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La table de Montaigne
Entre tempérance et volupté
« La sagesse a ses excès et n'a pas besoin de modération que la folie » écrit Montaigne. Ce dernier aimait s'asseoir à une bonne table et faisait preuve d'un bel appétit, nous conte Christian Coulon, professeur à l'Institut d'études politiques de Bordeaux. Concernant le vin, Montaigne est partagé entre une peur de l'ivresse et une rigidité démesurée à l'égard de l'alcool. Ainsi, il ne comprend pas que l'on puisse boire au-delà de la soif mais il désire toutefois connaître les plaisirs de la volupté. Et c'est à travers les penseurs de l'Antiquité qu'il va se donner une certaine liberté vis-à-vis de ce vice qui, à ses yeux, est finalement « moins dommageable » que d'autres. C'est que Platon « veut plus de mal à l'excès de dormir qu'à l'excès de boire ». Ce dernier précise d'ailleurs l'âge où les plaisirs de l'ivresse sont permis. Avant dix-huit ans, les enfants ne doivent pas boire de vin ; avant quarante ans, le philosophe défend de s'enivrer. Mais après ce bel âge, Platon ordonne de se laisser bercer par les plaisirs de l'alcool car le vin « redonne aux hommes la gaieté et la jeunesse aux vieillards ». Il est à ce propos intéressant de remarquer que ce cycle de consommation du vin est à l'exact opposé de celui qui se pratique dans notre société moderne. Mais revenons à Montaigne qui, prenant de l'âge, et fort des conseils avisés de Platon, se laisse tenter. « Je me défens de la tempérance comme j'ai fait autrefois de la volupté. Elle me tire trop en arrière, et jusqu'à la stupidité ». Des pensées que certains seraient certainement bien inspirés d'écouter.