« Le chai circulaire limite la main-d’œuvre », Pierre-Yves Rouillé, directeur des caves Richemer
Dans le nouveau chai des caves Richemer, dans l’Hérault, l’optimisation des tâches a été prise en compte dès la conception. La forme circulaire permet une efficacité redoutable.
Dans le nouveau chai des caves Richemer, dans l’Hérault, l’optimisation des tâches a été prise en compte dès la conception. La forme circulaire permet une efficacité redoutable.
« Auparavant, nous avions deux personnes en charge uniquement de la thermo. Aujourd’hui, l’opérateur qui gère les cinq pressoirs peut sans souci s’en occuper en parallèle. » Des anecdotes comme celle-ci, Pierre-Yves Rouillé, directeur des caves Richemer à Marseillan, dans l’Hérault, peut en égrener durant des heures. Depuis 2020, la coopérative est installée dans de tout nouveaux locaux, avec un chai de vinification aussi original qu’impressionnant puisqu’il est entièrement circulaire.
Le bâtiment a été imaginé par le bureau d’ingénierie vinicole Ingévin, à la demande de la coopérative. À l’époque de la conception, la main-d’œuvre n’était pas un souci pour la cave, le directeur avait même des listes d’attente de personnes intéressées en cas de désistement d’un saisonnier. Aussi la motivation originelle de ce nouveau chai était avant tout organisationnelle. « Nous avions deux sites de production, à Agde et à Marseillan, explique Pierre-Yves Rouillé. Dès 2007 nous avons commencé à envisager un site unique. Selon moi, c’était indispensable pour l’organisation du travail ainsi que pour le respect du produit. » Afin de réduire les charges et limiter l’amortissement d’une telle construction, le bureau d’ingénierie s’est concentré sur les économies d’eau et d’énergie, mais aussi sur l’optimisation des tâches. Une aubaine pour le directeur de la cave, qui peine maintenant à trouver ses saisonniers pour les vinifications.
« Le Covid a marqué un vrai coup d’arrêt des candidatures, témoigne-t-il. Nous sommes en juillet et je n’ai pas encore mon personnel pour les vendanges, il me manque un aide caviste et une personne à la réception. » Pourtant ses nouveaux besoins sont relativement limités, si l’on compare à ceux des anciens sites. Pierre-Yves Rouillé embauche une personne pour le poste avancé que représentent le pont-bascule et la carotteuse, et deux autres personnes qui gèrent les deux quais de réception. Puis il a un poste avec deux opérateurs qui se relaient en deux fois huit heures pour s’occuper d’une batterie de cinq pressoirs pneumatiques (et de la thermo les jours où elle fonctionne). Enfin, des équipes de trois ou quatre personnes fonctionnent en trois-huit pour les opérations de vinification. Ainsi, une quinzaine de personnes suffisent pour vinifier 90 000 hectolitres dans la saison.
Le personnel voit d’un bout à l’autre de la cave en permanence
Il faut dire que chaque poste est optimisé. Et que la configuration évite de courir dans tous les sens. Les cinq pressoirs, par exemple, sont alignés les uns à côté des autres, en hauteur, avec chacun sa benne à marc en dessous. Une fois le moût pompé à la sortie du fouloir, tout se passe par gravité, et les jus rejoignent leurs cuves de destination par un système de tuyauterie fixe. La personne qui s’en occupe supervise les cinq appareils en un clin d’œil. « Sur l’ancien site, il nous fallait trois opérateurs rien que pour la gestion des pressoirs », compare le directeur. Et une fois posté sur la plateforme centrale, il est possible de voir à peu près tout ce qu’il se passe dans la cave.
« Cet espace ouvert est très pratique pour le maître de chai, qui a le personnel de visu en permanence et se rend compte de l’avancement des opérations », poursuit Pierre-Yves Rouillé. Si cette cathédrale en inox donne une impression d’immensité, on se rend vite compte en déambulant dans la cave que l’on peut aller à peu près n’importe où très rapidement. « Alors que dans les chais classiques du début du siècle dernier, comme nous avions auparavant, on passe son temps à aller d’un bout à l’autre du bâtiment, ce qui finit par représenter des kilomètres », pointe le directeur. Ici, les travées sont courtes, et ramènent toutes vers le centre, où se trouvent les filtres. Ces faibles distances permettent également de rationaliser les tuyaux et de gagner du temps aux montages et démontages de lignes. Le maître de chai dispose, en outre, d’un écran centralisé où il peut suivre toutes les opérations et tous les paramètres.
Décuver 240 hectolitres seul en une trentaine de minutes
Au-delà de la configuration, le matériel, lui aussi, est taillé pour l’efficacité. L’atelier de rouge, par exemple, est constitué de cuves autovidantes sur deux niveaux. Chacune a sa pompe dédiée et sa colonne de remontage. Sous ces deux niveaux de cuve de fermentation se trouve un étage avec des simples cuves de stockage, permettant de recevoir les jus lors des délestages ou de l’écoulage. « Les remontages sont programmés, il n’y a pas à surveiller. Réaliser un délestage est un jeu d’enfant : il suffit d’appuyer sur deux boutons, illustre Pierre-Yves Rouillé. Je n’ai pas voulu de vannes automatiques en revanche, cela nous oblige ainsi à démonter les branchements pour nettoyer. »
Les décuvages, opérations gourmandes en main-d’œuvre par excellence, sont tout aussi aisés. Les portes des cuves sont montées sur vérins et les fonds sont inclinés, en forme de cuillère. Une sorte d’entonnoir dirige le marc vers un système fixe de vis sans fin en milieu de travée, débouchant sur une pompe envoyant le marc jusqu’aux pressoirs. « Une personne seule peut décuver entièrement une cuve de 240 hl en 30 minutes », se réjouit le directeur. Autre astuce qui change la vie : les calories dégagées par le groupe de froid sont récupérées pour chauffer des gros ballons d’eau. Ainsi le nettoyage dans toute la cave se fait à l’eau chaude. « Et je vous assure que ça facilite grandement l’opération, même avec moins de produits ! », lâche Pierre-Yves Rouillé.
En définitive, il a calculé que ce chai lui permet d’économiser 25 à 30 % d’eau, autant d’énergie et probablement la même quantité de main-d’œuvre, même si ce dernier poste de dépenses est plus difficile à chiffrer. L’investissement de départ est toutefois conséquent : près de 17 millions d’euros, pour 110 000 hl de cuverie. Financés à hauteur de 4,5 millions d’euros par des aides de l’Europe et de la région, pas loin de 6 millions d’euros issus de la vente des anciens sites, et un emprunt avoisinant 6,2 millions d’euros. « Mais il faut dire qu’on y a intégré un aspect touristique, avec un caveau de 300 m2 et un circuit de visite, qui n’est pas neutre sur le coût total », tempère le directeur. Un investissement qu’il ne regrette pas et dont il est pleinement satisfait. « Tout a été étudié durant plusieurs années, nous avons eu de nombreux échanges avec le bureau d’ingénierie, qui nous a présenté beaucoup de versions, retrace-t-il. Je pense sincèrement que nous sommes arrivés à un optimum. »
Un concept innovant et breveté
repères
Les caves Richemer
Statut coopératif
Appellations IGP pays-d’oc et côtes-de-thau
Production 70 000 hl/an
Couleurs 65 % de blanc, 25 % de rosé et 10 % de rouge
Commercialisation vrac (75 %), vente directe, CHR et export
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