« Le redox va commencer à donner des réponses concrètes aux viticulteurs », Olivier Husson, du Cirad
Olivier Husson, chercheur au Cirad, a développé avec l’entreprise Senseen un capteur permettant une mesure facile et rapide du potentiel redox de la plante. Il entrevoit déjà de nombreuses applications.
Olivier Husson, chercheur au Cirad, a développé avec l’entreprise Senseen un capteur permettant une mesure facile et rapide du potentiel redox de la plante. Il entrevoit déjà de nombreuses applications.
Vous travaillez depuis plus de dix ans sur le potentiel redox des sols et son incidence sur la santé des plantes. Est-il possible d’en tirer un indicateur, notamment en vigne ?
Le potentiel redox du sol exerce une influence sur le végétal. Il serait intéressant d’utiliser cette donnée de façon pratique dans les champs, mais on se heurte à la réalité du terrain. En condition réelle, il existe dans le sol toute une diversité de petites niches, où les conditions sont différentes et donc où le potentiel redox change. C’est une bonne chose, d’un côté, puisque cela permet à tout un tas de microorganismes différents de trouver un habitat et ainsi d’apporter une grande biodiversité fonctionnelle et un équilibre nutritionnel. D’un autre côté, le problème que cela pose, c’est que les valeurs que l’on mesure dépendent énormément d’où et quand on installe les électrodes. Il est donc pour ainsi dire impossible de caractériser un sol à l’échelle d’une parcelle.
Y a-t-il d’autres pistes à explorer en matière d’oxydoréduction ?
Là où l’on progresse, c’est sur le potentiel redox de la feuille et de la plante. Mais encore une fois la mise en œuvre est compliquée puisque c’est une mesure qui est délicate et longue. Nous atteignons péniblement une trentaine de mesures en travaillant à deux sur toute une journée. C’est pourquoi nous avons développé avec l’entreprise Senseen un capteur par spectroscopie proche infrarouge.
Comment fonctionne ce capteur ?
Quelles sont les applications que vous avez déjà définies ?
C’est un outil qui permettra de piloter le vignoble. Pour un viticulteur, ne réaliser qu’une seule mesure ne servira pas à grand-chose, cela demande à être répété pour étudier l’évolution. Concrètement, les viticulteurs pourront tester leurs pratiques et voir à quoi sont liés les déséquilibres redox de la plante. Par exemple, une piste intéressante serait de comparer des mélanges de couverts végétaux, car l’effet sur le redox du sol, et par ricochet de la vigne, change fortement d’un type à l’autre. Mais on pourra tester ainsi toutes les pratiques possibles et imaginables : le passage d’un herbicide, le rognage, pourquoi pas un jour la prétaille. Supposons, au hasard, que le rognage ait un impact sur le potentiel redox de la vigne. Nous pourrions alors imaginer faire un passage avec un élément antioxydant ensuite pour que la plante reste équilibrée.
Je pense aussi aux produits comme le soufre et le cuivre, car l’un est plutôt réducteur et acidifie, l’autre a priori oxydant. Avec ce capteur nous pourrons décrypter les mécanismes et définir une stratégie de lutte adaptée. Car aujourd’hui nous savons ce que toutes ces pratiques nous apportent à court terme, mais nous ne connaissons pas leur effet à long terme sur la santé de la vigne.
Tout cela est néanmoins très théorique. Dans la pratique, je pense que maintenir la vigne dans un équilibre pH/redox sera une question de compromis entre les « bonnes pratiques » et les moins bonnes, mais qui sont indispensables.
Ce capteur pourra-t-il avoir d’autres utilités dans le monde de la vigne et du vin ?
Nous commençons à calibrer l’appareil sur les moûts, pour développer des applications en œnologie. Mais on ne peut pas être partout. Même si nos travaux en vigne sont les plus aboutis, il nous faut encore multiplier les campagnes dans différentes régions pour que le modèle s’améliore en fonction des cépages et terroirs qu’il rencontre. Certains voudraient que l’on calibre le capteur pour le sol, mais je n’y vois pas d’intérêt supplémentaire pour aider les viticulteurs à piloter leurs pratiques. Les tests agronomiques classiques, comme les tests bêche ou les slake tests, sont suffisants pour qualifier un sol.