" La France viticole n'a pas de culture commerciale "
La France viticole a tout pour réussir et pourtant elle perd des parts de marché à l'export. La raison : une absence de culture commerciale, estime Fabrice Chaudier, dirigeant de Némésis, société de conseil en marketing et commercialisation des vins.
La France viticole a tout pour réussir et pourtant elle perd des parts de marché à l'export. La raison : une absence de culture commerciale, estime Fabrice Chaudier, dirigeant de Némésis, société de conseil en marketing et commercialisation des vins.
les parts de marché
des vins français connaissent
un recul important.
" Quand on demande à un chef de rayon vins à l'étranger pourquoi y a t-il si peu de vins français dans le magasin, il répond : parce que personne ne vient m'en proposer. " Le constat que dresse Fabrice Chaudier est amer : la France n'est plus compétitive au niveau commercial, faute de ne pas en avoir la culture. " Investir 50 000 euros dans un tracteur ou un pressoir ne pose aucun problème au producteur, mais embaucher pour la même somme un commercial paraît inenvisageable. " Et ce constat, il l'étaye par des chiffres, issus de FranceAgriMer. En 1995, les parts de marché de la France représentaient 22,5 % du commerce mondial et elle occupait la place de numéro un mondial. En 2012, elles ne sont plus que de 14,8 %. Et elle arrive en troisième position. " Ainsi, le potentiel export perdu s'élève à 7,8 millions d'hectolitres ou 5,25 milliards d'euros en moins de vingt ans. La France a perdu son leadership mondial en volume. En valeur, il est vrai, elle reste en tête, car exportant essentiellement des vins en bouteille et d'origine, mais le chiffre d'affaires ne fait que masquer la perte en volume. " L'étude de compétitivité réalisée par FranceAgriMer qui mesure tous les deux ans la capacité des quinze plus gros opérateurs mondiaux à faire face à la concurrence vient enfoncer le clou. " La France, dans cette étude, occupe la deuxième place au niveau compétitivité en 2013. Sauf que dans les critères pris en compte pour cette étude, il y en a un qui s'appelle : capacité des opérateurs à exporter et là, la France est à la neuvième place. Voilà bien le noeud du problème. Collectivement et individuellement, la prise en charge de la fonction commerciale est sous-évaluée. "
La filière vin française a des atouts, à commencer par ses PME
Pourtant, la France viticole a des atouts. À commencer par ses PME, des structures dont la taille est parfaitement adaptée au marché du vin. " Ce qui leur permet d'avoir une offre pertinente à l'échelle d'un pays car un consommateur français ne boit pas le même vin que son homologue anglais. Même JP Chenet, avec ses 80 millions de bouteilles comparées aux 245 millions d'hectolitres produits dans le monde, reste une PME et adapte son offre selon les pays. N'oublions pas non plus qu'en France, nous avons des TPE qui exportent. Ce dont on ne parle jamais. Si Airbus avait perdu cinq milliards d'euros en quinze ans, cela aurait fait du bruit ! Mais dans la filière, personne n'a réagi et l'on a continué les mêmes politiques engagées depuis 1975, date de création des interprofessions, et qui ont consisté à s'intéresser uniquement à l'outil de production. "
Il y a aussi la question du prix. Sur ce plan, la demande croissante des consommateurs pour des vins de coeur de gamme, ce qui a entraîné, depuis 2008, une hausse de 37 % des prix moyens des vins vendus en grande distribution (de 2,66 à 3,04 euros), est favorable à la production française. À l'international, cette tendance se confirme. Sur les sept dernières années, selon une étude d'Ernst and Young, sur un marché en croissance de 10 %, les ventes de vins à plus de six euros ont augmenté de 18 %, celles des vins dont le prix est compris entre trois et six euros, de 49 %. Par contre, les ventes de vins à moins de trois euros n'augmentent que de 2 %. " Ce qui est une contre-performance. Et qui pose la question : alors que la France s'appuie sur un modèle de vins de qualité, fait-on un plan stratégique pour ce segment qui est encore peu développé mais qui est en croissance ou opte-t-on pour le segment aujourd'hui le plus important mais qui décroît ? "
Reste qu'il y a une contrainte : si le segment entre cinq et dix euros est appelé à se développer, cela ne se fera pas sans assistance commerciale. " Ce qui coûte cher et pour avoir le budget nécessaire, il faut de la rentabilité, celle qu'on a perdue en diminuant les rendements. La loi de l'offre et de la demande n'existe plus dans le vin. La reprise annoncée des cours est un leurre. Pour prendre l'exemple de Bordeaux, si ce mécanisme avait fonctionné pour 2013, année de très faible récolte, le vrac aurait dû bondir de 70 % pour compenser la baisse de rendement. Pour peser à long terme sur les prix, il faut retrouver les parts de marché perdues car c'est la pression des volumes offerts qui permettra de doper les prix. "