La phytothérapie en viticulture en pratique
De plus en plus de viticulteurs s’intéressent à la phytothérapie. Mais que recouvre exactement ce terme et quel est le b.a.-ba de cette technique ? Voici des éléments de réponse.
De plus en plus de viticulteurs s’intéressent à la phytothérapie. Mais que recouvre exactement ce terme et quel est le b.a.-ba de cette technique ? Voici des éléments de réponse.
Qu’est-ce que la phytothérapie ?
« La phytothérapie est le traitement des maladies par les plantes ou leurs extraits », indique le dictionnaire Le Robert. Dans la pratique, cette technique consiste à amener les principes actifs d’une ou de plusieurs plantes, sur une plante cultivée par l’homme, dans le but d’améliorer sa santé et/ou de palier des problèmes de carences.
Peut-on se lancer dans la phytothérapie sans prérequis ?
« La phytothérapie n’est pas anodine, lance Franck Girard, directeur du pôle fertilisation du groupe Perret. Il faut avoir un minimum de connaissances avant de se lancer, même s’il s’agit de produits doux et naturels et qu’il n’y a donc pas de risque de brûler la vigne. »
Même écho chez Justine Vichard, fondatrice du Pacte végétal et auteur de l’ouvrage La phytothérapie appliquée aux vignes, expliquée par les plantes, qui estime que la phytothérapie est très technique, et nécessite d’être formé et même suivi durant au moins une saison. « L’emploi de la phytothérapie implique de connaître chaque type de préparation et de savoir à quel niveau elle agit sur le végétal, détaille-t-elle. C’est un changement de référentiel. »
Sous quelle forme peut-on utiliser les plantes ?
Purins, tisanes, macérations, décoctions, extraits fermentés, jus… Les plantes peuvent être employées sous diverses formes, chacune possédant ses atouts et ses inconvénients. Mais comment savoir vers laquelle se tourner ? « Tout dépend de l’objectif recherché », répond Justine Vichard.
La macération est une préparation rapide à utiliser mais qui permet d’extraire très peu de principes actifs. La rhubarbe, la bourdaine et l’ortie, par exemple, conviennent bien à ce mode de préparation, qui consiste à laisser tremper les fragments de plante dans l’eau à température ambiante pendant 24h environ.
Les extraits fermentés, bien adaptés à l’ortie, à la consoude ou encore à la fougère, se distinguent par la réalisation d’une fermentation, qui libère des principes actifs. Un peu comme un purin, qui n’est rien de moins qu’un extrait fermenté étant allé « trop loin », selon Laurent Strelow. Enfin, les jus de plantes sont obtenus en les laissant fermenter pendant deux jours, puis en les pressant pour en recueillir le jus. La consoude et la valériane se prêtent notamment à ce type de préparation.
Quelles sont les plantes les plus intéressantes en viticulture ?
Pour Laurent Strelow, la plus importante est la prêle. « Cela permet d’apporter de la silice sous forme organique, ce qui est bénéfique tant pour les feuilles que pour les grappes », justifie-t-il. La prêle stimule ainsi la vigne dans sa capacité à s’adapter aux stress abiotiques. Il cite ensuite le saule (présence d’acide salicylique permettant un transport plus rapide de l’information au sein de la plante), l’ail (effet insecticide) et l’ortie (régulateur de la croissance végétale ayant un effet positif sur les fonctionnalités biologiques des sols et des plantes), puis le cactus, très efficace pour lutter contre le stress hydrique. Pour Franck Girard, le trio « indispensable » est constitué par les substances de base autorisées en Europe, à savoir l’ortie, la prêle, et le saule. Il ajoute à cela l’achillée millefeuille et le pissenlit.
Peut-on employer ces plantes à la place des produits de protection habituels ?
« Cela ne remplace pas les produits de protection, cela contribue à la santé du végétal, soutient Justine Vichard. Il ne faut pas employer les plantes seules, elles sont une pièce d’un puzzle. » « Il peut toujours y avoir un viticulteur qui arrive une année à se passer de phytos, renchérit Franck Girard. Mais ce sera sur une campagne sans pression. Dès lors que la pression est même faible à moyenne, l’emploi de cuivre et de soufre est indispensable. »
Comment bien se fournir ?
« La plupart des produits que l’on trouve sur le marché sont de bonne qualité », rassure Justine Vichard, qui conseille néanmoins d’adopter quelques précautions d’usage. Elle recommande de questionner son fournisseur sur le mode de cueillette des plantes, leur origine et mode de culture, sur le pH-redox s’il s’agit d’un extrait, ou de vérifier l’odeur dans le cas de plante sèche. « Si elle sent le son, mieux vaut s’abstenir, préconise-t-elle. Chaque plante doit sentir son odeur. »
Laurent Girard insiste pour sa part sur l’importance de la qualité de l’eau employée. « Il faut utiliser de l’eau de pluie, explique-t-il. Ou de l’eau de source. » Il prévient que l’eau provenant des puits n’est pas forcément bonne, certaines étant calcaires ou ferrugineuses. Et l’eau du robinet serait selon lui trop chlorée et souvent en prime calcaire. Des conseils également prodigués par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, qui précise que « l’excès de calcaire bouche les stomates et limite l’action des plantes, tandis que le chlore diminue le potentiel électrique, calorifique et la conservation des produits ».
Témoignage : José Liévens, du Champagne Jacques Picard, à Berru, dans la Marne
« J’essaie de diminuer les doses de soufre avec des extraits fermentés »
Je suis parti sur des extraits fermentés et non des purins ou tisanes, car ces derniers doivent être frais pour être efficaces. Or cela ajoute de la complexité. Lorsque je dois traiter, je dois pouvoir faire 15 hectares en une journée. Les extraits fermentés sont stables dans le temps et donc plus simples d’un point de vue logistique.
Au final, le TNT a été attaqué par l’oïdium, et la modalité dose pleine de soufre a été parfaitement protégée. Les deux autres modalités sont intermédiaires. Les rangs demi-dose de soufre plus extraits de plantes ont été moitié moins attaqués que ceux ayant juste reçu la demi-dose de soufre, mais l’ont été davantage que ceux protégés par une dose pleine de soufre. L’ail a presque compensé le passage à la demi-dose de soufre pour un coût d’environ à 30 euros par hectare et par passage. Je compte donc poursuivre dans cette voie. J’ai aussi appliqué un produit composé d’extraits de gel de figuier de barbarie pour lutter contre l’échaudage. Je n’ai pas fait de comparatif, mais malgré les grosses températures de cet été, la vigne n’a pas eu d’échaudage contrairement à 2017. »