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Les acides humiques et fulviques, des biostimulants peu connus qui pourraient être utiles au vignoble

Peu utilisés en France, les acides humiques et fulviques revêtent un potentiel de biostimulation intéressant. Des essais à plus grande échelle permettraient de définir des modalités d’emploi précises.

Les acides humiques sont de couleur brune et peu solubles dans l'eau.
Les acides humiques sont de couleur brune et peu solubles dans l'eau.
© Humintech

Dans la jungle des biostimulants, il y a une famille que l’on voit grandir au fil des ans : celle des substances humiques, qui comprend notamment les acides humiques et fulviques. « Ce sont pourtant, dans le monde des biostimulants, les composés les mieux caractérisés », affirme Mohammed Benbrahim, ingénieur au centre de recherche agronomique Rittmo. Il faut dire que ces substances sont relativement nouvelles en Europe.

Les Amériques et la Chine, où l’on trouve principalement les gisements de production (voir encadré), sont davantage habitués à ces composés et concentrent le plus d’études. Pour Mohammed Benbrahim, l’efficacité des acides humiques et fulviques comme biostimulant est claire. « Je les utilise comme produits de référence quand je dois tester de nouvelles spécialités de stimulation de la croissance racinaire », illustre-t-il.

Appliquer ces substances au sol, pour aider les racines et réduire l’effet des stress abiotiques, est une utilisation que l’ingénieur a tendance à privilégier. « On a de cette façon des résultats intéressants contre le stress hydrique », assure-t-il. Mais des études ont également montré l’intérêt d’une application en pulvérisation foliaire. Les effets et mécanismes sont alors différents puisque les substances humiques interagissent, dans ces cas-là, dans les voies métaboliques relatives aux messages informant la plante d’un stress. De même, certains chercheurs ont démontré une efficacité en fertirrigation. C’est principalement de cette manière que les agriculteurs espagnols, en avance sur nous, utilisent ces substances. C’est d’ailleurs la façon la plus simple de les employer.

Les modalités pratiques sont encore peu connues car mal étudiées

 

 
Les plantes traitées avec des acides humiques et fulviques (à droite) présentent un meilleur développement et ont formé davantage de racines que les témoins non traités (à gauche).
Les plantes traitées avec des acides humiques et fulviques (à droite) présentent un meilleur développement et ont formé davantage de racines que les témoins non traités (à gauche). © M. Benbrahim/Rittmo
Si Mohammed Benbrahim est convaincu des qualités intrinsèques et de l’intérêt des acides humiques et fulviques dans ses expériences contrôlées, il remarque aussi qu’il y a un manque de connaissance quant aux applications sur le terrain. « Leur emploi n’est pas intuitif. Ces substances pourraient ne pas fonctionner une fois au champ car mal utilisées ou formulées, redoute-t-il. Il faut les tester. » Force est de constater que les instituts techniques français, en vigne comme ailleurs, ont du retard sur le sujet. Les effets bénéfiques seraient pourtant – si l’on en croit le géant de la fertilisation Yara – bien au rendez-vous en viticulture. L’entreprise a réalisé des essais dans quatre départements français en 2019, d’un concentré de substances humiques (YaraVita Bionue) appliqué en foliaire aux stades 2/4 feuilles étalées, inflorescence visible, nouaison et début de maturation. « Par rapport aux témoins non traités, les vignes ayant reçu ces substances humiques ont vu leur rendement augmenter de 9,9 % », assure Yara. Et cela, que la dose soit de 0,5 ou 1 l/ha.

 

Bernard Codognotto, consultant et gérant de Terrus Développement, en Gironde, travaille régulièrement avec les acides humiques et fulviques en complément d’autres méthodes naturelles, comme les microorganismes. Il recommande aux viticulteurs une application à l’automne en sous-solage, pour agir au plus près des racines. Mais aussi en foliaire pendant la saison végétative. « Cela fonctionne très bien sur la vigne, assure-t-il. Sur un test réalisé dans les Pyrénées-Orientales, nous avons trouvé qu’il y avait une meilleure qualité des raisins, et les vignes ont gardé leurs feuilles un mois de plus à l’automne. » Le consultant regrette toutefois de ne pas trouver une matière première de qualité. Il estime que les dérivés de Léonardite, que l’on trouve dans le commerce, n’ont pas le même effet que les acides humiques provenant de matières organiques plus fraîches, comme le compost, qui n’ont pas besoin de processus chimique pour être extraits.

Tous les produits à base de substances humiques ne se valent pas forcément

La composition est un point d’attention souvent relevé quand on parle des substances humiques. L’entreprise spécialiste des engrais et biostimulants Tradecorp alerte sur le fait qu’il existe des milliers de molécules classées dans les acides humiques et fulviques, et que l’on ne sait jamais véritablement ce qu’il y a dans le flacon, si ce n’est la quantité totale. « Il semble que le ratio entre acides humiques et fulviques soit important dans les applications agricoles, mais il n’y a pas assez de données pour en tirer des préconisations », ajoute Mohammed Benbrahim. L’agronome précise qu’il existe en France deux catégories de produits : ceux qui ont obtenu leur autorisation à l’Anses par reconnaissance mutuelle, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été testés mais sont similaires à d’autres qui l’ont été ; et ceux qui ont été évalués par l’Anses puis autorisés après avoir fait la démonstration de leur efficacité. « On peut trouver cette précision, ainsi que toutes les autres informations sur le produit en consultant le site ferti.click », informe l’ingénieur. Rittmo s’est également lancé dans un projet avec la région Grand Est pour formuler des acides humiques et fulviques à partir de biomasse végétale.

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La Léonardite ressemble à une roche très riche en composés organiques, d'où l'on extrait les acides humiques et fulviques.
La Léonardite ressemble à une roche très riche en composés organiques, d'où l'on extrait les acides humiques et fulviques. © Humintech
Les acides humiques et fulviques sont des matières organiques humifiées. On les trouve naturellement dans le sol, puisqu’elles sont issues de l’activité biologique, mais généralement en petites quantités. Les composés que l’on trouve dans les formulations commerciales proviennent en très grande majorité de gisements de Léonardite, une sorte de tourbe presque fossilisée formée il y a des centaines de milliers d’années, où l’on trouve les acides humiques et fulviques en grande concentration. Ces deux appellations regroupent en réalité une grande diversité de grosses molécules, contenant beaucoup de carbone et peu d’azote. Les acides humiques sont de taille plus importante que les acides fulviques. Ils diffèrent également par leur couleur et leur solubilité.

 

 

 
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