure ! » Pour assurer les gestes barrières, Philippe Taupy a opté pour la vente au comptoir dans le plus petit de ses deux magasins. Il ne laisse pénétrer que deux personnes à la fois dans le second magasin, plus grand, et qui comprend un rayon épicerie. Et tous les jours, il livre à domicile. " Si j’ai toujours de la demande une fois le confinement terminé, ce qui est probable car la population locale est relativement âgée, peut-être que je continuerai à livrer ", envisage-t-il. Partout, la livraison ou le drive piéton semblent rencontrer un certain succès auprès des consommateurs qui limitent leur temps de sortie. Depuis le début du confinement, les caves Nysa, enseigne francilienne, ont mis en place les commandes par téléphone ou par Facebook, acheminées chez les clients par des livreurs Deliveroo ou Stuart. Un système qui fonctionne bien, mais qui reste largement insuffisant pour compenser les pertes occasionnées par la fermeture au public des magasins. « Les jours où les magasins sont ouverts pour les commandes, ils font de bonnes journées. Mais on en ouvre que deux par jour, contre 55 en temps normal », recontextualise Alice Weber, directrice de la communication de l’enseigne. Un constat partagé par la plupart de ses collègues. « Nous avons multiplié par cinq nos ventes en ligne, note Laurent Crochemore. Mais internet fait le chiffre de ce que ferait un de nos petits magasins en temps normal. » Tous vivent sur leurs stocks, et attendent la fin du confinement pour se réapprovisionner. « Mais la chaîne logistique n’est pas complètement à l’arrêt donc si on a besoin de se réapprovisionner entre-temps, cela ne devrait pas être trop compliqué », affirme Christopher Hermelin.
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Des comportements de consommation très variables selon les zones
Que consomment les Français confinés ? Si la tendance n’est pas à la surconsommation malgré le développement des apéros virtuels, la réponse à cette question varie beaucoup selon les zones. « Je vends deux à trois fois plus de BIB et de vin en vrac que d’habitude », commente Patricia Monnier, à Agde. Elle remarque que sa clientèle d’habitués vient moins souvent, mais achète en plus grande quantité. Chez Philippe Taupy, les BIB aussi ont le vent en poupe ainsi que les références entre 5 et 7 €. Le site internet du Repaire de Bacchus enregistre des ventes plus panachées que d’accoutumée. « On a des cartons de six, avec six références différentes, plutôt milieu de gamme », relève Laurent Crochemore. La tendance est toute autre chez Nysa, où la clientèle est essentiellement composée de cadres parisiens. « Comme ils ne dépensent plus dans les restaurants et bars, ils se font plaisir sur les bouteilles. On a vendu de très belles références de champagne », témoigne Alice Weber. Une tendance dont témoigne aussi l’enseigne Nicolas, présente partout en France. « On vend pas mal de BIB ainsi que des champagnes et des crus bourgeois du Médoc », rapporte Christopher Hermelin. En revanche, les consommateurs semblent bouder les spiritueux. Avec l’arrivée des beaux jours, les cavistes se préparent à un nouveau coup dur. « Traditionnellement, les vacances d’avril lancent la saison des rosés, commente Patricia Monnier. Mais cette année, je ne suis pas certaine que les Français, cloîtrés chez eux, aient autant envie d’en consommer. »
voir plus loin
Une carte interactive pour géolocaliser les cavistes ouverts
Ancien chef sommelier, Fabien Lainé désormais entrepreneur dans le vin et blogueur, a développé une carte interactive sur Google maps référençant les cavistes ouverts en France pendant le confinement. Les gérants des magasins spécialisés sont invités à s’y inscrire précisant leurs horaires d’ouverture et s’ils proposent un système de livraison. L’engouement est tel que Fabien Lainé a reproduit le même principe afin de référencer les producteurs de vin dont le caveau de vente est ouvert. Toutes les informations sur la démarche à suivre pour s’y inscrire sont sur son blog (rédigé en anglais) .