La viticulture bio planche sur ses futurs plants
Quels plants pour la viticulture bio ? La question a fait l’objet d’un colloque national le 9 janvier dernier, dans le but de préparer la filière à l’obligation d’utiliser des plants bio à partir de 2035. Le point sur le sujet en cinq questions.
Quels plants pour la viticulture bio ? La question a fait l’objet d’un colloque national le 9 janvier dernier, dans le but de préparer la filière à l’obligation d’utiliser des plants bio à partir de 2035. Le point sur le sujet en cinq questions.
Organisée par la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) en collaboration avec la Coordination agrobiologique (CAB) des Pays de la Loire, une journée d’échanges a mobilisé vignerons bio, pépiniéristes et administrations sur les plants destinés à la viticulture bio. Des représentants de la DGAL (1), de l’INAO (2), de l’IFV et de FranceAgriMer étaient présents. Elle constitue un premier pas afin d’anticiper la nouvelle réglementation. Si l’échéance de 2035 paraît éloignée, de l’avis des participants, il est grand temps de s’y mettre car des solutions techniques et réglementaires sont à trouver. Un groupe de travail va se mettre en place dans les mois qui viennent. « On sent une volonté commune de toutes les parties prenantes d’avancer », se réjouit Guy Bossard, représentant de la Fnab au comité national bois et plants de FranceAgriMer.
1 Quels sont les obstacles à la production de plants bio ?
Il est obligatoire de traiter les plants contre la cicadelle, vecteur de la flavescence dorée, avec des produits qui ne sont pas autorisés dans le cahier des charges de l’agriculture biologique (sauf dans quelques rares endroits où la flavescence dorée n’est pas observée comme en Alsace). Il faut donc trouver des solutions compatibles avec la viticulture bio d’ici 2035. À cette date, la dérogation pour l’usage de plants non bio cessera.
2 Quels sont les critères de qualité attendus ?
Le plant bio sera issu d’un porte-greffe bio, d’un greffon bio et d’un sol cultivé en bio. Sa qualité sanitaire, sa durabilité et son adaptation au style de vin voulu par le producteur seront évidemment requises. Doit-il faire plus ? « Certains veulent des plants issus de sélections clonales, d’autres veulent des plants moins productifs et issus de sélections massales. Il faut des plants qui correspondent à chacun et à différents marchés", résume Jacques Carroget, secrétaire national viticulture de la Fnab. En clair, le plant bio pourrait d’abord se conformer à un cahier des charges de base, chacun pouvant ensuite y rajouter des critères auxquels répondra son pépiniériste. Mais un consensus s’est établi sur la nécessité de plants adaptés au micro-climat local et issus d’une diversité variétale.
3 Comment les plants bio doivent-ils être développés ?
« Le déblocage passe par la recherche. Des lignes budgétaires doivent être dégagées. On ne va pas trouver en six mois », estime Guy Bossard. Pour Jacques Carroget, "l’Inra fait des travaux dans le sens de l’adaptation au local pour les semences ou pour l’élevage, il n’y a pas de raison d’imaginer que la recherche ne puisse pas aller dans ce sens. Il faut aussi s’inspirer de l’expérience de pépiniéristes et de vignerons en pépinières privées". Il évoque également la nécessité de « travailler à la régénération du vivant par le semis ».
4 Quelles sont les contraintes de production ?
Trouver des terres cultivées en bio pour développer les plants est un point crucial, sachant qu’une rotation sur cinq ans est indispensable, comme pour tout plant conventionnel. "S’il fallait déjà produire dès aujourd’hui des plants certifiés bio, on manquerait de sols disponibles", s’inquiète Jacques Carroget.
5 Quel surcoût est à envisager ?
Le pépiniériste Christophe Hebinger estime que le surcoût total pourrait être de 15 à 30 %, en incluant aussi la difficulté de trouver des terres à pépinières adaptées. Un coût, qui de l’avis de certains participants, n’est pas insurmontable si on le rapporte à un prix à la bouteille.
(1) Direction générale de l’alimentation, (2) Institut national de l’origine et de la qualité.
« Nos plants ont moins de racines mais ils sont tout aussi fiables »
Christophe Hebinger, pépiniériste à Eguisheim en Alsace, produit des plants de vigne avec une approche bio depuis une quinzaine d’années.
Comment produisez-vous votre gamme Approche B ?
Nous respectons les obligations du cahier des charges biologique sauf pour les traitements obligatoires qui recourent à des produits interdits en bio, et pour les sols qui ne sont pas systématiquement bio car nous avons des difficultés pour en trouver. Nous n’utilisons pas d’hormones de greffage et d’enracinement. Nous avons un peu plus de plants à défaut de racines mais nous progressons. Nos plants sont moins beaux, avec des racines moins nombreuses, mais plus grosses. Ils sont tout aussi fiables. L’expérience nous a montré que leur capacité de reprise était tout aussi bonne.
Comment sont cultivés les porte-greffes et les plants ?
Nous n’utilisons pas d’engrais chimiques. Nos densités de plantation sont plus faibles pour que les plants aient plus de nutriments. Leur croissance est plus lente, mais ils sont constitués de petites cellules ce qui les rend plus résistants. Les porte-greffes sont palissés afin de pouvoir assurer un désherbage mécanique en dessous.
Peut-on se passer de produits de conservation des plants ?
Il faut une bonne gestion de l’aération et de l’humidité. Il faut aussi que le matériel soit bien aoûté et qu’il n’ait pas poussé trop vite. Une croissance rapide rend les plants plus vulnérables aux attaques de champignons.
Quelle est votre approche pour assurer la durabilité des plants ?
Nos méthodes de greffage (greffe anglaise et F2) assurent une longévité plus grande du plant. Nous utilisons des sélections massales issues de 300 souches différentes et de vieilles vignes qui ont fait la preuve de leur longévité.
Comment contourner le problème de la flavescence dorée ?
Il faudrait développer une nouvelle approche avec une prospection systématique comme c’est le cas en Bourgogne, l’une des rares régions où la flavescence dorée stagne ou régresse. Faire des recherches pour mieux connaître la cicadelle est indispensable. Le traitement à l’eau chaude est un complément. On sait que cela fatigue le plan mais peut-être faudra-t-il en passer par là.